C. UNE RÉFORME NÉCESSAIRE
La faiblesse de la participation électorale aux élections des délégués du Conseil supérieur des Français de l'étranger a motivé la création, en son sein, d'une commission temporaire chargée de la réforme dont certaines propositions ont d'ores et déjà été mises en oeuvre.
1. Une participation électorale décevante
Renouvelés par moitié tous les trois ans, les membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger sont répartis en deux séries A et B , dont l'article premier de la loi du 7 juin 1982 exige qu'elles soient d'importance approximativement égale. La série A comprend les circonscriptions d'Amérique et d'Afrique, la série B celles de l'Europe, de l'Asie et du Levant.
Le nombre de circonscriptions électorales et de sièges attribués à chaque circonscription relève du domaine législatif et figure dans un tableau annexé à la loi du 7 juin 1982. Il en existe actuellement quarante-huit, comprenant de un à sept délégués. Un pays peut comporter plusieurs circonscriptions ; à l'inverse, une circonscription peut recouvrir plusieurs pays. Depuis une décision n° 99-187 L du 6 octobre 1999 du Conseil constitutionnel et un décret n° 2000-135 du 16 février 2000, la détermination des chefs-lieux des circonscriptions électorales relève de la compétence du pouvoir réglementaire.
Le mode de scrutin des délégués du Conseil supérieur des Français de l'étranger a été modifié à deux reprises depuis 1982. Désormais, l'élection a lieu à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel, dans les circonscriptions qui élisent au moins trois délégués ; dans les autres circonscriptions, le scrutin majoritaire à un tour s'applique.
Les résultats des dernières consultations électorales pour le renouvellement partiel du Conseil supérieur des Français de l'étranger font apparaître des taux de participation particulièrement faibles : 28,17 %, en 1994, dans les circonscriptions électorales d'Europe, d'Asie et du Levant ; 24,08 %, en 1997, dans celles d'Afrique et d'Amérique ; 18,97 %, en juin 2000, en Europe, Asie et Levant ; 21,82 % en juin 2003 , en Afrique et Amérique.
La faiblesse de la participation électorale, calculée en fonction du nombre des électeurs inscrits, est d'autant plus préoccupante que, selon les estimations du ministère des Affaires étrangères, la moitié seulement des Français établis hors de France serait immatriculée.
Elle résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs : un contexte général de croissance de l'abstention ; la notoriété insuffisante du Conseil supérieur des Français de l'étranger ; l'interdiction de la propagande électorale à l'étranger par l'article 4 de la loi du 7 juin 1982 ; les conditions matérielles du vote, auxquelles le maintien de l'autorisation de voter par correspondance, supprimée en 1975 pour les autres scrutins en raison des risques de fraude, n'apporte qu'une réponse limitée.
L'inscription automatique des immatriculés sur les listes électorales du Conseil supérieur des Français de l'étranger, dans la mesure où elle n'implique pas une prise de conscience des droits civiques qui s'y attachent, n'est également pas étrangère à cette évolution préoccupante.
2. La création, au sein du CSFE, d'une commission temporaire chargée de la réforme
La faiblesse de la participation électorale a conduit à la création, au sein du Conseil supérieur des Français de l'étranger, par un arrêté du 7 septembre 2000 du précédent ministre des Affaires étrangères M. Hubert Védrine, d'une commission temporaire chargée de la réforme , présidée par notre collègue M. Guy Penne et dont le rapporteur était notre collègue M. Robert Del Picchia.
Le mandat de cette commission, d'une durée initiale de deux ans, a été prorogé d'un an par M. Dominique de Villepin, actuel ministre des Affaires étrangères, afin de lui permettre de parvenir à des propositions consensuelles.
Le rapport final , adopté à l' unanimité lors de la réunion du Bureau permanent du Conseil supérieur des Français de l'étranger du 8 février 2003 et remis au ministre lors de la 56 e assemblée plénière organisée au mois de septembre 2003, préconise :
- de changer l'appellation du Conseil supérieur des Français de l'étranger en une « Assemblée des Français de l'étranger » ;
- de créer en son sein une commission permanente de l'Union européenne ;
- de prévoir une nouvelle composition du Bureau permanent (les trois vice-présidents, les présidents, vice-présidents, secrétaires et rapporteurs des commissions permanentes ainsi que les présidents de groupes) et une nouvelle structure de chaque commission (un président, deux vice-présidents, un secrétaire et un rapporteur), sur le modèle de la Conférence des présidents des assemblées parlementaires ;
- de réduire de 20 à 12 le nombre des personnalités désignées , le choix du ministre des Affaires étrangères devant désormais être effectué sur une liste de « fonctions » préalablement arrêtée par l'Assemblée des Français de l'étranger ;
- d' élire au suffrage universel direct le délégué des Français établis dans la principauté d'Andorre , actuellement désigné par le ministre des Affaires étrangères ;
- de réviser la carte électorale , en portant de 150 à 155 le nombre des délégués élus et en modifiant la délimitation des circonscriptions ;
- de porter de deux à quatre le nombre des représentants du Conseil supérieur des Français de l'étranger au Conseil économique et social , afin de leur permettre de créer un groupe spécifique.
Dressant le bilan de ces propositions dans son rapport au nom de la commission temporaire chargée de la réforme du Conseil supérieur des Français de l'étranger, notre collègue M. Robert Del Picchia estime que : « la commission n'est pas allée au bout d'une réflexion souhaitée par un nombre important de membres consultés . Il s'agit de la réforme des structures institutionnelles, comme les institutions politiques : le nombre des sénateurs, une élection régionale des sénateurs des Français de l'étranger, la création de députés des Français de l'étranger, de députés européens, ou bien encore le statut du CSFE : établissement public ou assemblée délibérante 6 ( * ) . »
Il ajoute toutefois que : « si dans un premier temps les différentes propositions de la Commission de la Réforme devaient être prises en compte par le Gouvernement, traduites dans des textes et appliquées, la nouvelle « Assemblée des Français de l'étranger » aurait atteint un palier supplémentaire important dans son accession à la reconnaissance de véritable assemblée d'élus de la collectivité des Français établis hors de France 7 ( * ) . »
3. Des mesures récentes
Plusieurs propositions de réforme ont d'ores et déjà été mises en oeuvre concernant aussi bien l'élection des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger que son fonctionnement.
Lors de la 23 e Conférence internationale des commissaires à la protection des données, le 24 septembre 2001 à Paris, le Président de la République, M. Jacques Chirac, évoquait en ces termes les progrès de la « cyberdémocratie » : « Je souhaite que, dès les prochaines échéances nationales, le vote par Internet puisse être expérimenté pour des milliers de Français expatriés qui, en raison de leur éloignement d'un consulat, sont souvent privés de l'effectivité de leur droit de vote. La vie politique ne peut se satisfaire d'une abstention élevée lors des consultations populaires . Elle ne peut non plus se satisfaire de l'existence d'exclus du suffrage universel. »
Dans cet esprit, à l'initiative de notre collègue M. Robert Del Picchia, de plusieurs de nos collègues représentant les Français établis hors de France et de votre rapporteur, qui présentait ce texte au nom de votre commission des Lois, la loi n° 2003-277 du 28 mars 2003 a autorisé le vote par correspondance électronique pour l'élection des délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger .
Le décret n° 2003-396 du 29 avril 2003 a organisé une expérimentation afin de mettre en oeuvre cette possibilité à l'occasion des élections pour le renouvellement partiel du Conseil supérieur des Français de l'étranger dans les deux circonscriptions électorales des Etats-Unis le 1 er juin 2003 . L'échelle était réduite mais significative puisque le corps électoral comptait 61.056 inscrits répartis dans onze bureaux de vote. Le choix de ces circonscriptions était également motivé par le taux élevé d'équipement informatique et d'accès à Internet aux Etats-Unis.
Le 1 er juin 2003, 60,6 % des votants ont choisi la nouvelle faculté qui leur était proposée. La participation électorale est restée très faible (14,47 % contre 15,10 % en 1997). Toutefois, les délais très brefs dans lesquels le vote par correspondance électronique a été organisé n'ont pas permis de procéder à une information et une sensibilisation préalables des électeurs. A l'avenir, le vote par correspondance électronique devrait permettre d'enrayer la progression de l'abstention .
Sur le fondement de l'article 16 de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, l'ordonnance n° 2003-1165 du 8 décembre 2003 portant simplifications administratives en matière électorale a, d'une part, facilité le vote par procuration , d'autre part, élargi les critères d'inscription des Français résidant à l'étranger sur la liste électorale d'une commune : ils peuvent désormais s'inscrire sur les listes électorales d'une commune dès lors qu'y est inscrit ou y a été inscrit l'un de leurs parents jusqu'au quatrième degré.
Le fonctionnement du Conseil supérieur des Français de l'étranger a été rénové par le décret n° 2003-794 du 25 août 2003 modifiant le décret n° 84-252 du 6 avril 1984 portant statut du Conseil supérieur des Français de l'étranger et fixant les modalités d'élection de ses membres et l'arrêté du 25 août 2003 modifiant l'arrêté du 22 octobre 1993 portant approbation du règlement intérieur du Conseil supérieur des Français de l'étranger et l'arrêté du 29 octobre 1982 portant création des commissions du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Le collège de trois vice-présidents , chargé de seconder le ministre des Affaires étrangères, est désormais élu par les seuls membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger en leur sein , au scrutin de liste et pour une durée de trois ans, et non plus par l'assemblée plénière qui comporte en outre les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France et les membres désignés.
L'assemblée plénière se réunit une fois par an, en septembre. Pendant l'intersession, le Bureau - dénommé « Bureau permanent » jusqu'au décret du 25 août 2003 - assure la continuité des travaux.
Il est désormais constitué, pour une durée de trois ans, du collège des vice-présidents, des présidents, vice-présidents, secrétaires et rapporteurs des commissions permanentes ainsi que des présidents de groupe .
Jusqu'alors, il était composé du président, des trois vice-présidents et de quinze membres élus par l'assemblée plénière.
Les membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger sont désormais répartis au sein de cinq commissions permanentes , contre quatre auparavant :
- la commission des affaires culturelles et de l'enseignement (39 membres),
- la commission des affaires sociales (39 membres),
- la commission des finances et des affaires économiques (39 membres),
- la commission des lois et règlements (39 membres) et, depuis, l'arrêté du 25 août 2003, la commission de l'Union européenne (27 membres).
En outre, des commissions temporaires et des groupes de travail ad hoc peuvent être créés sur des questions particulières. Ainsi, une commission temporaire de la décentralisation a-t-elle été mise en place en septembre 2003, afin de déterminer les conséquences de l'Acte II de la décentralisation sur la situation des Français établis hors de France.
Le secrétariat général du Conseil supérieur des Français de l'étranger demeure assuré par des agents du ministère des Affaires étrangères.
Les dispositions des deux propositions de loi soumises à l'examen de la commission des Lois reprennent les mesures préconisées par la commission temporaire chargée de la réforme du Conseil supérieur des Français de l'étranger relevant du domaine législatif.
* 6 Rapport de M. Robert Del Picchia au nom de la commission temporaire chargée de la réforme du Conseil supérieur des Français de l'étranger présidée par M. Guy Penne, septembre 2003, page 5.
* 7 Idem, page 7.