B. LA RÉFORME DE LA GARANTIE DE RESSOURCES : POUR UN SYSTÈME PLUS RESPECTUEUX DE LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE
1. La garantie de ressources des travailleurs handicapés : un mécanisme qui avait atteint ses limites
Le mécanisme de la garantie de ressources des travailleurs handicapés (GRTH), mis en place dès la loi d'orientation du 30 juin 1975, répondait à un double objectif : assurer aux personnes handicapées des revenus décents tirés de leur travail, et ce malgré un rendement plus faible que les autres travailleurs, et inciter autant que possible ceux-ci, par la mise en place d'une hiérarchie des revenus entre les différents milieux de travail, à évoluer du milieu le plus protégé (le CAT) vers le milieu ordinaire de travail.
Plus de vingt-cinq ans après sa création, il est patent que la garantie de ressources est loin d'avoir tenu ses promesses .
L'objectif de revenu garanti n'est atteint, dans la plupart des cas, que grâce à un cumul avec l'AAH : le niveau des ressources aujourd'hui garantie au moyen de la seule GRTH demeure modeste en milieu protégé. Il se situe entre 55 et 65 % du SMIC en CAT et entre 90 et 100 % du SMIC en ateliers protégés, alors même que les plafonds de cumul entre la rémunération directe et le complément versé par l'État devraient, en théorie, permettre de le porter jusqu'à respectivement 110 % et 130 % du SMIC.
Ressources d'un travailleur en CAT célibataire, après cumul entre GRTH et AAH
Ressources d'un travailleur de CAT marié (hypothèse d'un conjoint sans ressources), après cumul entre GRTH et AAH
Comme le souligne le rapport d'évaluation de l'IGAS de mai 2003 8 ( * ) , « l'intention du législateur de 1975 semblait être de garantir au moins 70 % du SMIC en CAT, en contrepartie de quoi le cumul avec l'AAH n'était pas possible. Cependant, faute de l'avoir formellement exclu, et faute d'avoir mis en place une garantie de ressources atteignant effectivement 70 % du SMIC, le cumul s'est largement développé : il concerne aujourd'hui plus des trois-quarts des travailleurs handicapés en CAT et environ 15 % en ateliers protégés . »
Enfin, même s'il est illusoire de penser que toutes les personnes handicapées sont concernées au même titre par cet objectif, il n'en reste pas moins que les modalités du cumul entre AAH et GRTH atténuent sensiblement la hiérarchisation des ressources selon le rendement productif et le milieu de travail. Ainsi, l'objectif de garantie de ressources minimales a été privilégié par rapport à l'autre objectif assigné à la GRTH, celui de favoriser la progression professionnelle.
2. Aider l'employeur au lieu de compenser à la personne sa moindre productivité : un progrès indéniable
Pour répondre à ces critiques, le projet de loi réforme profondément le système de la garantie de ressources, en remplaçant le mécanisme de complément de rémunération, invididualisé en fonction du salaire direct versé par l'employeur ou par le gestionnaire de CAT et du temps de travail effectif et versé à la personne, par un système simplifié d'aide au poste.
Dans ce cadre, la rémunération des travailleurs handicapés ne pourra plus être inférieure au SMIC en entreprise adaptée, comme en entreprise ordinaire. En échange de cette contrainte de rémunération au SMIC, les entreprises ordinaires pourront demander une aide de l'AGEFIPH, qui remplacera donc l'abattement de salaire et les entreprises adaptées auront droit à une aide forfaitaire au poste, dans la limite d'un contingent fixé annuellement avec le préfet de région. Pour donner davantage de souplesse à ce système d'aide au poste, votre commission vous proposera de prévoir la possibilité d'une modulation infra annuelle de ce contingent , afin que celui-ci puisse s'adapter aux variations d'activité de l'entreprise.
Pour les CAT, le projet de loi prévoit également de remplacer la garantie de ressources actuelle par un système d'aide au poste, incontestablement plus respectueux de la dignité de la personne : celle-ci ne percevra plus un salaire direct réduit, puis complété par un complément de ressources faiblement incitatif, mais une rémunération garantie globale versée par le CAT. Plus encore, la rémunération garantie sera fixée de telle sorte que, grâce à une aide au poste réévaluée, les personnes accueillies ne seront plus obligées de demander une AAH différentielle pour parvenir à un revenu décent. Au total, la rémunération ainsi garantie pourra atteindre de 90 à 110 % du SMIC, au lieu de 55 à 75 %.
Un système complexe d'assiette forfaitaire de cotisations sociales est en outre prévu pour éviter que l'augmentation de la rémunération garantie ne se traduise paradoxalement par un recul des sommes nettes perçues par les personnes handicapées. Votre commission vous proposera d'ailleurs de l'améliorer pour préserver les droits des personnes handicapées qui cotisent aujourd'hui sur une assiette supérieure à celle qui sera fixée .
* 8 Rapport d'évaluation du dispositif de la garantie de ressources des travailleurs handicapés, rapport conjoint IGF - IGAS, mai 2003.