2. Une taxe sur les colonies instituée par Colbert
Dans les colonies, au milieu du XVII ème siècle, l'octroi ne peut s'appliquer dans les mêmes conditions qu'en métropole mais il est possible de retrouver des points communs.
La notion de municipalité ou même de collectivité locale n'existe pas encore : les colonies sont la propriété d'une compagnie, elle-même fondée à partir de capitaux privés.
La compagnie se substitue au roi, par privilège que celui-ci lui a accordé. Outre une capitation 1 ( * ) , les colons doivent payer à la compagnie à compter de 1637 2 ( * ) , un droit de 1 % à l'entrée et à la sortie des marchandises 3 ( * ) .
Colbert qui, dès 1653, insiste auprès de Mazarin sur l'importance des colonies et concevra le premier un système de commerce colonial 4 ( * ) , réorganise les compagnies et partant, les finances des colonies, lesquelles obéissent jusqu'alors à des principes différents d'une colonie à une autre.
En 1670, les autorités (compagnies de commerce ou représentants royaux) perçoivent, sur tous les produits entrant sur les territoires des colonies, un « droit de poids » 5 ( * ) représentant une sorte d'équivalent à l'octroi en vigueur dans les villes de métropole.
Ce droit existera jusqu'à ce que les révolutionnaires de 1789 proclament la liberté des colonies et celle du commerce.
3. La naissance « institutionnelle » de l'octroi de mer
C'est en 1819 que commence l'histoire institutionnelle de l'octroi de mer.
Réintroduisant une taxe sur les marchandises entrant dans les colonies, une ordonnance coloniale du 1 er mars 1819 fait émerger la notion d'« octroi aux portes de mer » qui va constituer une recette ordinaire dans les budgets des communes de la Martinique.
Une ordonnance du 24 décembre 1825 étend ce même type de recette ordinaire à la Guadeloupe. L'octroi perçu dans les quatre ports 6 ( * ) de la Guadeloupe y demeura jusqu'à ce qu'un décret colonial du 20 septembre 1837 décide de le répartir sur l'ensemble des communes de la Guadeloupe, au prorata du nombre d'habitants.
La Réunion connaîtra l'application de ce droit en 1850 et la Guyane en 1878.
Le senatus-consulte du 4 juillet 1866 officialise cet impôt de consommation sur les produits arrivant de la mer en le qualifiant pour la première fois d'« octroi de mer ».
4. Une compétence des collectivités locales
Dans le souci de laisser aux colonies le soin de s'administrer elles-mêmes, le senatus-consulte du 4 juillet 1866 transfère au conseil général de chacune d'entre elles des compétences auparavant exercées par les gouverneurs et notamment le vote des tarifs d'octroi de mer sur les objets de toute provenance, étant entendu que les règles d'assiette, de perception et de répartition restent de la compétence du pouvoir central 7 ( * ) .
La loi du 11 janvier 1892 met fin aux compétences du conseil général en matière de droits de douane et encadre davantage l'octroi de mer, censé constituer une recette et non jouer un rôle économique. Les tarifs d'octroi ne deviennent exécutoires qu'après approbation par décret 8 ( * ) du pouvoir central. Par ailleurs, les produits locaux se voient frappés de l'octroi de mer. Cependant, le désaccord des élus locaux, qui ne désirent pas imposer les productions locales, rend difficile l'application de cette dernière mesure, qui sera abandonnée en 1957.
* 1 Impôt auquel sont assujetties toutes les familles à l'exception des plus pauvres : c'est la forme primitive de « l'impôt de classe ».
* 2 Les Antilles (Guadeloupe et Martinique) sont colonisées en 1635, Saint-Domingue en 1665.
* 3 Voir à ce propos Armand Nicolas, « Histoire de la Martinique », Paris l'Harmattan, 1996.
* 4 Afin de faciliter l'application de ce système, Colbert fusionne administrativement les affaires maritimes et les affaires coloniales.
* 5 Ce terme est lié à celui de « poids-le-roi », droit levé par le roi sur les marchandises vendues au poids quand elles entraient dans les ports ou dans les villes.
* 6 Les ports de Pointe-à-Pitre, Basse-Terre, le Moule et Grand-Bourg de Marie-Galante.
* 7 Ce texte transfère aussi aux conseils généraux le vote des tarifs de douane sur les produits étrangers naturels ou fabriqués, importés dans la colonie.
* 8 Dispositions codifiées par la loi de finances de 1918 et qui subsistèrent jusqu'en 1946.