B. UNE MODERNISATION DU STATUT SOUHAITÉE DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES
1. Une attente forte de la part des employeurs et agents territoriaux
Les employeurs et agents territoriaux souhaitent que le statut de la fonction publique territoriale s'adapte aux nouvelles exigences des collectivités territoriales et aux enjeux auxquels ils doivent désormais répondre .
Souhaitant une réforme de la fonction publique territoriale, les associations d'élus ont mis en évidence les difficultés des employeurs territoriaux et formulé de nombreuses propositions . Ainsi, l'Association des maires de France 21 ( * ) a produit plusieurs contributions dont le Gouvernement s'est largement inspiré, comme l'a indiqué M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, lors de son audition à la commission des Lois 22 ( * ) , de même que le livre blanc adopté par l'Association des petites villes de France.
Sans remettre en cause les fondements du statut de la fonction publique ni le fait que le principe du concours demeure la règle en matière de recrutement, les employeurs territoriaux désirent ainsi disposer d'un cadre juridique qui réponde davantage à leurs besoins pour la gestion de leurs personnels . Il convient en effet de leur fournir les instruments leur permettant de recruter le personnel nécessaire pour mener à bien l'ensemble des missions qui leur sont confiées. Il convient également que le statut comporte suffisamment de souplesse pour une gestion moderne des ressources humaines.
Comme l'indiquait le groupe de travail sur la fonction publique territoriale de l'Association des maires de France dans son rapport de novembre 2003 23 ( * ) , « moderniser le statut, ce n'est pas le remettre en cause, mais bien rechercher le meilleur outil opérationnel de gestion et de formation des agents, proposer des métiers et des carrières motivants, rendre plus attractive l'entrée dans la formation territoriale ».
Afin de recruter des personnels compétents et qualifiés, l'attractivité de la fonction publique territoriale doit être renforcée, tant quant aux perspectives de carrière , les seuils et les quotas actuels étant souvent critiqués pour leur rigidité et leur inadéquation dans le cadre de l'avancement de grade et la promotion interne, que dans ses conditions d'accès qui doivent tenir compte de l'expérience professionnelle des candidats. Il convient en effet d'encourager l'accès des salariés qualifiés du secteur privé. Les concours devraient ainsi être davantage adaptés aux besoins des employeurs territoriaux.
En outre, la réforme des retraites, rendue nécessaire par le nombre des départs attendus et le risque certain de rencontrer des difficultés pour les financer, en allongeant la durée de cotisation des fonctionnaires, a rendu indispensable le développement des possibilités de seconde carrière . Le statut de la fonction publique territoriale doit ainsi favoriser la mobilité et encourager la formation professionnelle de ses fonctionnaires.
La qualité du service public offert aux usagers passe également par la nécessité d'offrir aux agents une formation professionnelle continue, efficace et adaptée . Comme l'indiquait le rapport du groupe de travail institué par M. Christian Poncelet, président du Sénat, et présidé par M. Jean-Jacques Hyest, « Refonder le statut de la fonction publique territoriale pour réussir la décentralisation », il paraît « nécessaire de renforcer l' « employabilité » des personnels tout au long de leur parcours professionnel. Entre une « logique de carrière » et une « logique d'emploi », la compétence doit être au coeur de la réflexion . » 24 ( * )
Enfin, les organes institutionnels de la fonction publique territoriale doivent également être suffisamment efficaces pour contribuer activement à la bonne gestion des ressources humaines .
Lors de ses auditions, votre rapporteur a pu constater la forte attente que manifestaient, tant les élus que les personnels territoriaux, pour l'engagement d'une réforme du statut de la fonction publique territoriale 25 ( * ) .
2. Une réforme ayant fait l'objet d'un important et long travail d'élaboration, enrichi par de nombreuses contributions
La réforme de la fonction publique territoriale est en cours d'élaboration par le Gouvernement depuis plus de trois ans. Lancée par M. Jean-Paul Delevoye, alors ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, elle a ensuite été reprise par M. Renaud Dutreil, alors ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, et est désormais portée par M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, et M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique.
Dès l'examen de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, le Gouvernement avait annoncé qu'il présenterait un projet de loi réformant le statut de la fonction publique territoriale.
Outre les contributions précédemment évoqués des employeurs territoriaux, de nombreux rapports ont nourri la réflexion du Gouvernement.
Tout d'abord plusieurs rapports ont été commandés par ce dernier. Ainsi, M. Jean Courtial, maîtres des requêtes au Conseil d'Etat, a pour sa part animé un groupe de travail et rendu, au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, un rapport en juin 2003 sur « les institutions de la fonction publique territoriale ».
En juin 2003, M. Bernard Dreyfus, professeur de droit, s'est également vu confier, par M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, une mission de proposition sur « la mise en oeuvre du dispositif législatif sur la fonction publique territoriale », qui a abouti à un rapport remis en novembre 2003.
Il convient également de rappeler que M. Rémy Schwartz, maître des requêtes au Conseil d'Etat, avait déjà remis, en mai 1998, un rapport au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, M. Emile Zuccarelli, sur le recrutement, la formation et le déroulement de carrières des agents territoriaux.
Outre ces rapports qui proposent déjà de nombreuses modifications du statut et de l'organisation institutionnelle de la fonction publique territoriale, le débat a été enrichi par le rapport précité, rendu par un groupe de travail en octobre 2003, institué par M. Christian Poncelet, président du Sénat, et chargé de proposer des pistes de réforme dans cette matière. Composé de sénateurs, présidé par M. Jean-Jacques Hyest et ayant M. Alain Vasselle pour rapporteur, le groupe de travail a abouti à la rédaction d'un rapport, « Refonder le statut de la fonction publique territoriale pour réussir la décentralisation », dont les propositions ont été particulièrement prises en compte par le Gouvernement dans le cadre de l'élaboration du projet de loi relatif à la fonction publique territoriale.
Dans son rapport, le groupe de travail institué par M. Christian Poncelet, président du Sénat, avait ainsi considéré que ne pas engager une réforme du statut de la fonction publique territoriale « ou pire la remettre, ne pourrait qu'obérer les chances de succès de la relance de la décentralisation à laquelle nous sommes tous attachés . »
Le Rapport annuel du Conseil d'Etat de novembre 2003, sur « La fonction publique », a également mis en évidence certains points de réforme importants pour les trois fonctions publiques.
Les institutions de la fonction publique territoriale sont également intervenues dans le cadre du travail d'élaboration de cette réforme. Le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale a rendu plusieurs rapports, notamment sur « les diplômes de la vie », les « enjeux et défis de la formation professionnelle dans la fonction publique territoriale », ainsi qu'un rapport, adopté à l'unanimité de ses membres, et chargé de donner des pistes de réforme pour « Réussir la mutation de la fonction publique territoriale 20 ans après sa création ».
Enfin, les organisations syndicales ont également largement participé au débat et fait part de leurs attentes, en exprimant leurs propres recommandations et exigences.
Le projet de loi a ainsi été précédé d'une très importante réflexion.
Sur plusieurs aspects, ces rapports et documents attendent de cette réforme les mêmes évolutions et proposent des solutions parfois proches.
Ainsi, beaucoup considèrent qu'il convient de développer la formation professionnelle des agents territoriaux et de favoriser la reconnaissance de l'expérience professionnelle et les procédures de validation des acquis de l'expérience. S'agissant des organes institutionnels de la fonction publique territoriale, tous les rapports qui se sont penchés sur le sujet affirment la nécessité de clarifier les compétences du CNFPT et des centres de gestion.
De même, dans le domaine réglementaire, tous souhaitent voir améliorer le déroulement de carrière des agents, par l'abaissement des quotas d'avancement de grade, et, s'agissant des concours, que ces derniers correspondent davantage aux besoins des collectivités territoriales, et que soient développés les concours sur titres et assouplis les seuils de recrutement.
Un recrutement plus efficace est partout recherché, sans que soit remis en cause le principe du concours.
* 21 En particulier le rapport précité de novembre 2003, du groupe de travail sur la fonction publique territoriale de l'Association des maires de France, « Moderniser la fonction publique territoriale pour valoriser nos territoires : propositions de l'Association des maires de France ».
* 22 Bulletin des commissions n° 17 du 25 février 2006, pp. 4007-4022.
* 23 Voir le B du II.
* 24 Voir le 2 du présent B.
* 25 Voir la liste des personnes entendues en annexe du rapport.