EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mardi 8 novembre 2005, sous la présidence de M. Yann Gaillard, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport spécial de MM. François Marc et Michel Moreigne, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Direction de l'action du gouvernement » et l'article 79 rattaché .

M. Michel Moreigne, rapporteur spécial , a indiqué que la mission « Direction de l'action du gouvernement » avait pour trait caractéristique de regrouper l'essentiel des crédits relevant des services du Premier ministre et concourant soit à des fonctions d'état-major de la politique gouvernementale, soit à des actions interministérielles à caractère transversal. Elle ne répondait donc pas, et ne pouvait pas répondre, à la définition d'une politique publique au sens de l'article 7 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Il a ajouté que les crédits de cette mission s'élevaient à 535 millions d'euros, répartis entre deux programmes.

Il a indiqué ainsi que le programme « Coordination du travail gouvernemental », doté de 397 millions d'euros, comprenait notamment les crédits du Secrétariat général de la défense nationale (SGDN), soit 75 millions d'euros en incluant les dépenses de cotisations sociales relevant du compte d'affectation spéciale « Pensions », les dépenses du Commissariat général du Plan (CGP) à hauteur de 19 millions d'euros, celles de plusieurs autorités administratives indépendantes, comme le Médiateur de la République, qui représentait 8,4 millions d'euros, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), soit 34 millions d'euros, et les crédits de directions d'administration centrale rattachés au Premier ministre.

Il a ensuite précisé que le programme « Fonction publique », dont les crédits s'élevaient à 138 millions d'euros, correspondait aux crédits d'action sociale interministérielle gérés par la direction générale de l'administration et de la fonction publique.

Il a estimé que la constitution de la mission « Direction de l'action du gouvernement » était le « moins mauvais choix possible » pour regrouper des crédits par nature hétérogènes, ajoutant toutefois que certaines dépenses ne relevaient ni de l'exercice des fonctions gouvernementales d'état major, ni de l'action interministérielle. La maquette budgétaire devait donc encore évoluer. Il a déclaré que, à cette fin, un premier amendement portant sur la nomenclature et créant un nouveau programme « Développement et régulation des médias » était proposé à la commission. Et cela afin d'identifier les moyens concourant à la politique de l'Etat dans le domaine de la communication : ceux du CSA et de la Direction du développement des médias (DDM), direction d'administration centrale des services du Premier ministre définissant et mettant en oeuvre la politique publique de communication. Il a estimé que la constitution du programme « Développement et régulation des médias » devait s'interpréter comme une première étape en vue du rattachement de ces crédits à la mission « Médias », dont ils avaient vocation à relever. En effet, le pouvoir d'amendement parlementaire, même accru par la LOLF, ne permet pas un transfert de crédits d'une mission vers une autre mission. Une telle opération correspondrait à une augmentation des dépenses, toujours frappée d'irrecevabilité financière au sens de l'article 40 de la Constitution.

Après ces observations préliminaires sur l'architecture de la mission, M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, a souligné que la mise en oeuvre de la LOLF était un facteur de plus grande lisibilité de dépenses auparavant particulièrement opaques. Le Parlement disposait désormais d'une information détaillée sur les emplois de la mission et la finalité des crédits regroupés de manière généralement cohérente par action ou sous-action. Il a ajouté qu'en outre, l'augmentation de plus de 4 millions d'euros des fonds spéciaux, à hauteur de 42 millions d'euros, représentait un effort louable de sincérité, alors que ces dépenses étaient traditionnellement sous-évaluées chaque année lors de la programmation budgétaire initiale.

Il a ajouté que la nouvelle présentation budgétaire issue de la LOLF mettait aussi en relief des lacunes et des déficiences dans la programmation des crédits.

Tout d'abord, il a constaté que les comparaisons avec les dotations 2005 montraient une augmentation significative des dépenses, au-delà de la progression affichée des crédits de 1,5 %, soit 7 millions d'euros. Il a noté que si l'on totalisait l'augmentation des seuls crédits du SGDN, de 12 millions d'euros, afin de sécuriser les réseaux de transmission gouvernementale, des fonds spéciaux, lesquels progressaient de 4 millions d'euros, d'un nouveau dispositif de chèque emploi service universel à hauteur de 8,5 millions d'euros et des aides au logement, en progression de 5,7 millions d'euros, le total des augmentations de dépenses dépassait 30 millions d'euros, sans être pour autant compensé par des diminutions équivalentes de crédits.

Il a insisté sur le fait que certaines hausses de crédits étaient insuffisamment justifiées, citant en exemple la hausse de 300 % des crédits d'action sociale interministérielle dans le domaine du logement. Il a donc proposé, faute d'explication satisfaisante fournie, et dans un souci de plus grande sincérité budgétaire, qu'un deuxième amendement, double « seulement » ces crédits, ce qui se traduirait par une minoration à hauteur de 3,4 millions d'euros de la hausse des crédits proposée par le gouvernement.

Passant ensuite la parole à M. François Marc, rapporteur spécial , celui-ci a déclaré que d'autres augmentations de crédits étaient erronées, le bleu affichant, en effet, une progression de 900 % des dépenses de personnel de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), alors que le Gouvernement avait précisé que son intention était de majorer ces crédits de 0,29 à 0,38 million d'euros, soit une hausse de 30 %, et non de 0,29 à 2,91 millions d'euros. Pour corriger cette erreur matérielle, il a proposé un troisième amendement de réduction de crédits à hauteur de 2,5 millions d'euros.

Il a souligné que les services financiers du Premier ministre reconnaissaient que « les outils dont ils disposaient ne permettaient pas la vérification des documents et calculs transmis par les différents services contributeurs ». A titre d'exemple, il a ajouté que l'absence de mise en place d'ACCORD 2 par les services du Médiateur de la République ne facilitait pas un tel suivi.

Il a évoqué d'autres lignes de dépenses et de crédits qui semblaient avoir été « malencontreusement » oubliées, par exemple les 100.000 euros de recettes attendues par le Plan au titre de fonds de concours qui n'apparaissaient pas dans les prévisions budgétaires. Quant au Conseil d'analyse de la société, il a ajouté qu'aucune dépense n'apparaissait inscrite dans le présent projet de loi de finances, alors que les besoins estimés étaient identiques à ceux de l'année 2005, soit 150.000 euros. Compte tenu de la règle de fongibilité des crédits au sein d'un programme, les moyens du Conseil d'analyse de la société devraient donc être financés par redéploiement en cours d'exercice 2006.

M. François Marc, rapporteur spécial , a observé que le Conseil d'analyse de la société n'était pas la seule sous-action de la mission à ne pas être dotée. Il s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles une ligne de la nomenclature budgétaire avait été conservée pour les crédits du fonds pour l'insertion des personnes handicapées, alors que ceux-ci avaient été transférés en dehors de la mission. De même, il s'est interrogé sur l'absence de dotation s'agissant de la sous-action relative à l'activité du comité pour l'implantation territoriale des emplois publics (CITEP).

Il a indiqué que la traditionnelle sous-évaluation en loi de finances initiale des crédits d'action sociale interministérielle, gérés notamment par la Mutualité Fonction Publique (MFP), n'était pas soutenable à terme. En effet, il a observé que le fonds de roulement avait été continûment sollicité pour combler cette sous-évaluation ou, comme en 2005, répondre à « l'effort » de régulation budgétaire. Il en a déduit qu'en 2007, il ne serait certainement plus possible d'opérer un nouveau prélèvement, et qu'un effort accru de sincérité budgétaire devrait donc être opéré dès le stade de la loi de finances initiale.

Il a souligné que d'autres autorités administratives indépendantes ne disposaient pas des moyens nécessaires au développement de leurs missions, citant en exemple le CSA, qui déplorait une diminution de ses crédits à périmètre constant, alors qu'il devait faire face au déploiement de la télévision numérique terrestre (TNT). S'agissant de la commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), il a précisé que ses moyens n'augmentaient pas à la hauteur de sollicitations croissantes, ses membres ayant dû prendre en charge, personnellement, une partie de leurs frais de mission. Par ailleurs, il a fait état qu'il était recouru, désormais, à un stagiaire de l'Institut d'études politiques de Paris afin d'assurer le bouclage des dossiers de la CNDS en fin d'année.

Il a noté que la préparation du prochain projet de loi de finances devrait, ainsi, être l'occasion de justifier au premier euro l'ensemble des crédits qui étaient demandés, notamment pour l'action n° 1 « Coordination du travail gouvernemental » du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », faute notamment de précisions concernant la liste des commissions et instances rattachées à cette action à hauteur de 2,21 millions d'euros, ainsi que pour les actions n° 2 « Coordination de la sécurité et de la défense », n° 4 « Coordination sectorielle » et n° 6 « Instances indépendantes ».

Il a jugé que, dans cette perspective, la réflexion sur les objectifs et indicateurs de performance devrait être poursuivie et approfondie. Il a regretté que les objectifs et indicateurs proposés, bien que globalement satisfaisants, ne décrivent qu'un tiers des moyens du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental ». Il a ajouté que le SGDN, le Plan, le CSA et le Médiateur de la République devaient, eux aussi, inscrire leur action dans une démarche de performance.

A l'issue de leur exposé, MM. François Marc et Michel Moreigne, rapporteurs spéciaux, ont donc proposé l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du gouvernement » ainsi modifiés, et l'adoption sans modification de l'article 79 rattaché , qui visait à opérer un aménagement de nomenclature purement technique. Ils ont rappelé que, dans l'ancienne nomenclature budgétaire, quatre rapporteurs spéciaux examinaient les crédits de la mission « Direction de l'action du gouvernement » : outre les deux rapporteurs spéciaux de la présente mission, M. Henri de Raincourt et Mme Nicole Bricq, qui étaient alors respectivement rapporteurs spéciaux des crédits de la fonction publique et du Plan.

M. François Marc, rapporteur spécial, a relevé que des précisions avaient été apportées sur la justification des crédits au premier euro par la direction des services administratifs et financiers du Premier ministre, après la diffusion matérielle de la note d'information. Compte tenu de ces informations, il a indiqué que l'amendement de nomenclature visant à créer un nouveau programme « Développement et régulation des médias » au sein de la mission « Direction de l'action du gouvernement » était doté de 40.438.955 euros, dont 21.480.955 euros de crédits de personnel inscrits au titre 2, provenant du programme « Coordination du travail gouvernemental ». Le nouveau programme serait donc constitué de deux actions, « Conseil supérieur de l'audiovisuel » et « Direction du développement des médias », dont les crédits s'élèveraient respectivement à 34.200.955 euros et 6.238.000 euros. En outre, il a indiqué que l'amendement de réduction des crédits du programme « Coordination du travail gouvernemental » portait sur 2.526.000 euros.

En réponse à une observation de M. Philippe Marini, rapporteur général , il a observé que les diminutions de crédits proposées dans deux amendements étaient de 6 millions d'euros, soit plus d'1 % des crédits de la mission.

Un large débat s'est alors instauré.

Mme Nicole Bricq a salué la possibilité qu'offrait désormais la LOLF de créer, par amendement, de nouveaux programmes au sein d'une mission, sans toutefois en accroître globalement le montant.

Par ailleurs, elle a relevé la possibilité, évoquée dans la note de présentation, que les crédits du Conseil d'orientation des retraites, du Conseil d'analyse économique et du Conseil d'analyse de la société relèvent de l'action n° 11 « Stratégie et prospective », qui regroupe les crédits du Commissariat général du Plan. Elle s'est interrogée sur les raisons pour lesquelles il n'était pas déposé d'amendement en ce sens.

M. François Marc, rapporteur spécial , a observé que cette proposition s'inscrivait dans le cadre des observations naguère formulées par Mme Nicole Bricq en sa qualité de rapporteur spécial des crédits du Plan, et notamment dans son rapport de contrôle budgétaire sur le Commissariat général du Plan. Il a répondu que des modifications de la répartition des crédits entre les actions d'un programme relevaient de la définition de la nomenclature budgétaire par le gouvernement.

M. Michel Moreigne, rapporteur spécial , a précisé qu'il s'agissait, sur ce point, d'interroger le gouvernement sur la répartition des crédits entre les actions du programme.

M. Yann Gaillard, président , a ajouté que la règle de la fongibilité des crédits applicable en exécution au sein d'un programme ne rendait pas pertinent un amendement de modification des crédits entre les actions d'un même programme. Le Parlement ne pouvait qu'inviter le gouvernement à modifier la répartition indicative des crédits au sein d'un programme.

M. Jean-Pierre Masseret s'est interrogé sur la finalité de l'amendement proposant de réduire les crédits d'action sociale interministérielle à hauteur de 3,4 millions d'euros dans le domaine de l'aide au logement.

M. François Marc, rapporteur spécial , a expliqué qu'il s'agissait d'un amendement de minoration de la hausse des crédits, visant à accroître la sincérité budgétaire. Cet amendement « d'appel » devait donc conduire le gouvernement à s'expliquer en séance sur le quasi-quadruplement des crédits concernés, et cela, conformément au principe de justification des crédits au premier euro.

Mme Nicole Bricq et M. Yann Gaillard, président , ont approuvé le principe d'amendements de réduction des dépenses, afin d'obtenir des explications satisfaisantes sur le niveau des crédits demandés au Parlement. Il ne fallait pas en effet que le gouvernement puisse se constituer une « enveloppe supplémentaire » de crédits non justifiés.

M. Bernard Angels s'est demandé s'il ne fallait pas, dans cette hypothèse, proposer le rejet de la présente mission.

M. Yann Gaillard, président , a relevé que l'adoption des crédits modifiés par amendement constituait une solution alternative à leur rejet.

Il a remercié les rapporteurs spéciaux pour la qualité de leurs travaux et s'est félicité du large consensus restant au sein de la commission, par sa volonté de faire appliquer la LOLF au-delà des clivages partisans.

Puis la commission a adopté les trois amendements présentés par les rapporteurs spéciaux.

A l'invitation de MM. François Marc et Michel Moreigne, rapporteurs spéciaux, la commission a alors décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Direction de l'action du gouvernement », ainsi modifiés, et d'adopter sans modification l'article 79 rattaché .

Réunie le jeudi 24 novembre 2005 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a confirmé sa position, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, sous réserve d'un amendement de coordination qu'elle a adopté à l'article 79 rattaché.

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