Art. 929 du code civil : Objet de la RAAR
Cet article a pour objet de définir les caractéristiques essentielles de la RAAR.
Cette forme de pacte sur succession future permettrait aux héritiers réservataires présomptifs de renoncer du vivant du disposant à exercer une action en réduction à l'encontre des libéralités (dons ou legs) qui porteraient atteinte à leur réserve. L'héritier qui renoncerait à exercer l'action en réduction resterait héritier.
? Cette faculté est ouverte à l'ensemble des héritiers réservataires présomptifs , ce qui inclut tant les descendants que les ascendants du disposant.
Ainsi que le prévoit l'article 930-5, cette renonciation est opposable aux représentants du renonçant et donc aux héritiers subséquents.
En revanche, le conjoint du disposant ne renoncer, hormis le cas particulier visé à l'article 914-1 du code civil 179 ( * ) , où il est héritier réservataire.
? Cette faculté concerne les successions non ouvertes .
En effet, tout héritier peut d'ores et déjà renoncer à la succession au décès du disposant.
? Le projet de loi prévoit le renonçant devra mentionner le ou les bénéficiaires de la renonciation .
Il s'agit d'éviter que ces renonciations se fassent dans un objectif resté inconnu des renonçants. La motivation conduisant un héritier réservataire à signer une RAAR doit être clairement fondée et juridiquement établie.
Ce bénéficiaire ne sera pas forcément un autre héritier réservataire, même si cette hypothèse paraît la plus probable.
Le projet de loi prévoit qu'il pourra y avoir plusieurs bénéficiaires. L'acte de renonciation devra donc préciser au cas par cas les modalités de répartition de la renonciation entre eux. Une personne pourra ainsi renoncer au profit de différentes personnes de façon globale sans considération de la répartition entre elles, le disposant en décidant alors lui-même, ou au contraire renoncer au profit de personnes déterminées pour des montants ou une clef de répartition déterminés.
? Par ailleurs, si la RAAR constitue un acte unilatéral, le projet de loi prévoit qu'elle ne peut produire d'effet qu'à compter de son acceptation par celui dont son auteur a vocation à hériter , c'est-à-dire le disposant. Cette exigence, qui parait au premier abord surprenante, devrait permettre de priver d'effet des renonciations décidées de manière irréfléchie ou obtenues à la suite de pressions exercées par d'autres héritiers réservataires potentiellement bénéficiaires. Elle permet en outre de préserver la liberté du disposant.
En revanche, le pacte de renonciation n'intéressant que le futur défunt et le renonçant, le bénéficiaire de la renonciation n'a pas à l'accepter. En effet, son droit n'est pas issu du contrat, mais de la libéralité qui lui sera éventuellement consentie.
Cette libéralité ne reste qu'éventuelle, puisque le disposant demeure libre de ne rien faire. Il peut ainsi décider de ne finalement pas avantager le bénéficiaire de la renonciation.
? Le deuxième alinéa vise à permettre à l'héritier réservataire renonçant de moduler la portée de son acte :
- il peut renoncer de façon abstraite à exercer son action en réduction quelle que soit l'atteinte portée à sa réserve . Cette renonciation peut donc aboutir à priver l'héritier réservataire de la totalité de sa part de réserve. Cette hypothèse devrait être rare ;
- il peut renoncer à exercer son action en réduction si l'atteinte portée à sa part de réserve n'excède pas une certaine quotité (un quart, un tiers...) ;
- il peut enfin renoncer de façon plus précise à exercer son action en réduction à l'encontre d'une libéralité portant sur un bien déterminé.
Cette souplesse, qui s'oppose à la rigidité de l'option successorale, est bienvenue et facilitera la conclusion de pactes familiaux consensuels.
Il n'en reste pas moins que le renonçant ne pourra évaluer pleinement la valeur de sa renonciation à une succession qui pourra ne s'ouvrir que des décennies plus tard . La valeur du patrimoine de la succession, et du sien, aura pu varier de manière considérable, de même que sa situation, par exemple en cas de survenance d'enfants. Au contraire, la situation du bénéficiaire aura pu s'améliorer, sans que l'on puisse remettre en cause le pacte, la possibilité de révocation pour état de besoin apparaissant très restrictive (voir infra article 930-3).
Est-il vraiment possible dans cette hypothèse de renoncer à une chose future ?
? Le dernier alinéa prévoit enfin que l'acte de renonciation ne peut créer d'obligations à la charge de celui dont on a vocation à hériter (c'est-à-dire le de cujus ) ou être conditionné à un acte émanant de ce dernier.
La renonciation de l'héritier réservataire est donc purement gratuite . Il ne peut conditionner sa renonciation au versement d'une somme d'argent ou à la passation d'un acte par le futur défunt (par exemple disposer de ses biens en faveur d'une personne déterminée).
En revanche, rien n'empêche le futur défunt de faire par acte séparé une donation au renonçant en contrepartie de sa renonciation. Les deux actes ne peuvent toutefois pas être liés : si le pacte est caduc, la donation subsistera.
Rappelons que lors de l'ouverture de la succession (actuel art. 780 repris à l'art. 784 modifié par l'article premier du projet de loi), toute cession, à titre gratuit ou onéreux, faite par un héritier de tout ou partie de ses droits dans la succession emporte acceptation pure et simple. Il en est de même de la renonciation, même gratuite, que fait un héritier au profit d'un ou plusieurs de ses cohéritiers et de la renonciation qu'il fait, même au profit de tous ses cohéritiers indistinctement, lorsqu'il en reçoit le prix. Il y a ainsi acceptation pure et simple tacite en cas de cession des droits successoraux et des renonciations équivalentes à des cessions. Sont expressément visés le cas de la renonciation, par exemple pour échapper volontairement aux règles d'ordre public de la réserve au profit d'un ou de plusieurs cohéritiers précisément identifiés ayant des besoins spécifiques en lui faisant une donation de ses droits ou en les leur cédant, ainsi que l'hypothèse de la renonciation au profit de l'ensemble des cohéritiers, mais contre paiement, ce qui revient à vendre la renonciation.
Le projet de loi vise ainsi à éviter l'apparition de RAAR à titre onéreux utilisées comme garanties de crédit.
* 179 Le conjoint survivant qui n'est ni divorcé ni engagé dans une instance de divorce ou séparation de corps dispose en l'absence d'ascendant et de descendant du défunt d'une réserve correspondant au quart des biens de ce dernier.