2. Un risque de concurrence déloyale vis-à-vis d'organismes qui accueillent des enfants dans les mêmes conditions que les associations visées par le texte
Lors de l'examen du texte en première lecture au Sénat, deux questions ont été soulevées concernant le champ d'application du nouveau régime :
- la première, posée par le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, Mme Sylvie Desmarescaux, concernait la situation des animateurs et des directeurs qui interviennent lors des séjours des adultes handicapés ;
- la seconde, soulevée par M. Henri de Raincourt 4 ( * ) , était relative à la situation des structures commerciales, non visées par le dispositif du projet de loi, mais qui oeuvrent dans le même secteur et participent dans les mêmes conditions que les associations à l'accueil des mineurs durant les congés et les vacances scolaires.
Rappelons que, dans la rédaction initiale du projet de loi, le régime de l'engagement éducatif ne s'applique qu'aux seules personnes morales de droit privé à but non lucratif, c'est-à-dire au secteur associatif.
Or, si près de 80 % des organisateurs de séjours sont des associations, ce secteur d'activité fait aussi une place aux collectivités territoriales, aux comités d'entreprise et aux sociétés commerciales.
Cette dernière catégorie représente environ 3 % des opérateurs.
Lors de l'examen du texte en première lecture au Sénat, M. Henri de Raincourt (UMP-Yonne) avait indiqué que les entreprises du secteur privé participent au départ de plus de 1 125 000 jeunes en centres de vacances, voyages scolaires, séjours linguistiques, classes de découverte, encadrés par au moins 120 000 animateurs ou directeurs de centres.
En excluant les sociétés privées du dispositif, le projet de loi contraint en effet ces dernières à appliquer la législation sur les 35 heures, « les condamnant de facto à un renchérissement de leurs coûts, donc à une exclusion du marché des appels d'offres des collectivités locales ou des comités d'entreprises, car elles n'ont pas plus que les associations, les ressources pour résister à un accroissement de leur charges. » 5 ( * )
En réalité, à l'heure actuelle, il apparaît que ces sociétés, souvent issues d'ailleurs du monde associatif et devenues sociétés commerciales en raison de contrôles fiscaux, bénéficient d'une certaine tolérance leur permettant d'appliquer l'annexe II de la convention collective de l'animation.
Comme l'a souligné la rapporteure à l'Assemblée nationale, le remplacement de l'annexe II par le régime de l'engagement éducatif pour les seules personnes morales de droit privé à but non lucratif compromettrait à l'évidence l'équilibre financier des sociétés commerciales : « en effet, pour assurer vingt-quatre heures de présence consécutive auprès des enfants, ces sociétés seraient désormais contraintes d'embaucher trois animateurs payés au SMIC, au lieu d'un animateur payé selon un forfait journalier. Il en découle d'autres conséquences dommageables en termes d'hébergement et de suivi pédagogique des enfants ». 6 ( * )
Sensibilisé à ce sujet, M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, a indiqué en séance publique lors de l'examen du texte en première lecture au Sénat, être très soucieux de préserver l'existence de ces entreprises, en adéquation avec une réelle demande des parents et des collectivités.
Il s'est engagé à s'entretenir personnellement avec les représentants de la profession, et à travailler en concertation avec eux et avec ses collègues du Gouvernement, pour que soient maintenues au profit de ces entreprises les dispositions dont elles bénéficient aujourd'hui, notamment en matière d'organisation du travail et de cotisations sociales.
Il a assuré les sénateurs que l'examen du texte en seconde lecture au Sénat serait l'occasion de rendre compte du résultat de ces démarches, ce dont votre rapporteur ne peut que se féliciter.
Votre rapporteur souhaite également attirer l'attention sur la situation des collectivités territoriales, organisatrices de 9 % des séjours , et pour lesquelles la même problématique se pose.
Votre rapporteur a été saisi par certains élus locaux, inquiets pour la gestion de certains centres après l'entrée en vigueur de la loi.
Rappelons que les centres de loisirs sans hébergement (CLSH) sont, en effet, dans la majorité des cas, organisés par les municipalités ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), et participent largement à l'égalité géographique et à la mixité sociale, à condition que les coûts n'en deviennent pas prohibitifs, en particulier pour les familles modestes ayant souvent plusieurs enfants.
Comme l'a indiqué à votre rapporteur le président du Syndicat intercommunal de développement (SID) du Pays de Beaulieu-Beynat-Meyssac (BBM), le docteur Jean-Pierre Brousse, « bien que regroupées en EPCI, [les communes du SID] n'ont pas les moyens d'offrir aux animateurs que nous recrutons sur nos sites des activités complémentaires qui justifieraient un poste à temps plein. Les budgets modestes de nos communes permettent à peine la rétribution d'un temps partiel administratif et d'un temps partiel d'agent d'entretien . »
Si les collectivités territoriales devaient appliquer le code du travail, le coût de l'animation dans un CLSH serait augmenté de 53 % 7 ( * ) .
Alors que la fermeture de nombreuses écoles entraîne la disparition des activités péri-scolaires, votre rapporteur estime que la lutte contre la désertification et l'aménagement durable de notre territoire rural nécessite en particulier de soutenir l'offre de services au public : c'est pourquoi il faut encourager l'implication des collectivités territoriales dans une politique de l'enfance et de la jeunesse ambitieuse, dont les CLSH sont un maillon fort.
Dans cette perspective, votre commission estime qu'il est opportun d'étendre le champ d'application du système dérogatoire aux collectivités territoriales.
* 4 C'était l'objet de l'amendement n° 61 rectifié présenté par MM. de Raincourt, Bordier, Bécot, Dulait et Émin, Mme Hermange, MM. Demuynck et Gournac.
* 5 Texte de l'objet de l'amendement n° 61 rectifié précité.
* 6 Extrait du rapport de Mme Greff, députée, déposé au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale.
* 7 D'après les chiffres fournis par le syndicat intercommunal de développement du pays de Beaulieu-Beynat-Meyssac, qui a écrit à votre rapporteur.