Rapport n° 350 (2003-2004) de M. Philippe ARNAUD , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 16 juin 2004

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N° 350

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 juin 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la proposition de loi de M. François MARC et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, relative aux modalités de calcul de la participation pour voirie et réseaux (PVR) ,

Par M. Philippe ARNAUD

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine, président ; MM. Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Bernard Piras, Mme Odette Terrade, M. Francis Grignon, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Gérard Cornu, Jean-Marc Pastor, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard Claudel, Marcel-Pierre Cléach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Détraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, René Monory, Jacques Moulinier, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Henri de Richemont, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Voir le numéro :

Sénat : 311 (2003-2004)

Urbanisme.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le droit de l'urbanisme a conçu trois instruments pour financer les réseaux d'eau, d'électricité, de téléphone et d'assainissement qui alimentent les constructions, et les voiries qui les desservent. Le régime des participations négociées dans les zones d'aménagement concerté (ZAC), est le plus ancien, et permet aux collectivités publiques d'intervenir à l'intérieur d'une zone pour réaliser ou faire réaliser l'aménagement et l'équipement des terrains. La participation au financement des programmes d'aménagement d'ensemble (PAE) permet quant à elle aux communes de délimiter, sur leur territoire, des secteurs à aménager dans lesquels elles peuvent imposer aux constructeurs une participation destinée à couvrir les dépenses d'équipement. Alors que ces deux participations sont destinées aux plus grandes opérations , la participation pour voirie et réseaux s'adresse aux petites communes ou aux opérations isolées . Son régime a été longtemps imprécis, de sorte que les communes pouvaient, de bonne foi, mais en toute illégalité, requérir le versement de participations qu'elles n'avaient, en droit, pas compétence pour établir.

C'est pour mettre un terme à cette situation que le législateur a conçu, en 2000, la participation pour voies nouvelles et réseaux (PNVR), modifiée en 2003 pour devenir participation pour voirie et réseaux (PVR). Cette participation constitue un enjeu majeur pour les communes, notamment les communes rurales, puisqu'il s'agit de déterminer les modalités et la répartition du financement des équipements publics indispensables au développement de ces collectivités. Après des années de péripéties juridiques, prenant en compte les difficultés nées de la précédente législation, la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 dite « Urbanisme et Habitat » a instauré un régime destiné à permettre aux petites communes rurales -pour lesquelles la procédure de zone d'aménagement concertée ou de programme d'aménagement d'ensemble n'est pas adaptée-, de faire participer les propriétaires qui construisent au financement des équipements qui desservent leurs bâtiments.

Moins d'un an après la promulgation de cette loi, la proposition de loi n° 311 qui vous est soumise, déposée par M. François Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée , vise à modifier le régime de la PVR , en excluant de son calcul les terrains déclarés inconstructibles par les documents locaux d'urbanisme . On rappellera que les propriétaires de ces espaces inconstructibles ne sont pas redevables du paiement de la PVR , mais que leurs terrains sont inclus dans le calcul de la participation. C'est cette dernière inclusion, et seulement elle, que le texte examiné propose de supprimer, ce qui n'irait pas sans inconvénients pour les collectivités territoriales. Votre commission aborde ce texte sans a priori, mais ne peut taire ses réserves, suscitées tant par le fond du dispositif que par la démarche adoptée.

Le présent rapport exposera tout d'abord l'histoire, mouvementée, de la PVNR, avant de vous présenter le régime de la PVR tel qu'issu de la loi « Urbanisme et Habitat ». Après avoir décrit le dispositif de la proposition de loi, il indiquera les principales observations que semble appeler ce texte, qui apparaît à tout le moins prématuré, et non exempt de risques pour les collectivités territoriales.

Votre commission vous propose, en conséquence, de ne pas adopter la proposition de loi n° 311.

I. MÉSAVENTURES ET PÉRIPÉTIES D'UN DISPOSITIF NON ENCORE ÉVALUÉ

Les communes ont besoin de financer les investissements en voirie et réseaux des constructions dont elles autorisent la réalisation. Elle se heurtent, dans cet exercice, aux difficultés qui s'attachent, d'une part, à définir le montant à recouvrer en fonction de l'étendue des travaux et des constructions desservies, ainsi que, d'autre part, à répartir ce montant entre les différents propriétaires au fur et à mesure de la construction des maisons, lorsque celle-ci n'est pas simultanée.

A. UNE HISTOIRE MOUVEMENTÉE

En voulant mettre fin à des années de pratiques dont la légalité était parfois sujette à caution, la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain dite « loi SRU » a, à son tour, ouvert une grande période d'incertitude juridique, préjudiciable pour le développement et l'équipement des communes rurales.

1. Avant la loi SRU : une pratique sans texte

Le problème du financement des équipement publics a été pendant longtemps réglé par la participation pour le financement des équipements des services publics industriels et commerciaux (SPIC) , instaurée en 1971, qui permettait aux communes d'obtenir une participation pour le financement des extensions des réseaux d'électricité, d'eau potable, d'assainissement et de distribution publique du gaz rendues nécessaires pour l'implantation de nouvelles constructions.

Ce dispositif, abrogé par la loi SRU, soulevait de sérieux problèmes. En effet, la répartition du coût entre les constructeurs était relativement inéquitable, puisque ce système permettait d'exiger une contribution uniquement au titre de la première opération rendant nécessaire soit la création soit l'extension d'un réseau. Le montant de la participation était limité à la fraction du coût de l'équipement qui profitait à l'opération. Le coût des « surdimensionnements » restait à la charge des communes qui ne pouvaient pas, en droit, exiger de contribution des constructions raccordées ultérieurement.

Or les communes ou leurs maîtres d'ouvrages délégués ont bien souvent mis en oeuvre des dispositifs qui élargissaient les obligations de paiement à toutes les opérations de constructions. Ces pratiques, illégales, pouvaient conduire les communes à devoir rembourser des sommes très importantes en cas de saisine du juge administratif. L'accroissement du contentieux relatif à cette procédure et les risques financiers encourus pas les communes ont donc conduit à l'abrogation de la participation pour le financement des équipements des SPIC par la loi SRU.

2. La loi SRU : un texte impraticable

Afin de remédier aux difficultés évoquées ci-dessus, la loi SRU précitée a donc instauré un nouveau régime, la participation pour voies nouvelles et réseaux (PNVR) . Inspirée de la participation des riverains en Alsace-Lorraine, elle visait à permettre au conseil municipal d'instaurer une contribution au financement de la réalisation de voies et réseaux pesant sur les propriétaires souhaitant construire.

L'application de ce dispositif s'est révélée source de difficultés importantes et a abouti à un blocage significatif de l'urbanisation dans certaine communes.

Les dispositions de la loi ont en effet donné lieu à d'importantes divergences d'interprétation. Ainsi, par le jeu des « et » et des « ou » dans l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme, qui disposait que « le conseil municipal peut instituer une participation pour le financement de tout ou partie des voies nouvelles et des réseaux réalisés pour permettre l'implantation de nouvelles constructions » , certaines communes se sont vues interdire cette participation pour la seule création de réseaux nouveaux, lorsque aucune voirie nouvelle n'était créée . La circulaire n° 2001-56 UHC/DU/16 du 27 juillet 2001 relative à la réforme des contributions d'urbanisme issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 a ainsi prévu que « des travaux limités au financement d'extension ou de renforcement des seuls réseaux d'infrastructure n'entrent pas dans le champ de l'application de la participation » . Cette disposition a pénalisé les petites communes en raison des critères cumulatifs de création de la participation : ces communes étaient dans l'impossibilité de solliciter une extension de réseaux si elle n'était pas accompagnée de travaux de création ou d'extension d'une voie nouvelle.

Au surplus, les interprétations divergeaient sur la question de savoir si le terme de « voiries nouvelles et de réseaux » supposait que l'on crée de toute pièce une voie ou des réseaux jusqu'alors inexistants, ou si la participation pouvait être perçue à l'occasion d'une rénovation ou d'une extension seulement. Là encore, des interprétations restrictives ont prévalu. La PNVR est ainsi devenue, contre l'intention du législateur, un instrument de limitation de l'urbanisation dans l'espace rural et de lutte contre le mitage, du fait d'une interprétation restrictive effectuée par les services de l'équipement.

Ces différents écueils ont constitué autant de facteurs de blocage des projets, et ont placé les élus locaux dans une situation d'interrogation et d'incertitude particulièrement sensible dans les petites communes rurales, ainsi qu'en atteste le volume de questions écrites et orales, mais aussi de propositions de loi déposées sur ce sujet. Ces questions mettaient notamment en exergue le blocage des certificats d'urbanisme, et la paralysie de l'urbanisation dans les petites communes rurales. Un sénateur déclarait ainsi, à juste titre, à l'occasion d'une question orale le 15 novembre 2001 : « l'instauration éventuelle par le conseil municipal de la participation pour le financement des voies nouvelles et de leurs réseaux, qui remplace l'ancien système de participation au financement de services publics industriels et commerciaux, n'est pas sans induire des difficultés qui n'ont pas été identifiées au moment de l'élaboration du texte 1 ( * ) »

3. En 2003 : une réinterprétation de la loi SRU par une nouvelle circulaire

Devant l'ampleur de ces difficultés, avant même l'adoption de nouvelles dispositions législatives, une circulaire ministérielle a été publiée en 2003, afin de donner une interprétation de la loi plus conforme aux vraies intentions du législateur. Datée du 21 janvier 2003, elle a ainsi précisé :

- que la participation pouvait être utilisée en vue de l'aménagement de voies existantes et des réseaux associés ;

- que la commune n'était pas tenue d'assurer un préfinancement des travaux programmés, mais pouvait obtenir, avec leur accord, un préfinancement de tout ou partie des propriétaires riverains ;

- que la commune n'était pas tenue d'avoir réalisé l'ensemble des travaux avant la délivrance du premier permis de construire, un échelonnement étant possible suivant le rythme des constructions.

Toutefois, il a fallu une nouvelle loi pour clarifier les termes d'un débat byzantin aux conséquences pratiques importantes.

B. LA PVR : FINANCER LES RÉSEAUX ET GÉRER L'EXPANSION DE L'URBANISME RURAL

La loi « Urbanisme et Habitat » a transformé la « participation pour voies nouvelles et réseaux » (PVNR) issue de la loi SRU en « participation pour voirie et réseaux » (PVR) et en a modifié le régime afin de remédier aux difficultés engendrées par sa mise en oeuvre. Votre rapporteur se félicite que le ministère de l'Equipement ait contribué à une mise en oeuvre rapide de cette loi, notamment grâce à la diffusion du fascicule intitulé « Service après vote », et à la publication d'une nouvelle circulaire d'application le 5 février 2004.

1. Le champ d'application de la PVR : les communes rurales

L'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme modifié par l'article 49 de la loi « Urbanisme et Habitat » prévoit désormais que la participation peut être instituée « pour financer en tout ou partie la construction des voies nouvelles ou l'aménagement des voies existantes ainsi que l'établissement ou l'adaptation des réseaux qui leur sont associés » . Les équipements publics concernés sont uniquement les équipements d'infrastructure rendus nécessaires pour permettre l'implantation de nouvelles constructions. Il est désormais précisé explicitement que la PVR finance des réseaux indépendamment de travaux relatifs à la voirie. Dans ce cas, le montant de la PVR peut être versé directement, avec leur accord, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou syndicats mixtes compétents pour ces réseaux.

La PVR est instaurée en deux phases. Une première délibération du conseil municipal la rend applicable sur le territoire communal. Une délibération spécifique est ensuite prise pour chaque opération. Le conseil municipal doit préciser pour chaque voie les études, les acquisitions foncières et les travaux à prendre en compte pour le calcul de la participation, compte tenu de l'équipement de la voie prévu à terme. La loi énumère les catégories de dépenses pouvant être imputées : études, acquisitions foncières, travaux à réaliser relatifs à la voirie (éclairage public, dispositif d'écoulement des eaux pluviales, éléments nécessaires au passage des réseaux souterrains de communication), réseaux d'eau potable, d'électricité et d'assainissement.

Comme auparavant, la participation n'est pas due pour les voies et réseaux compris dans le programme des équipements publics d'une zone d'aménagement concertée, ou dans un programme d'aménagement d'ensemble.

2. Les modalités de calcul de la PVR

La question de la répartition des charges d'équipement entre propriétaires a donné lieu à une discussion parlementaire approfondie lors de l'examen du projet de loi. La loi prévoit désormais que le conseil municipal répartit la charge entre les propriétaires riverains au prorata de la superficie des terrains bénéficiant de la desserte.

La circulaire n° 2004-5 du 5 février 2004 relative à la mise en oeuvre de la participation pour voirie et réseaux précise la formule de calcul de la PVR : la participation exigible par mètre carré de terrain ne peut excéder le coût des équipements publics à réaliser divisé par la surface totale des terrains « bénéficiant de la desserte ».

Les terrains bénéficiant de la desserte

L'article L. 332-11-1-2° définit les terrains riverains comme ceux qui sont situés à moins de 80 mètres de la voie, tout donnant au conseil municipal la possibilité de modifier cette distance « en fonction des circonstances locales », dans une fourchette de 60 à 100 mètres.

L'article prévoit en outre que peuvent être exonérés de l'assiette de la PVR par le conseil municipal les terrains non constructibles soit pour des raisons physiques (étroitesse dénivellation importante ...), soit du fait de prescriptions ou de servitudes administratives dont l'édiction ne relève pas de la compétence de la commune ou de l'EPCI . A contrario, l'exclusion n'est pas possible lorsque l'inconstructibilité est liée à une servitude fixée par le document local de planification. Peuvent être également exonérés les terrains déjà desservis par les réseaux d'eau et d'électricité lorsque les travaux concernés sont seulement des travaux d'extension ou de création de ces réseaux.

Le recouvrement de la PVR

La participation que paie chaque propriétaire est calculée au prorata de la surface de son terrain. Ce n'est toutefois pas la propriété du sol qui rend exigible la participation, mais la construction d'un bâtiment sur le terrain. Aux termes de la circulaire précitée, la participation est due par les propriétaires lorsqu'ils demandent ou autorisent un tiers à demander une autorisation de construire ou d'aménager ou lorsqu'ils réalisent un remembrement urbain dans le cadre d'une association foncière urbaine autorisée ou constituée d'office.

En revanche, la commune ne peut pas percevoir la PVR des propriétaires des terrains déjà construits ou des propriétaires des terrains qui choisissent de ne pas construire : a fortiori, les propriétaires de terrains classés inconstructibles ne sont pas non plus assujettis au paiement de la PVR . Dans le cas de terrains déjà construits, le droit acquis est limité au terrain correspondant à la construction. En cas de nouvelle autorisation d'urbanisme, la participation sera due. Le conseil municipal peut en outre décider d'exonérer les opérations de construction de logements sociaux.

En conséquence, les sommes correspondantes aux terrains déjà construits ou non constructibles demeurent, à l'exception des cas particuliers mentionnés ci-dessus, à la charge du budget communal.

Enfin, le régime de la PVR permet d'associer les propriétaires riverains à l'urbanisation du quartier, puisqu'ils peuvent, aux termes de l'article L. 332-11-2, conclure avec la commune, avant la délivrance d'un permis de construire, une convention par laquelle ils acceptent de verser la participation. Cette convention fixe le délai de réalisation des équipements et les modalités de règlement de la participation. Si le cocontractant de la commune dépose une demande de permis de construire dans les cinq ans à compter de la signature, les dispositions d'urbanisme qui y sont mentionnées sont intangibles. Des garanties sont apportées au propriétaire : en cas de non réalisation de la voie ou des réseaux dans le délai fixé par la convention, le propriétaire dispose d'un droit à restitution des sommes représentatives du coût des travaux non réalisés. Par ailleurs, la convention est considérée comme créatrice de droits au sens de l'article L. 160-5, 2°, ce qui permettra d'indemniser le propriétaire en cas de non-respect de la convention par la commune.

II. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI : RÉDUIRE LA PARTICIPATION DES COMMUNES AU FINANCEMENT DES ÉQUIPEMENTS PUBLICS

La proposition de loi n° 311 qui vous est soumise, déposée par M. François Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée , relative aux modalités de calcul de la PVR, vise à exclure du calcul de l'assiette les terrains non constructibles du fait des documents d'urbanisme visés à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme (schémas de cohérence territoriale, plans locaux d'urbanisme et cartes communales) et pour lesquels « aucun projet de travaux n'est prévu ».

A l'appui de ce dispositif, l'exposé des motifs mentionne, d'une part, le problème du préfinancement des équipements , qui constituerait une lourde charge pour les communes. Il évoque, d'autre part, les terrains pour lesquels la commune « n'a aucune intention de réaliser des travaux à terme » (terrains de football ou cimetières) et plaide pour que ne soient pris en compte que les « terrains qui bénéficient véritablement du nouvel équipement ».

Les propriétaires de terrains inconstructibles ne sont pas assujettis au paiement de la PVR. Il ne s'agit donc pas ici, et l'exposé de la proposition ne le mentionne d'ailleurs pas, d'exonérer les propriétaires de terrains non constructibles au motif qu'ils ne profiteraient pas des équipements, puisque ils ne sont d'ores et déjà pas assujettis.

En revanche, la différence entre la surface prise en compte pour le calcul de la participation (l'ensemble des « terrains riverains » à l'exception de ceux mentionnés précédemment) et son recouvrement est mise à la charge de la commune : il s'agit donc d'alléger le coût afférent à la construction des équipements publics qui pèse sur le budget communal.

III. LES PRÉCONISATIONS DE VOTRE COMMISSION : APPLIQUER LE DROIT EN VIGUEUR AVANT DE LE MODIFIER

Les vicissitudes qu'a connues le régime de la PVNR doivent inciter à la plus grande prudence quant à une nouvelle modification de la loi. C'est pourquoi votre commission considère quelque peu prématurée et, par certains aspects, contestable, la démarche poursuivie par les auteurs de la proposition de loi, et estime nécessaire de prendre le temps d'évaluer réellement le nouveau régime issu de la loi de 2003 avant de le modifier.

A. UNE PROPOSITION DE LOI PRÉMATURÉE

Comme tel a été exposé précédemment, le régime de la PVR adopté en 2003 constitue l'aboutissement d'un long processus de tâtonnements, d'incertitudes et de blocages : en voulant mettre fin à une situation de grande incertitude juridique pour les communes, la loi SRU » a elle-même rencontré de nombreuses difficultés dans sa mise en oeuvre, relayées avec insistance par votre Assemblée.

Est-il vraiment opportun, dans ces conditions, de modifier, avant la présentation du rapport d'évaluation par le Gouvernement, ce régime ? Les communes en charge de l'application des règles d'urbanisme se trouvent en effet confrontées à un droit extrêmement complexe. Tout comme sa devancière, la PVR suscite auprès des maires -dont beaucoup se félicitent de sa création- des difficultés liées à la compréhension de son régime. Ils sont en effet confrontés à une législation nouvelle, dont les modalités d'application et la doctrine ne leur paraissent aujourd'hui pas toujours claires. Or, comme le soulignait le rapport du Conseil d'Etat en 1991, « le sentiment d'insécurité juridique que peut éprouver aujourd'hui le citoyen ne naît pas seulement de l'accumulation des textes, il naît aussi, à stock normatif constant, de la fréquence des changements 2 ( * ) » .

En outre, les fréquentes modifications du code de l'urbanisme nuisent non seulement à sa clarté mais aussi, in fine, à sa cohérence , lorsque les régimes transitoires se multiplient . Ainsi, le code de l'urbanisme prévoit déjà un régime transitoire pour la participation pour voies nouvelles et réseaux, afin de prendre en compte les délibérations issues de la rédaction de la loi SRU. Modifier ce régime une troisième fois conduirait donc à l'instauration d'un deuxième régime transitoire , et cette matière aurait ainsi donné non moins de quatre régimes en quatre ans.

Il faut enfin rappeler que l'article 58 de la loi « Urbanisme et Habitat » a prévu que le Gouvernement transmettrait au Parlement, un an après sa promulgation, un rapport sur la mise en oeuvre de la participation pour voirie et réseaux. Votre rapporteur souligne à cet égard la nécessité que ce rapport soit effectivement élaboré, et a obtenu des assurances du Gouvernement sur sa présentation d'ici la fin de l'année 2003. Le débat mené à l'occasion de ce rapport permettra alors de faire la lumière sur d'éventuelles difficultés d'application ou améliorations à apporter à la loi.

Votre commission relève enfin que la circulaire d'application, qui constitue un auxiliaire précieux pour les maires qui désirent instituer la PVR, ne date que de février 2004. Disposer de quelques mois pour pouvoir évaluer, concrètement, un dispositif entré en vigueur depuis moins d'un an ne paraît donc pas déraisonnable.

B. UNE PROPOSITION DE RÉFORME PRÉSENTANT DES RISQUES POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Tout en donnant acte aux auteurs de la proposition de loi du souci de favoriser une bonne gestion des finances locales, votre commission tend à considérer, sur le fond, que la proposition qui est formulée risquerait d'engendrer des difficultés plus grandes que celles auxquelles elle vise à remédier . Deux raisons à cette crainte : le problème de son éventuelle incompatibilité avec le principe d'égalité devant les charges publiques et les risques encourus par les communes en cas de modification des documents d'urbanisme.

1. Un risque d'inégalité devant les charges publiques

Le calcul du montant de la participation par mètre carré de terrain dépend de la superficie des terrains concernés : l'exclusion des terrains non constructibles permettrait à la commune, lorsqu'elle arrête la part du coût mise à la charge des propriétaires riverains , de répartir le coût des équipements sur un nombre plus réduit de terrains , ce qui entraînerait une majoration du montant de PVR sur les terrains non exclus . Le montant de la participation augmenterait proportionnellement à la réduction de la superficie des terrains.

Autrement dit, le texte proposé reviendrait à alourdir la charge pesant sur les propriétaires qui construisent aujourd'hui, alors même que les terrains actuellement inconstructibles pourraient devenir constructibles en cas de modification du document d'urbanisme. Si tel était le cas, une commune pourrait ainsi se faire financer par des tiers sa propre desserte de réseaux. Il apparaît qu'une telle disposition serait incompatible avec le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques.

2. La modification des documents locaux d'urbanisme : un destin « naturel »

Si le dispositif issu de la loi SRU retranche déjà de l'assiette les terrains inconstructibles pour des raisons physiques ou en raison de servitudes édictées par d'autres autorités, il se fonde sur des critères objectifs, qui ne sont pas susceptibles d'être modifiés. Ce dispositif évite ainsi à la commune de supporter, sur son budget, le coût correspondant à une « desserte fictive » de terrains réellement et définitivement inconstructibles .

Il en va bien autrement des terrains classés inconstructibles par la commune qui peuvent toujours, à l'occasion d'une révision, être déclarés constructibles. C'est même là le destin « naturel » des documents d'urbanisme, qui s'adaptent à l'évolution du développement de la commune, et renvoient à des orientations de fond pouvant varier à l'occasion d'un renouvellement politique. Le Conseil d'Etat soulignait ainsi dans son rapport de 1992 : « La planification urbaine est un élément important des enjeux politiques à l'échelon communal. (...) La réorientation de la politique de l'aménagement de l'espace à l'occasion de changements de majorité est donc tout à fait admissible si ce n'est souhaitable. Il est en effet irréaliste d'exiger pour la règle locale une permanence qui n'est pas vérifiée à l'échelon national » (p. 85).

Or la notion de « terrains déclarés inconstructibles sur lesquels aucun projet de travaux n'est prévu » de la proposition de loi ne laisse aucune souplesse sur ce plan aux communes, qui se lieraient elles-mêmes les mains : en ne fixant aucun délai, et en ne précisant pas qui constaterait l'absence de travaux, cette disposition aurait pour conséquence une inconstructibilité définitive et absolue des terrains concernés, incompatible avec l'évolution de l'aménagement urbain, dont la nécessité vient d'être rappelée.

A contrario, si la commune rendait constructible, des années après, un terrain exclu du calcul de la PVR, la clé de répartition initiale serait remise en cause, et les premiers constructeurs pourraient engager des actions contre la commune en répétition d'indu. Les taxes et contribution exigées illégalement des constructeurs sont en effet réputées sans cause et sujettes à répétition, le délai de l'action en répétition étant de cinq ans à compter du dernier versement et les sommes à rembourser portant intérêt au taux légal. Les communes seraient donc exposées dans ce cas à un risque juridique et financier majeur.

Dès lors, la notion de « terrains déclarés inconstructibles » de la proposition de loi apparaît à la fois trop large et imprécise, éminemment aléatoire, et vouée à s'appliquer à une réalité mouvante, voire de nature à favoriser des détournements de procédures et des contentieux.

Reste le cas des terrains voués à rester définitivement inconstructibles , évoqués dans l'exposé des motifs de la proposition de loi. Ils posent certes des problèmes particuliers, mais force est de constater qu'il n'apparaissent pas très nombreux. Même le cas d'un terrain de football, cité par les auteurs de la proposition de loi, pourrait, le cas échéant, prêter à discussion, une commune pouvant très bien décider de déplacer son stade.

L'exemple d'un cimetière apparaît plus probant, puisqu'il s'agit effectivement d'un terrain voué à demeurer inconstructible. Cette particularité, liée au caractère irréversible de l'inconstructibilité, appelle sans doute une attention particulière, et pourra utilement être soulevée à l'occasion du rapport d'évaluation afin, le cas échéant, de modifier la loi sur ce point précis.

C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission, tout en estimant éminemment louables les intentions exprimées par les auteurs de cette proposition, craint que le remède proposé par ce texte ne soit, en quelque sorte, pire que le mal.

Sur le fond, la mesure préconisée ferait en effet courir des risques très sérieux aux petites communes, alors même que celles-ci sortent à peine d'une période caractérisée par une incertitude et une instabilité juridique très grande.

S'agissant de la démarche, il paraît nécessaire d'évaluer les effets de la loi votée en 2003 avant de la modifier à nouveau. Votre rapporteur appelle de ses voeux, à l'occasion de la présentation du rapport d'évaluation par le Gouvernement, d'ici la fin de l'année 2003, un débat constructif sur l'application de la PVR, au cours duquel la question de la situation particulière des cimetières pourra opportunément être évoquée.

Dans l'attente de ce rapport, votre commission vous propose de ne pas adopter la proposition de loi n° 311.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 16 juin 2004 sous la présidence de M. Jean-Paul Emorine, président, la commission a examiné, sur le rapport de M. Philippe Arnaud, la proposition de loi n° 311 (2003-2004) de M. François Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, relative aux modalités de calcul de la participation pour voirie et réseaux.

La commission, suivant la proposition de son rapporteur, n'a pas adopté la proposition de loi.

* 1 Question orale sans débat n° 1201S du 15 novembre 2001 posée par M. Jean-Pierre Demerliat.

* 2 Rapport public du Conseil d'Etat, 1991, n° 43, p. 23.

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