Section 4
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Entreprises adaptées et travail
protégé
Article 19
(art. L. 131-2, L. 323-4, L. 323-8, L. 323-30
à L. 323-32, L. 323-34,
L. 412-5, L. 421-1,
L. 431-2 et L. 443-3-1 du code du travail)
Transformation des
ateliers protégés en entreprises adaptées
Objet : Cet article consacre la place particulière mais entière des ateliers protégés, désormais dénommés « entreprises adaptées », au sein du milieu ordinaire de travail.
I - Le dispositif proposé
Les ateliers protégés ont été conçus, dès l'origine, comme devant être de réelles unités de production relevant d'une logique d'entreprise et non des institutions médico-sociales. Leur activité s'inscrit ainsi pleinement dans l'économie de marché, à la différence des centres d'aide par le travail (CAT) qui, bien qu'ils commercialisent une partie de leur production, sont des institutions médico-sociales.
Le présent article vise à conforter la voie médiane que constituent les ateliers protégés entre travail protégé et travail en entreprise ordinaire et à accompagner le mouvement de modernisation engagé depuis plusieurs années par ces derniers, afin de s'approcher le plus possible du fonctionnement de l'entreprise ordinaire. Le paragraphe I consacre cette évolution positive par l'abandon de l'appellation d' « ateliers protégés » et une dénomination nouvelle d' « entreprises adaptées ».
Le paragraphe III clarifie la situation des personnes handicapées au regard de leur insertion, en distinguant désormais deux secteurs et non trois : le milieu ordinaire, comprenant les entreprises adaptées et les entreprises ordinaires, et le travail protégé qui ne comprend plus que les centres d'aide par le travail. De ce fait, les orientations préconisées par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ne distingueront plus que deux secteurs, milieu ordinaire et travail protégé.
L'orientation vers une entreprise adaptée ne sera plus le fait d'une commission, mais le résultat de l'intervention des organismes de placement spécialisés, qui participent au dispositif d'insertion professionnelle des travailleurs handicapés et qui contribueront au placement de la personne handicapées en entreprise adaptée ou en entreprise normale en tenant compte de ses possibilités et de sa capacité d'adaptation aux emplois.
Dans la même logique de clarification du domaine de l'entreprise et de celui du travail protégé, le paragraphe II supprime les emplois protégés en milieu ordinaire (EPMO) : ces emplois, situés au sein d'entreprises ordinaires ouvraient droit à un abattement de salaire majoré allant de 21 % à 50 %. Mais la liste de ces emplois qui devait être tenue à jour par les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, est aujourd'hui largement obsolète. Il ne reste plus que 5.600 bénéficiaires de ces EPMO, majoritairement employés dans les petites entreprises artisanales et les exploitations agricoles.
Le paragraphe IV crée le nouveau statut des entreprises adaptées. Comme les ateliers protégés, celles-ci peuvent être créées par toute collectivité ou tout organisme public ou privé, notamment par une entreprise mais, contrairement à leurs prédécesseurs, les entreprises adaptées auront l'obligation de se constituer en personne morale distincte de celle qui a présidé à leur création. Cette obligation a pour objectif de renforcer la responsabilité juridique et l'autonomie des entreprises adaptées, ainsi que la lisibilité de leurs comptes.
Actuellement, en dehors des ateliers protégés constitués en SA, SARL, EURL, la grande majorité de ces structures sont gérées par des associations régies par la loi de 1901 qui sont propriétaires du patrimoine mobilier et immobilier. Les ateliers protégés sont dans ce cas, des établissements de l'association. En cas de sinistre, ce n'est donc par l'entreprise elle-même mais l'association gestionnaire qui est responsable et en assume les conséquences. L'obligation prévue par le présent article vise donc à responsabiliser les entreprises adaptées en les rendant à part entière responsables de leurs actifs.
La procédure d'agrément des anciens ateliers protégés est remplacée par la signature d'un contrat triennal d'objectifs avec le préfet de région : cette évolution, qui aligne de fait le régime des entreprises adaptées sur celui des entreprises d'insertion, vise à améliorer le contrôle de l'État sur les entreprises qui utilisent le label d'« entreprise adaptée » : au lieu de se voir ouvrir un droit à un financement par l'État du seul fait de leur agrément, les entreprises adaptées devront faire la preuve de la qualité de leur travail pour voir leur contrat renouvelé.
Ce contrat triennal d'objectifs est complété par un avenant financier annuel qui prévoit notamment un contingent d'aide au poste . L'aide au poste reste néanmoins due pour tout travailleur handicapé embauché par l'entreprise adaptée. A la différence de la garantie de ressources actuelle, le montant de l'aide au poste sera forfaitaire et non plus calculé individuellement, en fonction du temps de travail et du « salaire direct » versé par l'atelier.
Le paragraphe V tire la conséquence du classement des entreprises adaptées dans le milieu ordinaire de travail :
- la détermination du salaire de la personne handicapée ne fera plus référence à son rendement : comme pour l'ensemble des autres salariés, celui-ci sera déterminé par la seule application des grilles de salaire applicables dans la branche d'activité de l'entreprise adaptée, en fonction de l'emploi qu'il occupe et de sa qualification. En tout état de cause, ce salaire ne pourra plus être inférieur au SMIC ;
- il est mis fin au régime particulier des primes et accessoires de salaire pour les travailleurs handicapés en entreprise adaptées : ceux-ci se verront appliquer le régime de droit commun de l'ensemble des autres salariés et les primes versées ne viendront plus en déduction d'un quelconque complément de rémunération versé par l'État .
Enfin, le paragraphe VI adapte la définition donnée par le code du travail, dans son article L. 443-3-1, de l'entreprise solidaire : compte tenu de la suppression du classement des travailleurs handicapés en différentes catégories en fonction de la gravité du handicap et de l'assimilation des entreprises au travail en milieu ordinaire, l'entreprise solidaire sera désormais celle qui comptera parmi ses salariés au moins un tiers de personnes handicapées orientées en CAT par la commission des droits et de l'autonomie.
II - La position de votre commission
Votre commission se félicite de la reconnaissance de la place, spécifique mais à part entière, des entreprises adaptées au sein du marché du travail, qu'elle avait d'ailleurs proposée dans sa proposition de loi précitée.
Elle tient toutefois à soulever un paradoxe dans la manière dont le présent article envisage les relations entre les entreprises adaptées et l'État : l'entreprise continue à avoir droit à une aide au poste, certes désormais forfaitaire, pour chaque travailleur handicapé qu'elle emploie, mais dans le même temps, le volume total d'aide au poste qu'elle perçoit est plafonné par un contingent annuel : cela suppose donc, à un moment donné, un plafonnement des possibilités d'embauche de l'entreprise adaptée.
Si votre commission reconnaît la nécessité pour l'État de mieux maîtriser la dépense d'aide au poste en faveur des entreprises adaptées, l'entreprise adaptée reste une entreprise qui doit pouvoir être réactive face aux évolutions du marché. Or, elle est tenue d'embaucher des travailleurs handicapés dans une proportion de 70 % de ses effectifs. Un plafonnement strict des aides aux postes revient donc, de fait, à interdire toute possibilité d'embauche pour l'entreprise adaptée.
La fixation, en début d'année, du contingent d'aides au poste doit donc être suffisamment souple pour tenir compte de ces aléas du marché . Dans le cadre de la convention passée entre l'entreprise adaptée et le préfet de région, un surcroît d'aide au poste doit pouvoir être accordé en cas d'accroissement de l'activité de l'entreprise, de même que cette dotation doit pouvoir être revue à la baisse lorsque l'entreprise est conduite à réduire ses effectifs. Votre commission vous propose donc d' amender le dispositif dans ce sens .
Par ailleurs, votre commission a souhaité compléter le mécanisme de passerelle entre les différents milieux de travail ébauché par le projet de loi, à l'article 20, en ce qui concerne le passage du CAT au milieu ordinaire de travail. Elle vous propose donc, par analogie, d'assurer une priorité de réembauche pour les travailleurs handicapés qui tenteraient une insertion dans l'entreprise ordinaire : ce facteur de sécurité est un élément souvent déterminant pour donner confiance à la personne et encourager les « sorties vers le haut » de l'entreprise adaptée.
Il ne faut pas exclure non plus, compte tenu notamment du vieillissement de la population handicapée, la survenance de cas de retour de l'entreprise adaptée vers le CAT. Dans la mesure où les travailleurs employés en entreprise adaptée sont titulaires de contrats de travail, la décision de réorientation prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées se traduit nécessairement par une rupture de la relation contractuelle de travail. Pour éviter des contentieux sur la nature de cette rupture, votre commission souhaite préciser qu'elle n'est imputable ni à l'employeur ni au salarié : celui-ci pourra donc bénéficier de ses droits à l'assurance chômage, tandis que celui-là ne sera pas tenu au versement d'une indemnité de licenciement.
Sous réserve de quatre autres amendements , les deux premiers rédactionnels et les deux derniers de coordination, votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 20
(art. L. 311-4, L. 344-2 et L. 344-2-1 à
L. 344-2-5
du code de l'action sociale et des familles)
Statut et
droits des personnes handicapées accueillies en CAT
Objet : Cet article vise à préciser le statut et les droits des personnes handicapées accueillies en centres d'aide par le travail (CAT).
I - Le dispositif proposé
Aux termes de l'article L. 344-2 du code de l'action sociale et des familles, les centres d'aide par le travail (CAT) sont des établissements médico-sociaux offrant des activités productives et un soutien médico-social à des adultes handicapés dont la capacité de travail est inférieure à un tiers de celle d'un travailleur valide.
Ces structures ont pour vocation de favoriser l'intégration sociale des personnes qu'elles accueillent grâce à un outil privilégié, le travail, mais aussi à travers un soutien médico-social renforcé. La dualité des moyens employés par le CAT pour remplir sa vocation se traduit par l'existence de deux budgets : un budget principal d'activité sociale et un budget annexe de production et de commercialisation. Ainsi, les CAT ne sont pas des entreprises mais des établissements médico-sociaux relevant des dispositions du code de l'action sociale et des familles.
Par voie de conséquence, le statut des personnes handicapées qui travaillent en CAT repose sur des règles spécifiques, tirées du code de l'action sociale et des familles et, pour partie, mais seulement lorsque la réglementation propre à ces centres le prévoit expressément, sur des dispositions du code du travail (hygiène, sécurité et médecine du travail). Les personnes handicapées qui travaillent en CAT n'ont donc pas le statut de salarié.
Le présent article vise à conforter la vocation médico-sociale des CAT, tout en soulignant la place originale qu'ils occupent, du fait de l'importance accordée aux activités à caractère professionnel, parmi ces établissements médico-sociaux.
Le paragraphe I prévoit de donner une forme particulière au contrat de séjour, exigé depuis la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale pour l'ensemble des personnes accueillies dans un établissement médico-social : le contrat de séjour prendra donc la forme d'un « contrat de soutien et d'aide par le travail » , dont les clauses devront être conformes à un contrat type établi par décret.
Le paragraphe II modifie la définition des personnes pouvant être orientées en CAT par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, pour tenir compte, notamment de l'assimilation des entreprises adaptées au milieu ordinaire de travail. Cette définition est une définition par défaut puisqu'elle vise les personnes qui ne peuvent, même momentanément ou à temps partiel, travailler en entreprise ordinaire ou adaptée ni exercer une activité indépendante.
Le paragraphe III vise à faire bénéficier les personnes handicapées accueillies en CAT de droits inspirés de ceux réservés aux salariés en créant des dispositions relatives à la formation professionnelle et à la validation des acquis de l'expérience, aux congés et à certaines prestations parentales . Les charges résultant pour les CAT de leurs nouvelles obligations au titre de la formation professionnelle et du droit à congé entrant dans le champ des « charges de fonctionnement de l'activité sociale de l'établissement, et notamment les charges entraînées par le soutien éducatif et médico-social de la personne handicapée dans son activité de caractère professionnel 24 ( * ) » , celles-ci sont à la charge de l'aide sociale de l'État .
Il clarifie ensuite les conditions de la mise à disposition des personnes handicapées accueillies en CAT auprès d'une entreprise « ordinaire » : prévoir explicitement cette possibilité de mise à disposition était en effet nécessaire pour éviter sa requalification en prêt illégal de main d'oeuvre pour le CAT et la transformation d'office de la convention de mise à disposition en contrat à durée indéterminée.
Il met enfin en place un dispositif « passerelle » plus ambitieux encore que la mise à disposition : celui-ci devrait permettre à une personne handicapée accueillie en CAT de signer un contrat à durée déterminée (CDD), un contrat emploi-solidarité (CES) ou un contrat initiative-emploi (CIE) avec un employeur du milieu ordinaire de travail et de bénéficier, à l'initiative du CAT, d'une convention d'appui pour accompagner la transition entre le milieu protégé et le milieu ordinaire . Cette convention d'appui précisera l'aide apportée par le CAT à la personne handicapée et à l'entreprise qui l'accueille pendant la durée du contrat.
En cas d'échec de l'intégration, que le contrat ait été rompu avant son terme, ou que la personne ne soit pas définitivement recrutée par l'entreprise à son issue, la personne handicapée bénéficiera d'un droit au retour en CAT . Les modalités de cette réintégration seront fixées par la convention d'appui entre le CAT et l'employeur.
II - La position de votre commission
Votre commission se félicite de l'équilibre trouvé par cet article entre la réaffirmation de la vocation médico-sociale des CAT et la reconnaissance de droits nouveaux pour les personnes handicapées accueillies dans ces établissements, ainsi que de la mise en oeuvre de mécanismes innovants visant à favoriser l'évolution des personnes handicapées qui le peuvent vers un milieu de travail moins protégé.
Elle observe toutefois que les actions de formation entreprises aujourd'hui par les gestionnaires de CAT se heurtent souvent au problème de la perte progressive des acquis scolaires des personnes handicapées qu'ils accueillent, perte essentiellement due à une absence de stimulation de ces connaissances. Cette situation est particulièrement dommageable pour des personnes qui pourraient, avec un accompagnement adapté, évoluer vers le milieu ordinaire de travail. Votre commission vous proposera d'inscrire au rang des actions de formation engagées par les gestionnaires de CAT des actions de maintien des acquis scolaires .
Elle vous proposera également un amendement de cohérence, tendant à tirer les conséquences de la création de la prestation d'accueil du jeune enfant par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
* 24 Art. L. 344-3 du code de l'action sociale et des familles.