B. LES PROGRAMMES « ÉQUITÉ SOCIALE ET TERRITORIALE ET SOUTIEN » ET « RÉNOVATION URBAINE »
Dans son rapport spécial relatif aux crédits du logement, notre collègue Roger Karoutchi présente les programmes « Aide à l'accès au logement » et « Développement et amélioration de l'offre de logement ». Votre rapporteur spécial se contentera donc de présenter ici les deux programmes « Rénovation urbaine » et « Equité sociale et territoriale et soutien ».
Ces deux programmes, qui correspondent à peu près au périmètre de l'actuel budget de la ville et de la rénovation urbaine, augmenté des compensations des exonérations de cotisations sociales patronales en ZFU, auront pour responsable la déléguée interministérielle à la ville.
1. Les objectifs et les indicateurs : un champ opportunément restreint par rapport au projet initial
Dans son rapport spécial relatif aux crédits de la ville et de la rénovation urbaine pour 2004, votre ancien rapporteur spécial, notre collègue Eric Doligé, soulignait la nécessité que les objectifs et indicateurs retenus par le futur programme couvrent un champ moins large que ceux figurant dans l'agrégat « politique de la ville et du développement social urbain » ou dans l'annexe 1 de la loi du 1 er août 2003 précitée, fixant les objectifs de la politique de la ville et alors conçue, selon les informations obtenues par notre collègue, comme devant préfigurer les objectifs du futur PAP.
En effet, ces objectifs et indicateurs recouvrent un champ bien plus vaste que celui qui dépend de la politique menée dans le cadre de la future mission « Ville et logement ». S'il pourrait être intéressant de disposer d'un ou plusieurs indicateurs globaux de la situation socioéconomique dans les ZUS, il semble pourtant inapproprié de multiplier, dans le cadre de la future mission, les objectifs et indicateurs qui continueront de dépendre d'autres ministères. Cela n'empêcherait pas la publication annuelle de l'ensemble des indicateurs proposés, ainsi que le prévoit la loi du 1 er août 2003 précitée.
Aussi, votre rapporteur spécial se félicite de ce que les objectifs et indicateurs des programmes « Rénovation urbaine » et « Equité sociale et territoriale et soutien » se limitent, en quasi-totalité, à des domaines relevant effectivement du responsable de programme.
Par ailleurs, il est prévu de réunir dans un document de politique transversale (DPT) 16 ( * ) les objectifs relevant d'autres missions et contribuant à la politique de la ville.
2. Des programmes globalement satisfaisants
a) Le programme « Rénovation urbaine »
Le programme « Rénovation urbaine » consisterait en l'actuelle subvention à l'ANRU , actuellement éclatée entre le budget du logement et celui de la ville et de la rénovation urbaine, comme l'indique le graphique ci-après.
Les crédits regroupés dans le projet de programme « Rénovation urbaine »
(en millions d'euros)
Sources : présent projet de loi de finances ; Avant-projet annuel de performance des programmes de la mission ministérielle « Ville et logement », novembre 2004
L'ANRU participerait donc à la réalisation des objectifs associés à la politique de la ville.
La structuration du programme en actions distinguerait les crédits destinés à l'amélioration de l'offre de logements de ceux destinés à l'aménagement des quartiers.
Les actions du projet de programme « Rénovation urbaine »
(en millions d'euros)
Action |
Montant (base PLF 2005) |
Logements participant à la rénovation urbaine |
98,5 |
Aménagement des quartiers participant à la rénovation urbaine |
128,1 |
Total |
226,6 |
Source : Avant-projet annuel de performance des programmes de la mission ministérielle « Ville et logement », novembre 2004
Les trois objectifs proposés ne seraient associés à aucune action particulière.
Les objectifs et les indicateurs du projet de programme « Rénovation urbaine »
Objectifs |
Indicateurs |
Renforcer l'attractivité du logement en ZUS |
Evolution du taux de vacance des logements sociaux en ZUS |
Rénover le cadre urbain des ZUS |
Evolution de l'opinion des habitants des ZUS sur l'environnement de leur logement |
Maîtriser le coût du programme national de rénovation urbaine |
Coût moyen dans le cadre du programme national de rénovation urbaine Maîtrise des coûts et des délais |
Source : Avant-projet annuel de performance des programmes de la mission ministérielle « Ville et logement », novembre 2004
Conformément à la logique de la LOLF, ces objectifs ne concernent pas le nombre de constructions, de réhabilitations et de démolitions, les objectifs à ce sujet ayant été fixés par la loi d'orientation et de programmation précitée du 1 er août 2003. En effet, la LOLF a pour objet d'améliorer l'efficience de la dépense publique, alors que le nombre de constructions, de réhabilitations et de démolitions peut correspondre à une simple logique de moyens.
Les objectifs et indicateurs proposés semblent satisfaisants.
Ce programme ferait l'objet d'un budget opérationnel de programme (BOP) dont la gestion serait confiée à la déléguée interministérielle à la ville, et verrait ses crédits délégués à l'ANRU. Ce système, relativement complexe, se justifie par le fait que la DIV doit assurer la tutelle de l'ANRU, qui n'aurait pas à rendre directement de comptes au Parlement lors de la discussion du projet de loi de finances.
b) Le programme « Equité sociale et territoriale et soutien »
Le programme « Equité sociale et territoriale et soutien » - qui, ainsi que ceci a été indiqué dans la première partie du présent rapport spécial, doit faire l'objet en 2005 d'une expérimentation , consistant en la mise en place de trois budgets opérationnels de programme (BOP) régionaux - semble lui aussi globalement satisfaisant.
Il serait structuré en quatre actions, conformément au tableau ci-après.
Les actions du projet de programme « Equité sociale et territoriale et soutien »
(en millions d'euros)
Action |
Montant (base PLF 2005) |
Prévention et développement social |
247,2 |
Revitalisation économique et emploi |
19,8 |
Stratégie, ressources et évaluation |
30,4 |
Allègements de charges sociales en ZUS |
363 |
Total |
660,4 |
Source : Avant-projet annuel de performance des programmes de la mission ministérielle « Ville et logement », novembre 2004
L'action « allègements de charges sociales en ZUS » consiste essentiellement en la compensation, par l'Etat, des exonérations de charges sociales en vigueur dans les ZFU. Les exonérations fiscales en vigueur dans les ZUS ne sont pas ici prises en compte, dans la mesure où la LOLF prévoit que les actions consistent en des dépenses, et non en des exonérations fiscales, qui ont cependant vocation à figurer dans le projet annuel de performance (PAP), en application de l'article 51 de la LOLF, selon lequel les PAP indiquent, notamment, « l'évaluation des dépenses fiscales ».
Comme dans le cas du programme précédent, les objectifs et indicateurs ne sont associés à aucune action particulière, ce qui provient de l'impossibilité d'effectuer une telle répartition. Par exemple, on a vu que le développement des ZFU provenait peut-être moins des exonérations fiscales et sociales qui y sont en vigueur que de la concentration des investissements publics qui y sont effectués. Dans ces conditions, il serait injustifié d'associer l'objectif de développement de l'emploi à l'action correspondante.
Les objectifs et indicateurs proposés sont indiqués par le tableau ci-après.
Les objectifs et les indicateurs du projet de programme « Equité sociale et territoriale et soutien »
Objectifs |
Indicateurs |
Renforcer la mixité fonctionnelle des ZUS |
Evolution du nombre d'établissements (1) implantés dans les ZUS, ZRU et ZFU Densité des commerces de détail et des services aux particuliers |
Améliorer la qualité des services rendus aux habitants des ZUS |
Indice de satisfaction des habitants à l'égard de la couverture locale de services publics |
Soutenir la création d'emplois au coeur même des ZUS |
Evolution du nombre d'emplois salariés existant dans les ZFU Ecart entre l'évolution du nombre de demandeurs d'emploi résidant dans les ZFU et celle du nombre de demandeurs d'emploi résidant dans les agglomérations correspondantes |
Soutenir l'innovation, capitaliser les expériences et diffuser l'information |
Taux de diffusion des dispositifs spécifiques de la politique ville (contrats de ville bénéficiant des dispositifs « atelier santé ville », « adultes-relais » et « équipe emploi insertion ») Nombre de documents téléchargés à partir des sites Internet de la DIV |
Optimiser l'utilisation des fonds dédiés au programme « équité sociale et territoriale » |
Part des crédits destinés au financement des quatre priorités du programme (prévenir la délinquance dans les ZUS, favoriser la réussite scolaire des élèves les plus en difficulté, faciliter l'accès aux soins des personnes en voie de marginalisation, inscrire les publics les plus éloignés de l'emploi dans un parcours d'insertion professionnelle) |
(1) Il s'agit des établissements exerçant une activité d'industrie, de commerce ou de services.
Source : Avant-projet annuel de performance des programmes de la mission ministérielle « Ville et logement », novembre 2004
Ces objectifs et indicateurs sont globalement satisfaisants.
En particulier, l'indicateur « Taux de diffusion des dispositifs spécifiques de la politique ville » n'est pas un indicateur de moyen, puisqu'il concerne non le volume global des moyens mis en oeuvre, comme les adultes-relais, mais leur répartition entre contrats de ville.
On peut cependant s'interroger dans le cas de l'objectif « Améliorer la qualité des services rendus aux habitants des ZUS », mesuré par un « indice de satisfaction des habitants à l'égard de la couverture locale de services publics ». En effet, l'évolution de cet indice ne semble pas dépendre du responsable du programme .
3. L'absence d'indicateurs globaux et de « finalité d'intérêt général » de retour au droit commun
Votre rapporteur spécial regrette que, contrairement à ce que préconisait votre ancien rapporteur spécial, notre collègue Eric Doligé, le projet de mission ne mentionne pas l'objectif, inséré à son initiative à l'annexe 1 de la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 précitée, de « réduction progressive des écarts constatés avec les autres villes ou quartiers, et de « retour au droit commun ».
En effet, il s'agit d'éviter que le zonage de la politique de la ville, déjà ancien, perpétue, d'année en année, des régimes dérogatoires qui n'auraient plus de justification.
C'est pourquoi, à l'initiative de notre collègue, l'annexe précitée prévoit également qu' « un ou plusieurs indicateurs globaux permettent d'évaluer la situation socio-économique globale des zones urbaines sensibles (ZUS), ainsi que des zones urbaines dans leur ensemble » .
Ces indicateurs doivent figurer dans le rapport au Parlement prévu par l'article 5 de la loi du 1 er août 2003 précitée 17 ( * ) .
Votre rapporteur spécial regrette à ce sujet que ce rapport ne lui ait pas encore été remis , alors que l'article 5 précité prévoit qu'il doit être présenté au Parlement « au plus tard à l'ouverture de la session ordinaire ». Le ministère délégué au logement et à la ville a indiqué à votre rapporteur spécial que ce rapport devait être rendu public « à l'occasion de la présentation du budget de la politique de la ville en commission des finances élargie [à l'Assemblée nationale] le mercredi 17 novembre 2004 ».
Notre collègue Eric Doligé suggérait que les « indicateurs globaux » précités figurent dans le PAP , et que l'objectif de « réduction progressive des écarts constatés avec les autres villes ou quartiers, et de « retour au droit commun » » fasse l'objet d'une « finalité d'intérêt général », au sens de la LOLF.
La hiérarchisation des objectifs des programmes, selon la Cour des comptes
« L'article 7 de la LOLF distingue (...), dans sa définition des programmes, des niveaux distincts : les « finalités d'intérêt général » ; les « objectifs précis », qui peuvent traduire, selon les cas, des objectifs stratégiques de moyen terme ou des objectifs opérationnels de plus court terme ; enfin les « résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation », indicateurs présentant des cibles et des résultats ».
Source : Cour des comptes, rapport sur l'exécution des lois de finances en vue du règlement du budget de l'exercice 2002, juin 2003
Certes, le ministère délégué indique que « la performance assignée aux programmes de la mission « Ville et logement » visera essentiellement à une réduction des écarts constatés entre les caractéristiques des zones urbaines sensibles et une valeur de référence (comme, par exemple, une moyenne constatée au niveau national). Ainsi, à titre d'exemple, la performance du programme « rénovation urbaine » sera appréciée par sa capacité à réduire les écarts entre le taux de vacance constaté en ZUS et celui constaté dans les unités urbaines de référence ».
Votre rapporteur spécial estime cependant que la mise en oeuvre des préconisations de notre collègue Eric Doligé permettrait une plus grande clarté des objectifs poursuivis par la politique de la ville.
* 16 Ces documents, non prévus par la LOLF, ont pour fonction de synthétiser les objectifs de différentes missions concourant à une même politique.
* 17 Selon l'article 5 précité, « A compter du 1er janvier suivant la publication de la [loi du 1er août 2003 précitée], le gouvernement présente au Parlement, au plus tard à l'ouverture de la session ordinaire, un rapport annuel détaillé sur l'évolution des zones urbaines sensibles et des zones franches urbaines, lequel donne lieu à un débat d'orientation devant chacune des deux assemblées ».