3. Une volonté de réforme réelle mais inhibée
Le projet pour le CNRS de mars 2004, rédigé par M. Gérard Mégie, président, décédé depuis cette date, et l'actuel directeur général de l'établissement, M. Bernard Larroutourou, fait preuve d'une audace tempérée.
a) D'excellentes intentions
Le besoin de réforme y est affirmé. « Le CNRS doit évoluer », pour devenir plus qu'aujourd'hui « un vrai établissement », doté d'une politique ambitieuse de ressources humaines, encourageant la mobilité externe de ses chercheurs vers les universités ou vers l'industrie, et d'une réelle stratégie scientifique, reposant sur des priorités plus sélectives et un soutien à l'excellence.
Il est proposé de regrouper en « gros » laboratoires, visibles à l'échelle internationale, les unités actuellement trop dispersées et de tailles disparates. Le rôle des directeurs de ces entités serait renforcé.
Le déploiement d'un système d'information rénové, conformément aux objectifs de la LOLF, permettrait de simplifier et d'alléger la gestion des laboratoires tout en facilitant le suivi, par le conseil d'administration, de la mise en oeuvre de la politique de l'établissement.
b) L'influence, peu maîtrisable, d'évolutions externes
Les auteurs du document précité de « notre projet pour le CNRS », montrent que l'évolution de l'établissement est liée à celle de la recherche française dans son ensemble et de ses principaux partenaires, notamment les universités.
« Souvent évoquées, les difficultés et les faiblesses de la recherche française font trop rarement l'objet de diagnostics clairs », écrivent MM. Larroutourou et Mégie.
« Il est difficile - selon eux - de contester les reproches qui concernent la lourdeur et la complexité du dispositif national de recherche publique, liées notamment aux séparations entre universités, écoles et organismes, le manque de lisibilité de son organisation et l'insuffisante autonomie des établissements, avec la rigidité et le manque de réactivité qui en résultent. Beaucoup de pays ont su, depuis dix ou vingt ans, faire évoluer leur dispositif d'enseignement supérieur et de recherche beaucoup plus vite que le nôtre, que ce soit en Amérique du Nord, en Europe ou en Asie.
« Enfin, il est incontestable - poursuivent-ils -, que la France souffre d' une dynamique insuffisante des relations et du transfert entre recherche publique et recherche privée , qui se traduit notamment par la faiblesse de l'emploi scientifique dans les entreprises. »
Votre rapporteur spécial partage entièrement ce point de vue.
Il est donc souhaité, par MM. Larroutourou et Mégie, que le Centre national inscrive son activité dans le continuum formation-recherche-innovation, afin de contribuer au rapprochement entre recherche publique et recherche privée.
Le CNRS doit rester, d'autre part, étroitement associé aux écoles, et aux universités dont le renforcement est ardemment désiré.
« Il est vital, pour l'avenir des activités d'enseignement supérieur et de recherche du pays - écrivent les dirigeants de l'établissement - de donner aux universités une autonomie accrue ». Ils affirment, par ailleurs, que le CNRS doit clairement se placer dans une perspective de développement de ces dernières.
Il ne leur paraît ni possible ni souhaitable que le CNRS cesse de jouer le rôle, qui est actuellement le sien, d'agence de moyens pour la recherche universitaire mais cette fonction doit être plus clairement définie. Conservant ainsi une fonction bien identifiée de soutien à la recherche universitaire, le CNRS devrait sélectionner des laboratoires de qualité, labellisés, à la disposition desquels elle mettrait, en priorité, des chercheurs et des techniciens.
Plus généralement, le CNRS, tout en demeurant placé au centre de la recherche scientifique nationale, « ne doit plus assumer aujourd'hui - selon MM. Larroutourou et Mégie - une mission globale de pilotage de l'ensemble de la recherche nationale ».