II. LES DURÉES DES CERTIFICATS FRANÇAIS D'OBTENTION VÉGÉTALE CONSTITUENT UN HANDICAP
A. LES DURÉES FRANÇAISES CORRESPONDENT AUX MINIMA INTERNATIONAUX
Les conventions internationales signées dans le cadre de l'Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV) en 1978 et 1991 3 ( * ) ne fixent que des durées minimales au droit de l'obtenteur. L'article 8 de la convention de 1978 précise que ces minima ne doivent pas être inférieurs à 15 ans, sauf pour les vignes et les arbres, où ils ne doivent pas être inférieurs à 18 ans. La France, en tenant compte de ces minima, a décidé de fixer à 20 ans 4 ( * ) la durée de protection pour toutes les espèces, à l'exception de la vigne, des arbres et des pommes de terre 5 ( * ) , pour lesquelles a été décidée une durée de 25 ans. L'article 19 de la convention de 1991, qui devrait être prochainement ratifiée par la France 6 ( * ) , augmente ces minima, respectivement pour les mêmes espèces, de 15 à 20 ans, et de 18 à 25 ans.
Les durées de protection françaises sont donc strictement alignées sur les minima imposés par le dernier état du droit international.
B. LE DISPOSITIF FRANÇAIS EST MOINS PROTECTEUR QUE LE DROIT COMMUNAUTAIRE
La Communauté européenne est signataire de l'UPOV au même titre que les Etats membres (tels que la France). Elle a donc mis en place un dispositif de protection des obtentions végétales au niveau communautaire indépendant de celui des Etats membres.
En effet, les sélectionneurs des pays de l'Union européenne peuvent demander soit une protection de leur obtention végétale limitée à un seul pays (COV national, régi par le seul droit national), soit une protection valable dans l'ensemble de l'Union européenne (COV communautaire, régi par les règles du droit communautaire).
Or, sur la base du règlement n° 2100/94 du 27 juillet 1994 7 ( * ) , le droit communautaire accorde des durées de protection de 25 et 30 ans (cette dernière durée s'appliquant à la vigne, aux arbres et à la pomme de terre). Il en est de même pour les COV nationaux des autres grands pays européens.
Ce désavantage pesant sur le COV français est d'autant plus sensible qu'il n'est quasiment pas possible de substituer un COV communautaire à un COV national afin d'obtenir des garanties plus favorables 8 ( * ) .
C. LE DÉSAVANTAGE LIÉ À LA PROTECTION FRANÇAISE A DES CONSÉQUENCES FINANCIÈRES LOURDES SUR NOTRE FILIÈRE SEMENCIÈRE
1. La France est un des pays de référence en matière de variétés végétales
Le chiffre d'affaires du secteur semences et plants pour 2005 est de 1,9 milliard d'euros et l'excédent commercial, en augmentation régulière depuis 15 ans, de 254 millions d'euros. En sont à l'origine 77 établissements de recherche et 233 établissements producteurs, constitués pour l'essentiel des coopératives agricoles ou des entreprises familiales. Le nombre d'emplois total de ce secteur est de 15.000 salariés, dont 4.000 dans la recherche.
Ceci fait de la France le premier producteur européen et le quatrième mondial, ainsi que le troisième exportateur mondial derrière les Pays-Bas et les Etats-Unis.
2. L'insuffisance des durées de protection a un impact négatif sur nos entreprises
Le maintien de la position de nos entreprises dépend essentiellement de leur capacité à développer de nouvelles variétés répondant toujours mieux aux attentes des utilisateurs en matière de qualité nutritionnelle, de régularité de la production et de respect de l'environnement.
Ceci implique un effort de recherche constant : les entreprises du secteur consacrent 10 à 15 % de leur chiffre d'affaires à la recherche, la mise au point d'une nouvelle variété pouvant nécessiter jusqu'à dix années de travail et 100 millions d'euros d'investissement.
Cet effort est financé par les royalties que les obtenteurs tirent de l'exploitation de leur variété.
Le fait que la protection française soit, selon les cas, de 20 à 25 % plus courte que la protection européenne signifie que le financement de l'effort de recherche de nos entreprises est réduit dans les mêmes proportions.
Or, il n'y a aucune raison à ce que le régime français des obtentions végétales continue, du fait de ses durées de protection insuffisantes, à handicaper nos entreprises vis à vis de leurs concurrents , notamment européens.
La résorption de ce déséquilibre est devenue une urgence.
* 3 Plus précisément, il s'agissait d'actes de révision de la convention de Paris du 2 décembre 1961.
* 4 Article L. 623-13 du code de la propriété intellectuelle.
* 5 Article R. 623-56 du code de la propriété intellectuelle.
* 6 Le projet de loi tendant à autoriser cette ratification a été adopté par le Sénat le 17 janvier 2006.
* 7 Règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil du 27 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales.
* 8 En effet, un certificat communautaire ne peut être demandé que pour les variétés qui ne bénéficient pas d'une protection nationale dans deux pays de l'Union européenne depuis plus d'un an.