N° 199

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 février 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l' approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure ,

Par M. André BOYER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert Del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Francis Giraud, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le numéro :

Sénat : 21 rectifié (2004-2005)

Traités et conventions.

INTRODUCTON

Mesdames, Messieurs,

La Macédoine est un pays jeune et un état fragile. Elle a choisi tardivement son indépendance (1991), qu'elle a négociée de manière pacifique avec Belgrade après avoir constaté l'irréversibilité de la désintégration de la fédération yougoslave.

Durant les dix premières années de son existence, elle s'est employée à bâtir un système parlementaire (assemblée unique), à pratiquer l'alternance démocratique, à ériger les fondements de l'état de droit et à favoriser l'éclosion d'une presse et de médias d'opinion, mais, d'emblée, la situation sur le plan ethnique s'est caractérisée par une « cohabitation crispée » entre les Slavo-macédoniens et les Albanais. Plusieurs incidents d'une certaine gravité ont progressivement dégradé le climat, favorisant à la frontière nord une agression albanaise menée de l'extérieur qui a été renforcée par une rébellion locale (février 2001).

Ce conflit a rapidement été jugulé (moins de 200 morts) et une solution négociée a été trouvée grâce à la communauté internationale (accord d'Ohrid).

Aujourd'hui encore, la présence et l'action de l'Union européenne (institution du RSUE 1 ( * ) , mission de police « Proxima », EUMM 2 ( * ) , AER 3 ( * ) ) mais aussi de l'OSCE, de l'OTAN et des Etats-Unis continuent de représenter un facteur important de la stabilisation politique du pays.

Depuis son indépendance, en 1991, la République de Macédoine met en place des réformes structurelles.

Le gouvernement constitué par Branxo Crevnkovski, élu Président de la République en mai 2004, a défini trois priorités d'actions dont la seconde, vitale pour l'avenir du pays, est de lutter contre la corruption et le crime organisé. Dans ce but, l'une des premières mesures a été la restructuration de la police macédonienne ; son directeur général s'est rendu en France récemment et a souligné la sensibilité des Macédoniens aux efforts français en matière de coopération policière.

I. LES ORIGINES HISTORIQUES DE L'AUGMENTATION DE LA CRIMINALITÉ ET DE SON PASSAGE PAR LA MACÉDOINE

Il est indispensable d'aider la Macédoine à lutter contre la criminalité.

La Macédoine est traversée par la « route des Balkans », utilisée pour les trafics de stupéfiants comme pour la traite des êtres humains. L'activité criminelle ne semble pas diminuer. Un plan de réforme de la police se met en place, des projets de réforme de la justice s'organisent, mais la situation est très critique dans différents domaines criminels.

Du fait de la situation géographique, la Macédoine est une voie naturelle de pénétration pour le transfert de drogues des pays du Proche et Moyen-Orient vers les pays européens (à titre d'exemple, on peut rappeler que 150 kg d'héroïne ont été saisis entre janvier et juin 2004). Deux voies sont usitées :

- par le sud : Turquie, Bulgarie, Macédoine, Grèce ou Albanie vers l'Italie ;

- par le nord : Turquie, Bulgarie, Macédoine, Kosovo et Serbie.

Le recours à la route des Balkans est issu du différend qui oppose la Macédoine à la Grèce , qui n'a pas supporté la reconnaissance de l'indépendance de ce territoire.

Plusieurs incidents ont ponctué cette opposition entre la Grèce et la Macédoine :

- le 14 février 1992 : 700 000 personnes ont manifesté à Salonique contre la reconnaissance de la Macédoine ;

- le 10 décembre 1992 : manifestation contre l'attitude de la Grèce à Skopje et protestations contre la reconnaissance de la Macédoine à Athènes (un million de personnes) ;

- le 15 octobre 1993 : rupture par la Grèce de tout dialogue avec la Macédoine ;

- le 16 février 1994 : fermeture par la Grèce de toute la frontière .

La résistance de la Grèce, qui reproche à son voisin du Nord son nom et son drapeau (le symbole de Verginia, que l'on aurait trouvé près du tombeau du roi Philippe, père d'Alexandre le Grand), a beaucoup gêné la République de Macédoine dans sa quête d'une reconnaissance internationale. En même temps, à chaque fois qu'elle a tenté d'isoler encore plus la jeune République, les puissances occidentales ont fait un effort significatif : reconnaissance par six pays de l'Union européenne, à la suite de la rupture du dialogue, reconnaissance par les Etats-Unis, malgré la présence d'un très fort lobby grec, à la suite de la fermeture de la frontière et du port de Salonique.

On peut noter que le contexte diplomatique était et demeure si dégradé que la Macédoine n'a été admise à l'origine (avril 1993) à l'ONU que sous le nom d'ex-République yougoslave de Macédoine (FYROM : former yougoslav républic of Macédonia).

Ces éléments historiques qui ont marqué la naissance de la jeune république macédonienne contribuent largement à expliquer les problèmes de sécurité intérieure auxquels elle est confrontée aujourd'hui et qui donnent une telle importance à l'assistance que notre pays peut lui apporter.

En effet, la fermeture, en 1994, par la Grèce, de toute la frontière gréco-macédonienne et sa conséquence, le blocage de l'accès, pour la Macédoine, au port de Salonique, a bouleversé les voies commerciales macédoniennes : celles-ci, ne pouvant plus emprunter l'axe nord-sud, ont dû se retourner vers la « route des Balkans » (axe est-ouest), afin que la Macédoine ne soit pas entièrement asphyxiée en termes de commerce international. Cette habitude a perduré malgré la réouverture de la frontière gréco-macédonienne en octobre 1995.

La Macédoine en aujourd'hui un territoire « clé » des trafics criminels balkaniques, notamment dans les domaines de la drogue et de la traite des êtres humains.

* 1 Représentant du secrétaire général de l'Union européenne

* 2 Mission de surveillance de l'Union européenne

* 3 Agence européenne de reconstruction

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