II. L'ETAT DU DROIT : DES DISPOSITIFS SPÉCIFIQUES POUR LUTTER CONTRE LES VIOLENCES INDIVIDUELLES COMMISES À L'OCCASION DE MANIFESTATIONS SPORTIVES
La France s'est progressivement dotée d'un arsenal juridique efficace pour lutter contre les violences commises à l'occasion de manifestations sportives. Ce dispositif comporte un volet répressif et préventif.
? Le volet répressif
Notre droit prévoit à la suite des lois du 13 juillet 1992 6 ( * ) et surtout de la loi du 6 décembre 1993 7 ( * ) -dite « loi Alliot-Marie »- des incriminations spécifiques concernant les violences dans les stades.
Ces dispositions insérées dans la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités sportives, visent quatre séries d'actes :
- l'entrée en état d'ivresse par fraude ou par force dans une enceinte sportive à l'occasion d'une manifestation sportive troublant son déroulement ou portant atteinte à la sécurité des personnes et des biens -art. 42-10 (un an d'emprisonnement, 15.000 euros d'amende) ;
- l' introduction dans une enceinte sportive de fumigènes ou d' armes - art.42-8-(trois ans d'emprisonnement, 15.000 euros d'amende) ;
- le jet de projectiles présentant un danger pour la sécurité des personnes dans une enceinte sportive lors du déroulement d'une compétition - art. 42-9 - (trois ans d'emprisonnement, 15.000 euros d'amendes) ;
- l'introduction ou l'exhibition dans une enceinte sportive d' insignes rappelant une idéologie raciste ou xénophobe -art. 42-7-1 (un an d'emprisonnement, 15.000 euros d'amende) et la provocation à la haine ou à la violence lors d'une manifestation sportive -art.42-7 (trois ans d'emprisonnement, 15.000 euros d'amende).
Ces délits sont également passibles d'une peine complémentaire d'interdiction pour une durée maximale de cinq ans de se rendre dans une enceinte sportive ou aux abords de celle-ci (art. 42-11). La jurisprudence a d'ailleurs entendu de manière assez large cette interdiction puisque les abords peuvent s'étendre à l'accès autoroutier menant à l'enceinte sportive dès lors que les personnes interpellées s'y trouvaient dans le but de se rendre à la manifestation sportive s'y déroulant.
En outre, la peine complémentaire peut être assortie par le juge d'une astreinte tendant à obliger l'intéressé à répondre au moment d'une manifestation sportive aux convocations d'une autorité qualifiée -généralement un commissariat de police. Cette obligation de « pointage » permet de s'assurer que la personne ne troublera pas le match ou ne se livrera pas à des violences dans d'autres lieux.
La peine complémentaire d'interdiction de stade et, le cas échéant, l'obligation de pointage peuvent aussi être appliquées aux violences aggravées ainsi qu'à certaines infractions de dégradation et de rébellion quand ces actes sont commis à l'occasion d'une manifestation sportive dans une enceinte sportive ou dans ses abords.
Enfin, il convient de rappeler que certaines incriminations de droit commun sont également particulièrement susceptibles de viser des actes commis dans un contexte sportif (outrage à personne dépositaire de l'autorité publique, outrage au drapeau ou à l'hymne national lors d'une manifestation, menaces de commettre un crime ou un délit ou menaces réitérée de mort...).
Le renforcement du dispositif pénal a porté ses fruits. Ainsi le nombre de condamnations a doublé en deux ans passant de 95 en 2002 à 200 en 2004.
? Le volet préventif
Aux côtés des dispositions à caractère répressif, la loi du 16 juillet 1984 comporte désormais une mesure d'interdiction administrative de pénétrer dans une enceinte sportive ou d'accéder à ses abords lors du déroulement d'une manifestation sportive. Cette disposition introduite par un amendement du député Pierre-Christophe Baguet à la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, permet au préfet par arrêté motivé, d'interdire de stade un individu dont le comportement d'ensemble a constitué une menace à l'ordre public à l'occasion de manifestations sportives. L'arrêté doit désigner le type de manifestation concerné et sa validité est limitée à trois mois.
Le préfet peut par ailleurs par le même arrêté, sur le modèle retenu pour les mesures pénales, astreindre les personnes visées à répondre aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée désignée par lui, pendant le déroulement des manifestations sportives concernées. Le manquement à l'une de ces obligations est passible d'une peine de 3.750 euros.
Le décret d'application de cette disposition a été pris le 16 mars dernier et la mesure a ainsi pu s'appliquer dès le match PSG-AJ Auxerre le 13 mars. Selon les informations recueillies par votre rapporteur auprès des services du ministère de l'intérieur, 70 interdictions administratives ont été décidées à ce jour (dont 57 sont en cours).
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Si le dispositif français apparaît aujourd'hui bien adapté à la lutte contre les violences individuelles, il présente néanmoins des lacunes s'agissant des violences collectives.
En effet, notre arsenal juridique ne comporte aucun instrument permettant de mettre un terme définitif aux agissements des groupes de hooligans. Le dispositif de dissolution judiciaire ne vise que les associations « fondées sur une cause ou en vue d'un objet illicite » 8 ( * ) . Il ne permet donc pas au juge civil de prononcer la dissolution des groupements de fait, ou des associations dont les membres se livrent à des actes de violence sans rapport avec l'objet statutaire de l'organisation.
Par ailleurs, si la procédure de dissolution administrative prévue par la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées peut s'appliquer aux groupements qui provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence envers des personnes, elle ne vise pas les dégradations de biens ou les violences commises par des groupes de supporters.
* 6 Loi n° 92-652 du 13 juillet 1992 modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984.
* 7 Loi n° 93-1282 du 6 décembre 1993 relative à la sécurité des manifestations sportives.
* 8 Articles 3 et 7 de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association.