Article 3
(article L. 342-3 du code de la propriété intellectuelle)

Droits des producteurs de bases de données : exceptions nouvelles
et insertion du test en trois étapes

Cet article introduit dans l'article L. 342-3 du code de la propriété intellectuelle une nouvelle exception aux droits des producteurs de bases de données. Il y insère également le rappel des conditions auxquelles le « test en trois étapes » subordonne la validité de l'ensemble des exceptions aux droits des producteurs de bases de données.

I. Analyse du dispositif du projet de loi

L'article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle reconnaît aux producteurs de bases de données un droit exclusif leur permettant d'interdire l'extraction ou la réutilisation du contenu de la totalité ou d'une « partie qualitativement ou quantitativement substantielle » de la base qu'ils ont produite.

L'article L. 342-3 institue deux exceptions à ce droit exclusif. Celles-ci portent :

- sur l'extraction ou la réutilisation d'une partie non substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, de la base par la personne qui y a licitement accès ;

- sur l'extraction à des fins privées d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d'une base de données non électronique sous réserve des droits d'auteur ou des droits voisins sur les oeuvres ou éléments incorporés dans la base.

Le projet de loi complète l'article L. 342-3 pour y introduire une exception nouvelle en faveur des handicapés, par référence au dispositif de l'exception au droit d'auteur correspondante.

II. Texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

III. Position de votre commission

Votre commission vous propose de compléter par un amendement la liste des exceptions aux droits des producteurs de bases de données pour y intégrer une exception en faveur de l'enseignement et de la recherche, comparable dans ses termes, à celle qu'elle vous a déjà proposé de prévoir pour les droits d'auteur et les droits voisins.

Cette exception est autorisée par les articles 6 et 9 de la directive 96/9 du 11 mars 1996 relative aux bases de données qui autorise les extractions réalisées « à des fins d'illustration de l'enseignement ou de la recherche scientifique », sous réserve de l'indication de la source, de l'absence de but commercial.

Votre commission vous propose d' adopter cet article ainsi modifié .

Article 4
(articles L. 122-9-1 et L. 211-6 [nouveau] du code de la propriété intellectuelle)

Epuisement du droit de distribution

Cet article a pour but de transposer en droit français les dispositions de l'article 4-2 de la directive du 22 mai 2001 relatives à l'épuisement communautaire du droit de distribution.

I. La disposition transposée

L'article 4-2 de la directive prévoit que le « droit de distribution dans la communauté relatif à l'original ou à des copies d'une oeuvre n'est épuisé qu'en cas de première vente ou premier autre transfert de propriété dans la communauté de cet objet par le titulaire du droit ou avec son consentement ».


• Un droit de distribution...

Le droit de distribution est défini par l'article 4-1 de la directive comme le droit exclusif , pour les auteurs, d'autoriser ou d'interdire toute forme de distribution au public , par la vente ou autrement, de l'original de leurs oeuvres ou de copies de celles-ci.


• ...soumis à épuisement communautaire

La notion d' épuisement communautaire du droit de distribution résulte d'une construction jurisprudentielle de la Cour de Justice des Communautés européennes, dictée par le souci de concilier protection de la propriété intellectuelle et libre circulation des marchandises .

Elle trouve son origine dans un arrêt du 8 juin 1971 « Deutsche Gramophon ». Dans cette affaire, la firme allemande avait invoqué son droit exclusif pour interdire la commercialisation en République fédérale d'Allemagne de disques qu'elle avait déjà livrés à sa filiale française. Le juge communautaire a estimé que l'invocation par un producteur de phonogrammes, de son droit exclusif de distribution pour interdire la commercialisation dans un Etat membre d'un produit qu'il avait lui-même mis en circulation dans un autre Etat membre était contraire aux règles de la libre circulation.

La disposition de l'article 4-2 de la directive, que transpose le projet de loi, constitue la traduction législative d'une jurisprudence que la Cour de Justice a eu, depuis lors, l'occasion de confirmer et de préciser.

La jurisprudence communautaire a progressivement précisé le champ d'application de l'épuisement du droit de distribution : plusieurs décisions intervenues entre 1980 et 1998 en ont successivement écarté le droit de communication au public, le droit de reproduction mécanique, puis le droit de location. Le principe de l'épuisement ne s'applique donc, en conséquence, qu'au seul cas de la distribution par revente d'exemplaires matériels incorporant la création.

Son extension à l'Espace économique européen a été posée par la Cour de Justice dans un arrêt Silhouette du 16 juillet 1998.

Ce principe de l'épuisement avait déjà reçu une première consécration législative, sous ces mêmes conditions, dans la directive du 11 mars 1996 pour les producteurs de bases de données, et dans la directive 91/250 pour les logiciels, dont les dispositions ont été respectivement transposées à l'article L. 342-4 et L. 122-6-3° du code de la propriété intellectuelle.

La directive 2001/29 vient confirmer l'application du principe de l'épuisement au droit de distribution en droit d'auteur.

II. Le texte du projet de loi

Les deux paragraphes que comporte l'article 4 du projet de loi transposent ce dispositif dans le code de la propriété intellectuelle par l'adjonction d'un nouvel article L. 131-9 pour ce qui concerne les droits d'auteur, et d'un nouvel article L. 211-6 pour ce qui concerne les droits voisins.

Ces deux dispositifs, très similaires, sont dans l'ensemble très proches de celui de la directive. Votre commission relève cependant qu'alors que la directive (et son préambule) prévoient que le droit de contrôler la revente d'un objet est épuisé par la première vente dans la communauté de l'original d'une oeuvre ou des copies de celui-ci, le projet de loi ne vise que la revente d'« un exemplaire matériel de l'oeuvre ».

Cette rédaction est sans doute dictée par le souci de mieux prendre en compte le droit français de la propriété littéraire et artistique qui distingue la propriété « matérielle » d'une oeuvre et celle des droits de propriété littéraire et artistique sur cette oeuvre. En vertu de ce principe, l'aliénation de l'original de l'oeuvre protégée n'impose aucune cession des droits d'exploitation de cette oeuvre ; l'acquéreur du manuscrit d'une oeuvre littéraire ou musicale ne peut s'en faire l'éditeur, non plus que le propriétaire d'un tableau, d'une sculpture ou d'une oeuvre architecturale ne peut exercer le droit de reproduction détenu par l'auteur, ni s'opposer à l'exercice de ce droit.

Dans le rapport qu'elle avait présenté au nom de votre commission sur le projet de directive, Mme Danièle Pourtaud 95 ( * ) s'était interrogée sur la portée pratique du droit de distribution d'une oeuvre originale, et surtout de l'épuisement communautaire de ce droit, dont elle relevait qu'il n'avait pas beaucoup de sens puisqu'il s'agit d'un objet qui est par définition unique. Elle en déduisait qu'il paraissait plus logique, dans ces conditions, de ne pas mentionner les oeuvres originales dans le texte de la directive.

Les rédacteurs du projet de loi semblent avoir retenu cette suggestion. Votre commission s'en réjouit.

III. Le texte du projet de loi

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

IV. Position de votre commission

Votre commission vous propose d'apporter certains ajustements à ce dispositif, de façon à préciser sa rédaction et à améliorer son intégration dans le droit de reproduction français.


• Le projet de loi instaure une stricte identité entre l'exemplaire matériel qui a fait l'objet d'une première vente et celui dont la revente ne peut être interdite.

Une lecture littérale de ce dispositif pourrait laisser penser qu'il ne concerne que la revente d'occasion de l'exemplaire matériel d'une oeuvre, ce qui est loin de correspondre à l'épuisement du droit de distribution tel qu'il résulte de la jurisprudence communautaire, et tel que le définit, non sans maladresse, il est vrai, la directive du 22 mars 2001.

Pour lever cette ambiguïté, votre commission vous proposera une rédaction différente précisant que « dès lors qu'elle a été autorisée par l'auteur ou ses ayants droit sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la commercialisation d'une oeuvre sous la forme de supports matériels ne peut plus être interdite » sur notre territoire.


• Les modalités de l'insertion de l'épuisement du droit de distribution des auteurs dans le code de la propriété intellectuelle.

Le projet de loi introduit l'épuisement du droit de distribution des auteurs dans le droit français en insérant un nouvel article L. 131-9 dans le chapitre premier du titre III. Or, celui-ci traite de la cession par les auteurs de leurs droits patrimoniaux et encadre donc des transactions particulières et privées.

Votre commission jugerait plus approprié, compte tenu de sa portée générale, de le faire figurer parmi les dispositions du chapitre III du titre II qui sont précisément consacrées à la définition des droits patrimoniaux, par le truchement d'un nouvel article L. 122-3-1. Celui-ci prendrait place après l'actuel article L. 122-3 qui définit la reproduction d'une oeuvre comme sa « fixation matérielle ».


• La rédaction de ce dispositif doit également tenir compte du fait que, contrairement à la directive européenne qui a vocation à édicter des règles s'appliquant à l'ensemble des Etats de la Communauté ou de l'Union européenne, le législateur national ne peut édicter des règles qu'à l'échelle de son territoire.

Tel est le sens de l'amendement que votre commission vous propose d'adopter.

Votre commission vous propose d' adopter cet article ainsi modifié .

* 95 Rapport n° 317 (1998-1999) fait par Mme Danièle Pourtaud au nom de la commission des affaires culturelles sur la proposition de résolution présentée en application de l'article 73 bis du règlement sur la proposition de directive au Parlement européen et du Conseil relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société d'information.

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