Art. 792 du code civil : Délai de déclaration des créances

L'article 792 introduit une innovation substantielle en instituant une procédure de déclaration des créances obligatoire assortie d'une sanction drastique , alors que les actuels articles 808 et 809 du code civil ne prévoient aucune délai ni déclaration particulière.

? Le premier alinéa de cet article prévoit que les titulaires de créances non assorties de sûretés sur les biens recueillis dans la succession doivent déclarer leur créance en notifiant leur titre au domicile élu de l'héritier.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, remplacé la mention du « domicile élu de l'héritier » par celle du « domicile élu de la succession », par coordination avec l'élection d'un domicile unique introduite à l'article 788 modifié, et afin d'éviter qu'un créancier ne notifie qu'à un seul héritier en croyant que cette notification vaut pour tous, avec pour conséquence une extinction de sa créance à l'égard de l'ensemble de la succession.

Si l'obligation de déclaration ne pèse pas sur les créances non assorties de sûretés réelles sur les biens de la succession, elle concerne en revanche le cautionnement, qui constitue une sûreté personnelle.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, étendu l'obligation de déclaration aux créances assorties de sûretés , dans leur propre intérêt.

En effet, même si l'article 792-1 prévoit que la suspension des saisies pendant le délai de déclaration des créances leur fait produire l'effet d'une sûreté inscrite sur le bien et permet donc au créancier poursuivant d'être payé avant les chirographaires qui n'ont pas engagé de poursuites si le bien saisi est conservé ou aliéné, le créancier saisissant ou nanti d'une sûreté sur un bien particulier a toujours intérêt à déclarer sa créance.

En effet, cette déclaration lui permet de prendre rang sur les autres éléments de l'actif net si la valeur du bien sur lequel il bénéficie du privilège n'est pas suffisante pour l'apurement de sa créance. A défaut, il serait considéré à l'égard des autres biens de la succession comme un simple créancier chirographaire et donc payé en dernier.

Bien évidemment, l'absence de déclaration de créances assorties de sûretés ne les éteindra pas à l'égard de la succession.

Le projet de loi prévoit que cette déclaration doit intervenir dans un délai de deux ans à compter de la publicité de la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net.

Le choix de ce délai, qui excède la durée d'un exercice comptable, doit permettre aux créanciers, à l'occasion de la clôture de chaque exercice, de s'intéresser au recouvrement de leurs créances. Néanmoins, s'il ne suspend pas le paiement des créances, qui intervient au fur et à mesure des déclarations, en vertu de l'article 796 modifié qui prévoit le paiement au prix de la course*, il présente l'inconvénient de laisser l'héritier longtemps dans l'ignorance du caractère excédentaire ou non de la succession.

L'Assemblée nationale a donc à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement réduit ce délai à quinze mois , en rappelant que ce délai s'ajoute à celui de quatre mois pendant lequel l'héritier ne peut être sommé d'opter et d'un mois (deux mois dans le texte issu de l'Assemblée nationale) pour exercer l'option.

? Le projet de loi sanctionne d'extinction les créances non déclarées dans le délai.

Le texte prévoit une sanction très sévère, puisque l'absence de déclaration dans les délais entraîne l'extinction de la créance à l'égard de la succession, et non du seul héritier acceptant à concurrence de l'actif net.

Certes, cette dérogation peut sembler injustifiée.

Néanmoins, elle fonde la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net, qui est de protéger l'héritier et d'inciter les créanciers à la diligence.

La loi de sauvegarde des entreprises, s'agissant des procédures collectives, avait pour sa part retenu la solution inverse, en remplaçant l'extinction de la créance non déclarée dans le délai prévu par une simple exclusion de la répartition des dividendes. Ce choix dicté par le droit communautaire visait à permettre de déclarer la créance oubliée dans une éventuelle deuxième procédure collective en cas d'échec de la première, hypothèse impossible s'agissant de la succession d'une personne physique.

Ce délai de forclusion permettra de clarifier le devenir de la créance et de contraindre les créanciers à procéder à la déclaration rapidement.

L'Assemblée nationale a par ailleurs étendu, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, le principe de l'extinction de la dette déclarée trop tardivement aux cautions, conformément aux principes retenus dans la loi de sauvegarde des entreprises 39 ( * ) et prévus de manière générale par le code civil, qui prévoit que la caution suit le principal 40 ( * ) . La solution contraire n'inciterait pas les créanciers bénéficiant d'un cautionnement à déclarer leur créance.

Le texte vise les cautions et coobligés ainsi que les personnes ayant consenti une garantie autonome portant sur la créance ainsi éteinte. La garantie autonome, également appelée garantie à la première demande, oblige le garant aussitôt qu'il est sollicité, sans pouvoir, hors le cas de fraude manifeste, opposer la moindre exception ou contestation sur la réalisation du risque.

Enfin, l'Assemblée nationale a prévu, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, que les créances non connues de manière définitive pourraient faire l'objet d'une déclaration à titre provisionnel. Ce dispositif vise les créances susceptibles de n'être définitivement connues qu'à l'issue d'un délai supérieur à celui de la déclaration des créances, comme par exemple en présence d'une action en responsabilité engagée contre le défunt avant son décès. Il permettra de ne pas priver celui qui a supporté un dommage de sa légitime réparation sans pour autant retarder la clôture de la procédure d'acceptation.

Votre commission des lois vous propose d'adopter un amendement rédactionnel.

Rappelons enfin que le cours des intérêts ne sera pas suspendu pour les créances pendant le délai de déclaration, contrairement au cas des procédures collectives, ce qui devrait inciter l'héritier à régler rapidement la succession.

* 39 Pour ce qui concerne la suspension du cours des intérêts dans le cadre d'un accord de conciliation ou en cas de procédure de sauvegarde.

* 40 L'article 2021 dispose que « la caution n'est obligée envers le créancier à le payer qu'à défaut du débiteur qui doit être préalablement discuté dans ses biens ».

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