EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Dispersés sur les cinq continents, les deux millions de Français résidant à l'étranger n'en demeurent pas moins des citoyens à part entière dont les préoccupations méritent d'être prises en compte, tout particulièrement au moment où l'Etat s'apprête à transférer d'importantes compétences aux collectivités territoriales dans le cadre de l'Acte II de la décentralisation.

Ils sont représentés, à cette fin, au Parlement par douze sénateurs et dans leur circonscription consulaire par cent cinquante délégués élus au suffrage universel direct. Ces délégués forment le collège électoral des douze sénateurs représentant les Français établis hors de France et siègent, avec eux et vingt personnalités qualifiées, au Conseil supérieur des Français de l'étranger. La légitimité de cette représentation souffre toutefois de l'importance croissante de l'abstention électorale.

Aussi le Conseil supérieur des Français de l'étranger a-t-il pris l'initiative, en 2000, de créer en son sein une commission temporaire chargée de la réforme afin de se doter des moyens de jouer pleinement son rôle de représentant de nos concitoyens expatriés et d'enrayer la chute de la participation électorale. Cette commission est parvenue à élaborer des propositions consensuelles qui ont été présentées par nos collègues MM. Guy Penne, président, et Robert Del Picchia, rapporteur, lors de la 56 e assemblée plénière du conseil, le 5 septembre 2003.

Les propositions de loi identiques n° 128 rectifié et n° 208, cosignées par onze des douze sénateurs représentant les Français établis hors de France et par l'ensemble des membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, ont pour objet de mettre en oeuvre les mesures préconisées par cette commission qui relèvent du domaine de la loi.

Le Conseil supérieur des Français de l'étranger serait transformé en une Assemblée des Français de l'étranger, ses attributions restant toutefois inchangées. Le nombre des personnalités qualifiées qui y siègent serait diminué, leurs prérogatives amoindries et les modalités de leur désignation encadrées. Enfin, le nombre des délégués élus serait augmenté et la délimitation des circonscriptions électorales actualisée.

Après avoir rappelé le rôle essentiel que joue le Conseil supérieur des Français de l'étranger dans la défense des intérêts de nos concitoyens expatriés, votre rapporteur s'attachera à présenter les dispositions des deux propositions de loi et les conclusions de votre commission des Lois.

I. LE CONSEIL SUPÉRIEUR DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER : UN ORGANISME EN QUÊTE D'UN NOUVEAU SOUFFLE

Le Conseil supérieur des Français de l'étranger joue, depuis plus d'un demi-siècle, un rôle reconnu dans le fonctionnement des pouvoirs publics. Rares sont les autres Etats à avoir mis en place des structures comparables pour assurer la représentation de leurs citoyens expatriés. Toutefois, la diminution régulière de la participation électorale témoigne de la nécessité de réformer cet organisme.

A. UN RÔLE RECONNU

Le Conseil supérieur des Français de l'étranger est un organisme ancien qui bénéficie d'une composition diversifiée et remplit une double mission consultative et électorale.

1. Une existence ancienne

Le Conseil supérieur des Français de l'étranger a été institué sous la IV e République , par un décret n° 48-1090 du 7 juillet 1948, afin de « fournir des avis sur les questions et projets intéressant les Français domiciliés à l'étranger ou l'expansion française » soumis à son examen par le ministre des Affaires étrangères.

Il a été progressivement conforté sous la V e République :

- la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 a instauré l'élection au suffrage universel direct de ses délégués ;

- la loi n° 90-384 du 10 mai 1990 l'a qualifié d' assemblée représentative des Français de l'étranger ;

- l'article 77 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a ouvert un droit à formation au bénéfice de ses membres ;

- la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a consacré l'existence d' instances représentatives des Français établis hors de France en faisant obligation au Gouvernement, à l'article 39 de la Constitution , de déposer en premier lieu sur le bureau du Sénat les projets de loi qui les concernent.

2. Une composition diversifiée

Présidé de droit par le ministre des Affaires étrangères , le Conseil supérieur des Français de l'étranger est actuellement composé de 183 membres :

- cent cinquante délégués élus au suffrage universel direct pour six ans et renouvelés par moitié tous les trois ans par les Français établis hors de France inscrits sur une liste électorale spécifique tenue dans les consulats et sections consulaires des ambassades ;

- douze sénateurs représentant les Français établis hors de France qui, en application de la loi organique n° 2003-696 du 30 juillet 2003 portant réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat, seront désormais élus pour six ans et renouvelés par moitié tous les trois ans par les cent cinquante membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger 1 ( * ) ;

- vingt personnalités désignées pour six ans par le ministre des Affaires étrangères , « en raison de leurs compétences dans les questions concernant les intérêts généraux de la France à l'étranger », et renouvelables par moitié tous les trois ans ;

- un représentant des Français établis dans la principauté d'Andorre , également désigné par le ministre des Affaires étrangères pour six ans.

3. Une double mission consultative et électorale

Comme le soulignait notre collègue Charles de Cuttoli dans son rapport au nom de votre commission des Lois sur une proposition de loi relative aux conditions d'exercice du mandat des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger qui ne fut jamais inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale : « il n'est plus possible d'affirmer que, sauf en matière d'élections des sénateurs, le Conseil supérieur des Français de l'étranger n'est qu'un organe consultatif de l'administration parmi tant d'autres 2 ( * ) ».

Ce rôle consultatif est, sans conteste, important. Le Conseil supérieur des Français de l'étranger est ainsi chargé, aux termes de l'article premier de la loi du 7 juin 1982, « de donner au Gouvernement des avis sur les questions et projets intéressant les Français établis hors de France et le développement de la présence française à l'étranger ». Il peut, de sa propre initiative, adopter des avis, des voeux et des motions. Ses attributions comme celles de ses membres sont toutefois bien plus étendues .

Le Conseil supérieur des Français de l'étranger est ainsi représenté au Conseil économique et social ainsi que dans les divers organismes publics intéressant les Français établis hors de France : la Caisse des Français de l'étranger, l'Agence française pour l'enseignement à l'étranger, la Commission nationale des bourses scolaires, la Commission permanente pour l'emploi et la formation professionnelle des Français de l'étranger, le Conseil national de l'aide juridique, le Conseil départemental de l'accès aux droits de Paris, le Conseil pour la protection sociale des Français de l'étranger et l'Association nationale des écoles françaises à l'étranger.

Ses 150 membres élus forment le collège électoral des douze sénateurs représentant les Français établis hors de France et peuvent parrainer un candidat à l'élection du président de la République - ils sont alors réputés, avec les sénateurs, être les élus d'un même département 3 ( * ) .

En contact permanent avec les autorités françaises accréditées dans leur pays de résidence, ils jouent un rôle essentiel sur le terrain .

Ils sont membres de droit des organismes consulaires compétents en matière d'emploi et de formation professionnelle, de protection et d'action sociale, d'attribution des bourses scolaires. Ils siègent dans les commissions locales instituées en application de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 afin de donner un avis sur les demandes présentées par les personnes démunies de ressources de prise en charge des cotisations sociales par le budget de l'action sanitaire et sociale de la Caisse des Français de l'étranger.

Ils désignent deux représentants dans chaque commission administrative siégeant dans les centres de vote institués pour l'élection présidentielle et les référendums ainsi que pour les élections au Conseil supérieur des Français de l'étranger.

Enfin, ils peuvent être consultés par les chefs des postes diplomatiques et consulaires sur toutes les questions générales intéressant les ressortissants français de leur circonscription et participent aux commissions et comités divers chargés de les assister, que ces organismes relèvent de la simple tradition caritative ou bien que leur existence soit consacrée par un texte réglementaire.

La France est ainsi l'un des pays qui assure la représentation institutionnelle la plus complète de ses citoyens expatriés.

* 1 M. Christian Poncelet, président du Sénat, a indiqué lors de la séance publique du 1 er octobre 2003 que le tirage au sort pour la répartition entre les séries 1 et 2 des quatre sièges de sénateurs représentant les Français établis hors de France appartenant à la série C aurait lieu à l'issue du renouvellement sénatorial de 2004.

* 2 Rapport n° 283 (Sénat, 1991-1992) de M. Charles de Cuttoli au nom de la commission des Lois du Sénat, page 22.

* 3 Article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel.

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