b) Les conséquences éventuelles de la transposition de la directive pour les professionnels français


Les points positifs

Comme l'indique le rapport Kancel « les professionnels reconnaissent à la directive de 2001 trois vertus qui, couplées à la réforme du statut des maisons de ventes et à l'arrivée de Christie's et Sotheby's, pourraient peut-être contribuer à enrayer le déclin de la place de Paris en matière d'art contemporain. »

D'une part, la dégressivité du taux applicable devrait limiter les effets négatifs du droit de suite quant au maintien en Europe de grosses ventes d'art contemporain.

D'autre part, le plafonnement à 12 500 euros du droit versé pour une oeuvre devrait contribuer à limiter l'évasion des ventes qui atteignent et dépassent 2 millions d'euros vers les États-unis ou le Japon.

Enfin et surtout, les professionnels français se réjouissent de la perspective d'égalisation des termes de la concurrence entre Paris et Londres, puisqu'il s'agit là, incontestablement, des deux places européennes principales de la revente d'oeuvres du XX e siècle. L'égalisation sera progressive, dès 2006 pour les oeuvres d'artistes vivants, en 2010 ou 2012 pour les oeuvres d'artistes décédés. Elle pourrait contribuer à rééquilibrer les parts respectives de Paris et Londres, cette dernière place concentrant, selon les chiffres souvent cités et que l'on reprendra ici sans autre expertise, les deux tiers du marché de l'art contemporain en Europe.


Des contraintes supplémentaires pour les professionnels

Les galeries sont évidemment les premières concernées par les dispositions de la directive. Elles dénoncent à cet égard la contrainte supplémentaire que le droit de suite va représenter pour elles dans un contexte de forte concurrence internationale. L'encadré ci-dessous résume leurs principales craintes.

LES CRAINTES EXPRIMÉES PAR LES GALERIES

« [Les galeries] soulignent le risque de les voir privilégier les ventes en dépôt et d'abandonner définitivement les achats fermes aux artistes générant un droit de suite lors des reventes, au détriment des artistes eux-mêmes.

Elles insistent sur le rôle fondamental qui est le leur pour faire vivre les artistes par leurs achats, et pour soutenir leur carrière par leurs ventes.

Elles jugent le taux applicable aux petites et moyennes ventes particulièrement lourd (4 voire 5 %) et pénalisant, compte tenu du travail et de l'investissement des galeries pour faire connaître les artistes quand leur cote est encore, précisément, modeste.

Elles rappellent que, même en dépôt, l'équilibre d'une transaction entre le marchand, l'acheteur et le vendeur est global, et que le droit de suite qu'elles seront amenées à imputer au vendeur viendra nécessairement, au moins partiellement, en déduction de leur commission.

Outre le risque de délocalisation des ventes vers des places non taxées à l'étranger, elles soulignent celui, plus général, de découragement des collectionneurs devant une contrainte supplémentaire imposée au marché français.

Enfin, elles rappellent qu'elles fonctionnent pour la plupart comme des micros PME, avec un personnel extrêmement réduit, et, qu'à ce titre, il leur sera particulièrement difficile de faire face à la gestion d'une myriade de dossiers de versements. »

Source : « rapport Kancel »

Les sociétés de ventes volontaires expriment quant à elles une double inquiétude face aux dispositions de la directive.

D'une part, l'application des nouveaux taux de la directive risque de provoquer un alourdissement du droit de suite qu'elles seront amenées à retenir auprès de leurs clients vendeurs. La baisse du taux sur les tranches supérieures (qui a pour conséquence de faire baisser le droit versé pour les ventes supérieures à 225 000 euros) ne compenserait pas l'alourdissement pour les tranches inférieures de prix, notamment pour les ventes allant de 5 000 à 200 000 euros qui concentrent 70 % du droit perçu. Au total, le « rapport Kancel » estime que « c'est un accroissement du droit de suite d'à peu près 24 % qui serait à attendre ».

Les sociétés de ventes volontaires considèrent que cet alourdissement de la charge imposée au vendeur se répercutera en réalité sur leur propre marge, dans la mesure où la commission « vendeur » est la variable d'ajustement dans la concurrence que se livrent les sociétés pour faire venir à elles les possesseurs d'oeuvres intéressantes.

La seconde inquiétude des sociétés de ventes volontaires tient à la perspective d'une extension de la contribution sociale « diffuseurs » à leur propre activité symétriquement à l'extension du droit de suite aux galeries.


Une période transitoire susceptible de fausser la concurrence

Les professionnels français de l'art enregistrent avec intérêt la perspective d'une égalisation à terme de la concurrence au sein de l'Union. Ils regrettent toutefois que les pays n'appliquant pas aujourd'hui le droit de suite, notamment le Royaume-Uni, puissent bénéficier d'un délai de grâce jusqu'à 2010 voire 2012 concernant les droits à verser aux ayants droit des artistes décédés.

Le rapport Kancel souligne à cet égard que « cette dérogation est déterminante puisque, rappelons-le à titre de référence, 85 % (en montant) du droit de suite perçu par l'ADAGP en 2001 concernait des artistes décédés. C'est donc, en valeur, l'essentiel du marché, du moins en ce qui concerne les ventes publiques. »

Votre rapporteur tient à souligner le cas spécifique des galeries françaises. Bien qu'à l'image de leurs homologues anglaises, celles-ci n'appliquent aujourd'hui pas le droit de suite, elles devront pourtant y être immédiatement soumises au motif qu'aux termes de l'article 8 de la directive, la France fait partie des pays qui « appliquent » le droit de suite.

Le résultat pervers et paradoxal de la directive sera de créer artificiellement une dégradation des termes de la concurrence pendant 4 ou 6 ans au détriment des galeries françaises.

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