ARTICLE 28
Montant et
répartition du prélèvement de solidarité pour
l'eau
Commentaire : le présent article tend à fixer le montant et la répartition du prélèvement de solidarité pour l'eau.
I. LE DROIT EXISTANT
Le prélèvement de solidarité pour l'eau est un prélèvement à la charge des agences de l'eau, qui a été initialement institué, par le II de l'article 58 de la loi de finances pour 2000 209 ( * ) , au profit du Fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE). Celui-ci a toutefois été budgétisé à compter de 2004, ce dont votre commission, qui s'était montrée critique à l'égard de ce fonds, s'était félicitée 210 ( * ) . L'article 38 de la loi de finances pour 2004 211 ( * ) a clos le compte d'affectation spéciale n° 902-00 « Fonds national de l'eau », dont le FNSE constituait la seconde section. Les opérations en compte au titre de ce fonds ont été reprises au sein du budget général, sur lequel ont été reportés les crédits disponibles à la clôture des comptes. Le budget du ministère de l'écologie et du développement durable a ainsi vu ses dotations majorées de 83 millions d'euros au titre des dépenses auparavant financées par le FNSE, tandis que le prélèvement de solidarité pour l'eau a été maintenu et son montant, affecté au budget général.
Son montant est déterminé chaque année en loi de finances. Ce prélèvement est versé au comptable du Trésor du lieu du siège de chaque agence de l'eau, sous la forme d'un versement unique intervenant avant le 15 février de chaque année. Il est recouvré selon les modalités s'appliquant aux créances de l'Etat étrangères à l'impôt, au domaine, aux amendes et autres condamnations pécuniaires.
Le montant de ce prélèvement est inscrit comme dépense obligatoire dans le budget primitif des agences de l'eau. Il est fonction, pour deux tiers, de la part de chaque bassin dans le montant total des redevances autorisées pendant la durée du programme pluriannuel d'intervention et, pour un tiers, de la part de chaque bassin dans la population recensée en métropole.
Compte tenu de ces critères, la part de la contribution de chaque agence est la suivante :
Répartition de la contribution entre les agences
Agences de l'eau |
Part |
Adour-Garonne |
9,20 % |
Artois-Picardie |
7,66 % |
Loire-Bretagne |
15,94 % |
Rhin-Meuse |
8,46 % |
Rhône-Méditerranée-Corse |
23,04 % |
Seine-Normandie |
35,70 % |
Total |
100,00 % |
II. LE DISPOSITIF PRÉVU PAR LE PRÉSENT ARTICLE
Le présent article prévoit que le montant et la répartition du prélèvement de solidarité pour l'eau seront en 2005 identiques à ceux fixés pour 2004 par l'article 38 de la loi de finances pour 2004 précitée.
Le montant du prélèvement atteindra donc 83 millions d'euros, répartis comme suit :
Montant du prélèvement de solidarité pour l'eau par agence
(en euros)
Agence de l'eau Adour Garonne |
7.636.000 |
Agence de l'eau Artois-Picardie |
6.358.000 |
Agence de l'eau Loire-Bretagne |
13.230.000 |
Agence de l'eau Rhin-Meuse |
7.022.000 |
Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse |
19.123.000 |
Agence de l'eau Seine-Normandie |
29.631.000 |
Total |
83.000.000 |
L'évolution du montant du prélèvement de solidarité pour l'eau
Le montant du prélèvement avait été fixé à 500 millions de francs, soit 76,22 millions d'euros par l'article 58 de la loi de finances initiale pour 2000. L'article 30 de la loi de finances initiale pour 2001 avait reconduit le même montant.
L'article 29 de la loi de finances initiale pour 2002 avait porté le montant du prélèvement à 81,6 millions d'euros, cette hausse devant permettre de mieux financer le système d'information sur l'eau requis par la directive cadre sur l'eau du 23 octobre 2000 et de couvrir des dépenses supplémentaires d'application de la directive « nitrates » dans les régions du Grand Ouest.
L'article 44 de la loi de finances initiale pour 2003, avait maintenu à 81,6 millions d'euros le montant du prélèvement de solidarité pour l'eau, mais seulement 60 millions d'euros avaient été affectés au FNSE, le solde, soit 21,6 millions d'euros, étant affecté au budget général.
L'article 38 de la loi de finances pour 2004 a porté le montant du prélèvement de solidarité pour l'eau à 83 millions d'euros.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UN PRÉLÈVEMENT CRITIQUÉ PAR LA COUR DES COMPTES
Dans le cadre de la procédure prévue par l'article 58-2° de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) 212 ( * ) , votre commission des finances avait demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur le Fonds national de solidarité pour l'eau, qui a fait l'objet d'un rapport de notre collègue Philippe Adnot, alors rapporteur spécial des crédits de l'écologie et du développement durable 213 ( * ) .
La Cour des comptes s'était montré critique envers l'assiette de ce prélèvement, ainsi que le rappelle le passage suivant, extrait de la communication transmise à votre commission des finances :
« L'assiette de ce prélèvement appelle l'observation suivante. Compte tenu du mode de fixation des redevances des agences, leurs niveaux sont d'autant plus élevés dans un bassin hydrographique donné que le montant des interventions de l'agence de ce bassin prévu à son programme pluri-annuel est lui-même élevé. Un montant élevé de redevances traduit donc des besoins importants ou une solidarité à l'échelle du bassin intense. Dans ces conditions, la solidarité ou la péréquation entre les bassins devrait se traduire plutôt par un transfert des bassins où les taux de redevance sont relativement bas - c'est-à-dire des bassins où les besoins sont eux-mêmes relativement bas ou bien où la solidarité est faible - vers les bassins où les taux de redevances sont relativement élevés - c'est-à-dire vers les bassins où les besoins sont aussi élevés ou bien où la solidarité est forte. Pour deux tiers, l'assiette du prélèvement pour l'eau est fonction d'un critère indirectement lié aux niveaux des redevances et provoque un transfert entre bassins opposé à ce que l'objectif de solidarité ou de péréquation pourrait laisser imaginer . »
Le tableau suivant montre l'importance de ce transfert :
Répartition du prélèvement de solidarité pour l'eau entre les agences selon le seul critère démographique (année 2001) |
||||
Agences de l'eau |
Populations des bassins |
Répartition démographique (1) |
Répartition légale (2) |
Ecart (1)-(2) |
Adour-Garonne |
6 484 000 |
8,46 M€ |
7,01 M€ |
-1,45 M€ |
Artois-Picardie |
4 814 000 |
6,29 M€ |
5,84 M€ |
- 0,44 M€ |
Loire-Bretagne |
11 605 000 |
15,15 M€ |
12,15 M€ |
- 3,00 M€ |
Rhin-Meuse |
3 962 000 |
5,17 M€ |
6,45 M€ |
+ 1,28 M€ |
Rhône-Méditerranée-Corse |
14 138 000 |
18,46 M€ |
17,56 M€ |
- 0,90 M€ |
Seine-Normandie |
17 386 000 |
22,70 M€ |
27,21 M€ |
+ 4,52 M€ |
Total |
58 389 000 |
76,22 M€ |
76,22 M€ |
0,00 M€ |
Source : estimation Cour des comptes pour la répartition du prélèvement de solidarité pour l'eau entre bassins selon le seul critère de la population de ces bassins, in Philippe Adnot, « Le Fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE) : une expérience riche d'enseignements », rapport d'information n° 345 (2003-2004) |
La Cour estimait que « indirectement, le prélèvement de solidarité pour l'eau organise donc un transfert supplémentaire des ménages urbains vers les autres usagers de l'eau qui s'ajoute à celui opéré par les agences et, marginalement, par le FNDAE 214 ( * ) ». En outre, elle mettait en évidence l' opacité de ce prélèvement fiscal assis sur les redevances établies et recouvrées par les agences de l'eau : « si aucun principe de droit ne s'oppose à une telle superposition, que le Conseil constitutionnel n'a pas censurée, elle est évidemment opaque pour les redevables puisqu'une partie des sommes qu'ils versent à une personne publique, l'agence, pour financer ses missions, est en réalité destinée à une autre personne publique, l'Etat, qui finance ainsi d'autres missions ».
B. UN PRÉLÈVEMENT À RECONSIDÉRER, DANS LE CADRE DE LA REFONTE DE LA POLITIQUE DE L'EAU
Les remarques de la Cour méritent une attention toute particulière. Le ministre de l'écologie et du développement durable, M. Serge Lepeltier, a indiqué, lors de son audition portant sur la communication de la Cour des comptes, le 15 juin 2004, que l'assiette basée sur la population permettait de rééquilibrer la contribution en faveur des agences de l'eau les plus rurales et que, finalement, les bassins les plus riches étaient également les plus contributeurs. Il avait toutefois précisé que la question du devenir de ce prélèvement serait abordée avec le Parlement dans le cadre du projet de loi sur l'eau, qui devrait être présenté en Conseil des ministres d'ici la fin de l'année.
La réforme de la politique de l'eau :
les objectifs annoncés par le ministre de l'écologie et du
développement durable
devant votre commission des finances le 15
juin 2004
« Pour atteindre cet objectif, l'avant projet de loi sur l'eau prévoit de multiples dispositions dont notamment le renforcement de la lutte contre les pollutions diffuses, notamment les nitrates et les produits phytosanitaires, le développement des schémas d'aménagement et de gestion des eaux à l'échelle des sous bassins versants dans une logique de définition locale de la politique de l'eau par les acteurs eux mêmes, et enfin la réforme des agences de l'eau afin d'en faire un outil essentiel de l'Etat pour le financement de la politique de l'eau.
« Sur cette réforme des agences de l'eau, il s'agit notamment de renforcer le rôle de démocratie participative des comités de bassins, tout en faisant encadrer le régime fiscal des redevances de bassins par le Parlement, et de renforcer le rôle des agences de l'eau.
« Dans ce cadre, l'ensemble des interventions financières locales touchant à la gestion de l'eau sera effectué par les agences et l'Etat n'interviendra plus localement que pour ce qui concerne la sécurité des personnes et des biens, achevant ainsi le décroisement que nous avons lancé en 2003.
« En ce qui concerne les missions de niveau national, l'avant projet de loi avance comme proposition de rationaliser l'action des différents acteurs en transformant le Conseil supérieur de la pêche en une agence nationale de l'eau et des milieux aquatiques regroupant les milieux humains et financiers consacrés aux tâches nationales de mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau.
« En effet, compte tenu des objectifs ambitieux de bon état de l'eau et des milieux aquatiques que nous assignent la directive cadre, il me semble indispensable d'optimiser les actions des uns et des autres au niveau national et de se doter par redéploiement des moyens humains et financiers à la hauteur de l'enjeu.
« Une des options est de laisser à cette agence un statut d'établissement public qui se substituerait au FNSE, serait financé par les six agences de bassin et prendrait en charge les missions de niveau national concernant la connaissance des milieux aquatiques, les études et recherches, l'observation des services publics d'eau et d'assainissement.
« Compte tenu de leur rôle important en matière de connaissances des milieux aquatiques, les gardes du Conseil supérieur de la pêche y resteraient affectés.
« A contrario, cette agence ne serait pas chargée de la tutelle des six agences de bassin, qui resterait naturellement du ressort de la direction de l'eau.
« Je souhaite que la réforme de la politique de l'eau me donne l'occasion, après votre rapport, d'un débat approfondi avec les parlementaires sur de telles pistes d'amélioration de la gestion publique, en vue d'identifier clairement les responsabilités et les moyens d'intervention qui incombent aux autorités nationales, aux institutions de bassins et aux collectivités décentralisées ».
Source : Philippe Adnot, « Le Fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE) : une expérience riche d'enseignements », rapport d'information n° 345 (2003-2004)
Votre rapporteur général approuve la démarche proposée par le ministre de l'écologie et du développement durable d'apprécier l'évolution de ce prélèvement à la lumière de la refonte globale de la politique de l'eau qui sera proposée au Parlement en 2005. Dans ce cadre, la question de la solidarité entre les bassins pourra être abordée dans son ensemble, et le prélèvement de solidarité pour l'eau, replacé dans le contexte de la réforme nécessaire des redevances des agences de l'eau et des liens entre celles-ci et l'Etat.
Dès lors, votre rapporteur général est favorable à la reconduction en 2005 du montant et de la répartition du prélèvement de solidarité pour l'eau fixés pour 2004.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 209 Loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999.
* 210 Sur ce point, se reporter au commentaire de l'article 21 figurant dans le rapport n° 73 (2003-2004), Tome II, fascicule 1, de votre rapporteur général sur le projet de loi de finances pour 2004.
* 211 Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003.
* 212 Cet article dispose que « la mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes par le dernier alinéa de l'article 47 de la Constitution comporte notamment : 2° La réalisation de toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle. Les conclusions de ces enquêtes sont obligatoirement communiquées dans un délai de huit mois après la formulation de la demande à la commission dont elle émane, qui statue sur leur publication ».
* 213 Philippe Adnot, « Le Fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE) : une expérience riche d'enseignements », rapport d'information n° 345 (2003-2004)
* 214 Fonds national de développement des adductions d'eau.