B. LES AXES DU PROJET DE LOI
S'appuyant sur la base de la Position commune, le présent projet de loi s'articule autour de trois axes complémentaires :
1. Modifier les règles de conclusion des accords collectifs pour renforcer leur légitimité
A
l'heure actuelle, les modalités de conclusion d'un accord collectif de
travail sont régies par l'article L. 132-2 du code du travail et
reposent sur la faculté reconnue à une ou plusieurs organisations
syndicales même minoritaires de conclure un accord s'appliquant à
la collectivité de travail.
Ainsi, peuvent conclure, au nom des salariés, une ou plusieurs
organisations syndicales de salariés reconnues représentatives
sur le plan national ou qui sont affiliées auxdites organisations ou qui
ont fait la preuve de leur représentativité dans le champ
d'application de l'accord.
Cette règle conduit, en pratique, à fragiliser doublement la
légitimité de l'accord dans la mesure où elle ne prend pas
en compte la représentativité des signataires par rapport
à l'ensemble des salariés et où elle ne repose sur aucune
exigence de majorité.
Jusqu'à présent, on pouvait considérer que cette faiblesse
n'avait en définitive qu'une importance secondaire : tant que
l'accord n'avait vocation qu'à procurer un nouvel avantage aux
salariés, peu importait en définitive la
représentativité réelle des signataires.
Toutefois, la question de la légitimité des signataires se posait
déjà compte tenu des modalités actuelles - qui sont
souvent ambiguës - d'application du principe de faveur et elle se
posera avec plus d'acuité à l'avenir si, comme le texte le
propose, l'accord peut déroger à une norme conventionnelle de
niveau supérieur.
Certes, le code du travail a d'ores et déjà cherché
à prévenir cette difficulté en tempérant cette
règle par la possibilité d'exercice, dans certains cas, d'un
droit d'opposition des organisations syndicales majoritaires. Ce droit
d'opposition existe ainsi à un triple niveau :
- un droit d'opposition à la conclusion d'un accord d'entreprise
dérogatoire à la loi, le champ de ces accords dérogatoires
concernant pour l'essentiel la durée et l'aménagement du temps de
travail (introduit par l'ordonnance du 16 janvier 1982) ;
- un droit d'opposition, au niveau interprofessionnel, des branches et des
entreprises, à la réduction ou à la suppression d'un
avantage lors de la révision d'un accord collectif (introduit par la loi
du 31 décembre 1992) ;
- un droit d'opposition - seulement suspensif - à
l'extension d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou
interprofessionnel.
Mais les conditions très restrictives de l'exercice de ce droit
d'opposition font qu'il est de faible portée.
Aussi, la Position commune traduisait-elle, à son point I-2, le
souci des partenaires sociaux de faire évoluer les règles de
conclusion des accords :
«
La volonté d'élargir les attributions
conférées à la négociation collective et d'assurer
son développement nécessite la définition d'un mode de
conclusion des accords qui, sans remettre en cause la capacité de chaque
organisation syndicale représentative d'engager l'ensemble des
salariés, renforce la légitimité des accords et garantisse
l'équilibre de la négociation.
»
L'article 34
du projet de loi vise alors à modifier
substantiellement les modalités de conclusion des accords collectifs.
S'il ne revient ni sur les règles de représentativité des
organisations syndicales, ni sur le principe du monopole syndical (sauf, dans
une certaine mesure, pour le cas particulier des petites entreprises à
son article 41), il introduit en revanche à tous les niveaux le
« principe majoritaire » sous la forme soit de la
« majorité d'engagement », soit du « droit
d'opposition », selon des modalités spécifiques pour
chaque niveau de négociation.
Dès lors, l'accord n'est valide que :
- dans le cas de la majorité d'engagement ou de l'accord
majoritaire, s'il a été signé par une ou plusieurs
organisations syndicales représentant la majorité des
salariés ;
- dans le cas du droit d'opposition, s'il n'a pas fait l'objet d'une
opposition de la majorité des organisations syndicales de
salariés représentatives dans le champ de l'accord ou
d'organisations syndicales représentant la majorité des
salariés.
Les nouvelles règles de conclusion des accords sont
résumées dans le tableau ci-dessous :
Niveau de négociation |
Principe majoritaire |
Modalités de calcul de la majorité |
Interprofessionnel |
Droit d'opposition |
Majorité des organisations syndicales |
Branche |
|
|
1. Accord de méthode étendu |
Droit d'opposition |
Majorité des organisations syndicales |
2. Accords
|
Majorité d'engagement |
|
|
|
- soit au vu d'une consultation dans la branche |
|
|
- soit au vu des résultats des dernières élections du personnel |
b) s'il n'y a pas accord de méthode |
Droit d'opposition |
Majorité des organisations syndicales |
Entreprise ou établissement |
|
|
1. Si la branche le prévoit |
Majorité d'engagement
|
Organisations syndicales représentant la majorité des salariés au vu des dernières élections du personnel. A défaut, approbation des salariés |
Droit d'opposition |
Organisations syndicales ayant recueilli la majorité aux dernières élections du personnel |
|
2. Si la branche ne prévoit rien |
Droit d'opposition |
Organisations syndicales ayant recueilli la majorité aux dernières élections du personnel |
Source : annexe au rapport n° 1273 de M. Jean-Paul Anciaux - Assemblée nationale, 12 e législature.
Il convient d'observer que les nouvelles règles accordent un rôle très important au dialogue social puisqu'il lui revient, sauf au niveau interprofessionnel, d'organiser la mise en oeuvre du principe majoritaire par accord. A défaut d'accord, c'est le droit d'opposition qui s'applique.