TITRE II

DROIT D'AUTEUR DES AGENTS DE L'ÉTAT,
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET
DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS À CARACTÈRE ADMINISTRATIF
Article 16
(article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle)

Droit de l'auteur agent public

I. Texte du projet de loi

Cet article vise à étendre le régime des droits d'auteur applicables aux employés de droit privé aux agents de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics à caractère administratif. Ces derniers, sous réserve des limitations prévues aux articles 17 et 18, jouiront désormais sur les oeuvres de l'esprit créées dans l'exercice de leur fonction ou d'après les instructions reçues « d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».

Selon un principe traditionnel du droit de la propriété intellectuelle, les droits d'auteurs naissent sur la tête de la, ou, le cas échéant, des personnes physiques ayant créé l'oeuvre, les personnes morales étant réputées « naturellement inaptes à accomplir elles-mêmes un acte de création intellectuelle 115 ( * ) ». Régulièrement réaffirmé tant par la doctrine que par la législation nationale, ce principe est reconnu bien au-delà de nos frontières : l'avis 2001-1 du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) souligne ainsi que « tous les instruments juridiques internationaux régissant la matière s'accordent sur ce point, rappelé en dernier lieu par l'article 17.2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne proclamée le 18 décembre 2000. »

Si, comme le souligne Jean-Eric Schoetll, « le droit français s'est toujours montré sourcilleux sur le respect de la règle selon laquelle le droit d'auteur ne peut naître que sur la tête des personnes physiques 116 ( * ) », deux exceptions dérogeaient jusqu'alors à ce principe en accordant la paternité de l'oeuvre protégée à une personne morale.

La première d'entre elle, d'origine législative, a trait aux oeuvres collectives. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle 117 ( * ) , cette catégorie d'oeuvre est « créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participants à son élaboration se fonds dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ». Dans ce cas précis, la personne morale sous le nom de laquelle l'oeuvre a été divulguée « est investie des droits de l'auteur 118 ( * ) ». Conformément à l'analyse de Desbois, A. et H-J. Lucas précisent dans leur Traité de la propriété littéraire et artistique que « la formule prudente évite d'attribuer formellement la qualité de l'auteur à une personne morale. Mais elle désigne à n'en pas douter une titularité initiale. C'est bien à titre originaire et non en qualité de cessionnaire que l'entrepreneur est investi ».

La seconde exception au principe selon lequel le droit d'auteur ne peut naître que sur la tête de personnes physiques se rapporte au droit de propriété des agents publics sur leurs oeuvres. Réaffirmant la spécificité de la relation existant entre l'administration et ses agents et s'appuyant sur « les nécessités du service 119 ( * ) », le Conseil d'État dans un avis « OFRATEME » rendu le 21 novembre 1972 120 ( * ) , fait de la personne publique l'auteur de l'oeuvre « dont la création fait l'objet même du service » 121 ( * ) et lui attribue par conséquent, ab initio , le droit moral et les droits patrimoniaux attachés à cette qualité. Aux termes de cet avis, les collaborateurs du service public ne conservent les droits sur leurs oeuvres que « dans la mesure ou la création de ces oeuvres n'est pas liée au service ou s'en détache ».

Le présent article propose de mettre fin à cette construction prétorienne et d'unifier, du point de vue du principe tout au moins, le régime applicable aux auteurs se trouvant dans un lien de subordination 122 ( * ) : quelle que soit la nature juridique - publique ou privée - du lien l'unissant à son « employeur », l'auteur d'une oeuvre de l'esprit est désormais investi à titre originaire du droit d'auteur.

II. Texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements.

Le premier, sur proposition du rapporteur de la commission des lois, M. Christian Vanneste, vise à ajouter à la liste des personnes publiques entrant dans le champ de cette disposition, la Banque de France et les autorités administratives indépendantes dotées de la personnalité morale, telles que l'Autorité des marchés financiers, la Haute autorité de santé ou encore la nouvelle Agence française de lutte contre le dopage.

Le second, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Dominique Richard, exclut de l'application des nouvelles dispositions introduites par les articles 17 et 18 du présent texte, les agents publics auteurs d'oeuvres dont la divulgation n'est pas soumise, en vertu de leur statut ou des règles régissant leur fonction, au contrôle préalable de leur hiérarchie.

III. Position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

* 115 H. Desbois, le droit d'auteur en France, Dalloz, 1978.

* 116 J-E Schoettl, l'administration dispose-t-elle d'un droit d'auteur ? Revue du droit de l'informatique et des télécommunications, 1988, n° 4.

* 117 Art. 9 de la loi de 19e57.

* 118 Article L. 113-5 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle.

* 119 CE, avis précité, 2 e considérant.

* 120 CE, section de l'intérieur, avis n°309.721, 21 novembre 1972, Office français des techniques modernes d'éducation (OFRATEME).

* 121 CE, avis précité, 2 e considérant.

* 122 On rappellera qu'il ne s'agit pas en la circonstance du premier rapprochement proposé entre le régime applicable aux salariés de droit privé et celui régissant les agents publics en matière de droit d'auteur. En effet, la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 modifiée par la loi° 122-42 du 10 mai 1994 a expressément étendu aux agents publics la solution posée pour les employés relevant du droit privé en disposant que les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés dans l'exercice de leur fonction ou d'après les instructions reçues, sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, sont dévolus à l'employeur, seul habilité à les exercer.

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