4. Un système de financement à améliorer
Le
marché de la formation professionnelle attire plus de
22 milliards
d'euros
, dont la moitié au moins provient de fonds privés.
Pourtant, ce système apparaît profondément inefficace.
Le circuit se présente ainsi :
1. les
entreprises
doivent chaque année participer au
financement de la formation professionnelle : elles s'acquittent d'une
contribution prélevée sur leur masse salariale, qu'elles
utilisent directement pour des actions de formation en faveur de leurs
salariés ou/et qu'elles versent à un organisme collecteur des
fonds de la formation professionnelle (OPCA) ;
2. créés par les partenaires sociaux de la branche ou de la
filière interprofessionnelle par la voie de la
négociation
collective
, après l'obtention d'un agrément auprès du
Ministère chargé de la formation professionnelle, les
OPCA
sont habilités à gérer les fonds ainsi recueillis de
manière paritaire : il existe aujourd'hui 99 OPCA de branche
ou interprofessionnels, nationaux ou régionaux. Selon la nature de
l'agrément sollicité, l'OPCA est autorisé à
collecter les fonds qui financeront l'alternance (24 OPCA
interprofessionnels régionaux) ou le plan de formation des entreprises
de moins de dix salariés (2 OPCA nationaux interprofessionnels),
des entreprises de plus de dix salariés (41 OPCA nationaux de
branche) ou le congé individuel de formation (43 OPCA), sachant
qu'il est de moins en moins permis désormais de cumuler les
agréments et donc les collectes. Ainsi, un organisme dont
l'agrément porte sur les contributions relatives à l'alternance
ne pourra collecter que ce type de fonds ;
3. les fonds ne peuvent être collectées indéfiniment
au-delà d'une année civile :
- les OPCA doivent reverser leurs éventuels excédents
financiers à deux
structures nationales de
péréquation
(AGEFAL/COPACIF)
3
(
*
)
, qui sont alors chargés d'assurer une
compensation financière vers ceux qui sont déficitaires,
notamment par des avances de trésorerie ;
- surtout, ces fonds doivent servir à
financer des actions de
formation
: le paiement des formations prises en charge n'intervient
qu'après l'exécution de la prestation.
Malheureusement, ce circuit financier
« intermédié » ne fonctionne pas de
manière optimale, malgré l'importance des versements
effectués par les entreprises qui dépassent les taux minima
fixés par la loi, et ce pour trois raisons :
-
l'affaiblissement de la mutualisation
: la proximité
des organismes collecteurs et la faiblesse de la redistribution réelle
favorisent, en effet, la tendance spontanée des entreprises à
voir, dans leur versement, un droit de tirage naturel en actions de formation
auprès de l'organisme collecteur. Paradoxalement, en dépit du
coût de gestion des OPCA, leur rôle consiste davantage en un
rôle de trésorier qu'en celui de redistributeur des ressources.
Par ailleurs, l'existence de ces réseaux laisse la primauté
à une mutualisation de branche, qui plus est historiquement
structurée autour des professions industrielles, alors que le
marché du travail est aujourd'hui largement tertiarisé et
décentralisé ;
-
l'insuffisance de la péréquation financière
entre collecteurs : assise sur les excédents de trésorerie,
elle incite précisément les collecteurs à une gestion
minimisant leurs disponibilités et tend donc à
s'auto-assécher ; elle fait fi, compte tenu des règles
d'annualité de comptabilité publique, de la pluriannualité
des besoins répertoriés ;
-
les prélèvements financiers successifs
opérés par l'État entre 1996 et 2001
4
(
*
)
sur l'AGEFAL à hauteur de
361 millions d'euros et sur le COPACIF à hauteur de 299 millions
d'euros
5
(
*
)
. Votre
commission dénonçait alors le penchant du gouvernement à
considérer les fonds collectés par les partenaires sociaux comme
une ressource budgétaire, ce qui entraînait «
une
dangereuse confusion des genres et ne pouvait manquer de masquer le
détournement confiscatoire de l'effort fourni par les entreprises et
leurs salariés au financement de la formation professionnelle que
constitue en réalité cette pratique de régulation
budgétaire ». Relevant que la dégradation progressive
de la trésorerie de l'AGEFAL était une véritable
« bombe à retardement
» pour l'avenir de
l'alternance, elle avait alors souligné que «
ces
organismes risquent donc de ne plus être en mesure de faire face à
leurs engagements et d'être dans l'obligation de restreindre l'offre de
formation
». Ce constat avait d'ailleurs amené votre
commission à proposer la mutualisation des fonds de l'AGEFAL et du
COPACIF, pour en faire de véritables fonds nationaux de
péréquation, en raison de la
« porosité » évidente entre les
différents types de participations.
*
3
AGEFAL : association de
gestion des fonds de l'alternance.
COPACIF : comité paritaire du congé individuel de formation.
Il n'existe pas d'organisme comparable pour le plan de formation.
* 4 Voir avis budgétaire relatif au projet de loi de finances pour 2002, n° 91, Tome IV (2001-2002), rendu par la commission des Affaires sociales du Sénat.
* 5 Le prélèvement de 22,87 millions d'euros qui était prévu en 2001 a néanmoins été abandonné par le Gouvernement.