II. LA TRANSPOSITION LÉGISLATIVE DE L'ACCORD DES PARTENAIRES SOCIAUX
A. L'ACCORD HISTORIQUE DU 20 SEPTEMBRE 2003
1. Des négociations tendues
Le
dernier accord national signé unanimement par les partenaires sociaux
remonte à 1995 et portait sur le dispositif mettant en place les
préretraites.
Le 20 septembre 2003, les partenaires sociaux sont parvenus à s'entendre
sur un accord national interprofessionnel, dont la transposition
législative figure dans un projet de loi relatif à la formation
professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. Trois
années de négociations ont été
nécessaires :
-
20 décembre 2000
: le MEDEF, l'UPA et la CGMPE
proposent aux syndicats de salariés de faire figurer la formation
professionnelle parmi les huit thèmes de négociations de son
projet de «
refondation sociale
» : afin
« d'actualiser les finalités de la formation
professionnelle et de préciser les responsabilités de chacun dans
le cadre du dispositif actuel et dans le respect des principes d'obligation
financière et de mutualisation notamment pour remédier aux
disparités dans l'accès à la formation, prendre en compte
les modes de plus en plus diversifiés de transmission des savoirs et
intégrer les nouvelles opportunités qu'offre le
développement des nouvelles technologies d'information et de
communication »
;
-
novembre 2001
: la commission européenne propose,
dans son mémorandum, de consacrer la formation professionnelle tout au
long de la vie dans la politique communautaire pour l'emploi ;
-
février 2001
: les négociations sur la
formation professionnelle s'ouvrent entre les partenaires sociaux. Elles
dureront neuf mois ;
-
octobre 2001
: la négociation sur la réforme
de la formation professionnelle échoue, sur trois sujets de
discorde :
la
formation hors du temps de travail
: les
représentants des entreprises défendent l'idée de
coïnvestissement, c'est-à-dire un partage de l'effort financier
entre salariés et employeurs, face aux syndicats de salariés qui
considèrent que la formation doit avoir lieu durant le temps de travail,
hors formations qualifiantes ou diplômantes.
la transférabilité des droits à la formation
du salarié
: les organisations patronales reviennent sur leur
proposition de permettre au salarié de transférer ses droits
individuels à la formation d'une entreprise à l'autre.
le financement de la formation
: les organisations patronales
proposent une légère augmentation de la contribution des
entreprises de 1,5 à 1,55 % dont 0,5 % servirait au
financement des contrats de professionnalisation et 0,15 % au CIF. Mais
les organisations syndicales souhaitent que l'effort soit davantage
porté vers le CIF.
-
juin 2002
: le Conseil européen entérine
à Feira puis à Séville l'objectif d'une formation
professionnelle tout au long de la vie en Europe ;
-
août 2002
: le Gouvernement demande aux partenaires
sociaux, d'aboutir à des propositions de réforme de la formation
professionnelle dans un
délai de dix-huit mois
,
c'est-à-dire avant février 2004 ; à défaut, il
proposerait un projet de loi ;
-
décembre 2002
: élections prud'homales ;
-
avril 2003
: les négociations reprennent :
emmené par son chef de file, Alain Sionneau, le MEDEF constitue deux
groupes de travail dirigés par Dominique de Calan
(délégué général adjoint de l'Union des
industries métallurgiques et minières) et Bernard Boisson
(conseiller social du Président du MEDEF). Ces derniers affirment leur
souhait d'
« aboutir au mois de juin 2003 »
;
-
17 juillet 2003
: à l'issue d'une séance
quatorze heures de négociations, les syndicats dressent un bilan en
demi-teinte
, la CGT estimant que
« les employeurs peuvent
et doivent faire beaucoup mieux »
, la CFTC soulignant que
« tant qu'on ne sera pas clair sur le fait que les formations
d'adaptation au poste de travail se font sur le temps de travail, on ne pourra
pas signer »
, FO persistant dans sa volonté de porter le
droit individuel à la formation à 40 heures par an avec une
rémunération de 57,4 % du salaire brut et jugeant que le DIF
« reste un point de blocage important » ;
-
16 septembre 2003
: en visite dans l'Yonne, le
Président de la République exprime le souhait que
« dans les jours qui viennent, un accord national sur la formation
professionnelle porte très haut le niveau de nos ambitions dans ce
domaine »
;
-
20 septembre 2003
: à l'aube, après
vingt heures de négociations,
l'accord est signé
par
les trois organisations patronales (MEDEF, UPA, CGPME) et quatre syndicats de
salariés (CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC). La CFTC parle d'un
« nouveau souffle »
, FO émet un
« avis favorable »
, la CFDT évoque des
« avancées importantes »
. Mais la CGT juge
« très insuffisantes les avancées du
patronat »
. L'heure n'est pas encore à
l'unanimité ;
-
21 septembre 2003
: le Ministre des affaires sociales parle
d'un accord
« historique »
et annonce la tenue d'une
table ronde réunissant les partenaires sociaux le 21 octobre ;
-
23 septembre 2003
, les organismes de formation annoncent la
« mort de l'alternance »
;
-
30 septembre 2003
: la CGT appose une
« signature exigeante »
à l'accord,
désormais unanime ;
-
10 octobre 2003
: le Gouvernement présente aux
parties signataires une première version du projet de loi relatif
à la formation professionnelle tout au long de la vie.