3. Une nouvelle répartition des rôles de certains organes de la procédure
Le projet de loi traduit un renforcement du rôle et de la présence de certains organes dans la procédure judiciaire de traitement des difficultés des entreprises. D'autres, à commencer par le tribunal, voient leur rôle limité.
a) L'intervention renforcée du ministère public
Les difficultés d'une entreprise n'ont pas seulement des incidences sur le débiteur et ses créanciers. Par un « effet de dominos », elles peuvent avoir des répercussions sur une sphère plus large d'acteurs. L'intérêt général doit donc être pris en compte dans le cadre des procédures collectives et il est indispensable, à cet égard, que le ministère public soit réellement associé aux procédures .
Avant même la loi du 25 janvier 1985, la loi n° 81-927 du 15 octobre 1981 relative au droit d'action du ministère public dans les procédures collectives d'apurement du passif des entreprises avait renforcé le rôle du ministère public dans le cadre des procédures collectives, cette intervention étant généralisée en 1985.
Le présent projet de loi marquerait une nouvelle étape dans cette évolution en prévoyant d'accentuer l'information du ministère public sur l'ensemble des procédures judiciaires de traitement des entreprises en difficulté. Ainsi, le ministère public serait désormais informé de la nomination d'un mandataire ad hoc ou de l'ouverture, par le tribunal, d'une procédure de conciliation ( article 5 ). Le texte rendrait également obligatoire, dans certaines hypothèses, la présence du ministère public lors des audiences du tribunal de la procédure collective. Tel serait le cas, en particulier, lorsqu'est ouverte une procédure de sauvegarde après l'échec d'une procédure de conciliation ( article 15 ), ou lorsqu'est prononcé le jugement arrêtant le plan de sauvegarde ou de redressement ( article 75 ).
De nouvelles prérogatives en matière de sanctions seraient par ailleurs attribuées au ministère public. Dans ce cadre, il pourrait notamment solliciter auprès du tribunal l'annulation d'actes ou paiements effectués, au cours de la période d'observation, sans l'autorisation du juge-commissaire ( article 26 ). L'exercice de l'action en nullité dans le cadre de la période suspecte lui serait désormais également reconnu ( article 105 ).
b) L'intervention renouvelée des contrôleurs
La loi n° 94-475 du 10 juin 1994 avait renforcé les prérogatives des contrôleurs, créanciers du débiteur chargés d'une mission de surveillance sur le déroulement de la procédure. Le présent projet de loi apporterait des modifications de deux types.
En premier lieu, les contrôleurs auraient désormais deux origines. Ils continueraient, pour l'essentiel, à être des créanciers du débiteur désignés par le juge-commissaire. Mais, nouveauté apportée par le texte, ils seraient également, pour l'un d'entre eux, l'ordre professionnel ou l'autorité compétente, dans l'hypothèse où le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ( article 21 ).
En second lieu, les prérogatives des contrôleurs seraient accrues, ce qui ferait d'eux de véritables organes de la procédure. Ils disposeraient d'un droit d'accès accru à l'information lors de la procédure. Ainsi, ils se verraient communiquer les offres de remises qui seraient présentées au mandataire judiciaire au cours de la procédure de sauvegarde ou de redressement ( article 72 ).
Les créanciers désignés contrôleurs bénéficieraient, en outre, en cas de carence du mandataire judiciaire :
- du droit d'agir dans l'intérêt collectif des créanciers, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ( article 35 ) ;
- d'un droit d'action en comblement du passif et en paiement des dettes sociales contre le dirigeant de la personne morale ( articles 144 et 146 );
- d'une possibilité de saisine du tribunal pour demander le prononcé d'une sanction professionnelle -interdiction de gérer ou faillite personnelle- à l'égard du débiteur ou du dirigeant de la personne morale soumis à une procédure collective ( article 153 ).