Art. 812-1 du code civil : Conditions de validité du mandat à effet posthume

Le premier aliéna du texte proposé pour l'article 812-1 par le projet de loi prévoit que le mandat à effet posthume doit être justifié par un intérêt sérieux et légitime précisément motivé .

Cette notion d'intérêt sérieux et légitime a déjà été précisée par la jurisprudence s'agissant de justifier une clause d'inaliénabilité accompagnant une libéralité (art. 901). Répondent ainsi notamment à cette exigence des motifs de prévoyance tenant au jeune âge du gratifié ou au désir de le protéger contre sa prodigalité 63 ( * ) .

Le deuxième alinéa encadre ensuite la durée du mandat à compter du décès du mandant, en prévoyant :

- une durée de droit commun ne pouvant excéder deux ans , sans possibilité de prorogation ni de raccourcissement ;

- une possibilité de durée indéterminée dérogatoire dans quatre hypothèses limitativement énumérées : l'incapacité, l'âge du ou des héritiers, la nécessité de gérer des biens professionnels ou de posséder des compétences spécifiques pour administrer ou gérer le patrimoine (comme un brevet professionnel pour reprendre une entreprise artisanale avec plusieurs salariés par exemple).

Le troisième alinéa prévoit en outre que le mandat à effet posthume doit être donné et accepté sous forme authentique .

Cette solennité se justifie par le fait que le mandat à effet posthume prive les héritiers de la liberté de la gestion de leur héritage. Elle poursuit en outre un double objectif :

- s'assurer que les parties ont reçu un conseil émanant d'un professionnel du droit des successions, pour éviter que le mandat soit recopié à partir d'un modèle ou comporte des dispositions obscures ou hasardeuses susceptibles de devoir être interprétées par le juge ;

- faire bénéficier le mandat posthume de la force juridique attachée aux actes authentiques, notamment en matière d'annulation, afin de mieux respecter les volontés du défunt. En effet, l'acte authentique ne peut être remis en cause que par la procédure de l'inscription de faux, contrairement à l'acte sous seing privé, même enregistré, la formalité de l'enregistrement ne faisant que conférer date certaine sans effet direct sur le contenu de l'acte. Le recours à l'acte authentique permet ainsi d'éviter des actions en nullité.

Enfin, le quatrième et dernier alinéa de cet article précise que le mandat à effet posthume doit être accepté par le mandataire du vivant du mandant . L'objectif de ce mandat est en effet précisément d'éviter des situations « d'incertitude » au décès du mandant.

L'Assemblée nationale a souhaité, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, apporter un certain nombre de précisions afin de mieux encadrer ce nouveau mandat. Quoique très attendu par les représentants des entreprises, il a suscité certaines inquiétudes, exprimées notamment par le professeur Pierre Catala lors de son audition par votre rapporteur.

S'agissant de la notion d' intérêt sérieux et légitime , l'Assemblée nationale a tout d'abord prévu qu'il devrait être motivé au regard de la personne de l'héritier ou du patrimoine successoral, ceci valant pour tous les mandats à effet posthume, qu'ils soient à durée déterminée ou indéterminée.

S'agissant du mandat à durée déterminée, l'Assemblée nationale a ensuite permis à un héritier ou au mandataire de saisir le juge d'une demande de prorogation du mandat , sans limiter le nombre de prorogations. Cet assouplissement paraît opportun.

S'agissant des hypothèses autorisant le mandat à durée indéterminée, elle a visé l'inaptitude , et non l'incapacité des personnes, en estimant trop restrictive la notion d'incapacité, qui renvoie aux régimes de protection prévus par le code civil.

Enfin, l'Assemblée nationale a souhaité préciser que si le mandataire devait avoir accepté le mandat du vivant du mandant, tous deux pourraient renoncer au mandat après avoir notifié leur décision à l'autre partie préalablement au décès du mandant. Cette précision, qui s'inspire de l'article 2004, n'apparaît pas forcément indispensable, puisque l'Assemblée nationale a par ailleurs introduit un article additionnel 812-1-3 afin de soumettre le mandat à effet posthume aux dispositions des articles 1984 à 2010, relatifs au mandat, qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions de la présente section. Notons qu'une fois le mandat commencé, le mandataire pourrait également y renoncer sous réserve de notifier cette décision trois mois avant qu'elle ne prenne effet (art. 812-7).

Si votre commission approuve la plupart de ces ajouts, elle vous propose en revanche par amendement de supprimer la mention des compétences spécifiques pour administrer ou gérer le patrimoine, et de remplacer le mandat à durée indéterminée autorisé dans certaines hypothèses par un mandat à durée déterminée de cinq ans prorogeable. En effet, cette durée indéterminée paraît très contestable, même si l'article 812-6 prévoit la possibilité d'y mettre fin en cas de disparition de l'intérêt sérieux et légitime qui le justifiait.

* 63 Cass. Civ. - 23 mars 1903.

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