C. LES RETOUCHES APPORTÉES À LA RÉFORME DE LA PRESTATION COMPENSATOIRE
La réforme de la prestation compensatoire intervenue avec la loi du 30 juin 2000 a fait l'objet de nombreuses critiques : précarisation de la situation de créancières âgées et sans autre moyen de subvenir à leurs besoins, rigidité des règles imposées au juge et réponse incomplète apportée au problème de la transmissibilité passive des rentes viagères au décès du débiteur.
Le projet de loi tente donc de concilier les intérêts contradictoires de la première épouse et de la deuxième famille du débiteur.
1. L'adaptation des règles relatives à la transmission de la rente viagère au décès du créancier
a) La limitation de la charge du paiement de la prestation compensatoire pour les héritiers du débiteur à l'actif successoral
A la mort de l'époux débiteur, le paiement de la prestation sera prélevé sur la succession et dans la limite de l'actif successoral. En cas d'insuffisance de cet actif, les héritiers ne seront donc plus tenus sur leurs biens propres, contrairement au droit commun des successions ( art. 18, art. 280 du code civil ).
b) L'automaticité de la substitution d'un capital à la rente
Les prestations compensatoires versées sous forme de rente seront automatiquement transformées en un capital immédiatement exigible, dont le montant prendra en compte les sommes déjà versées. La substitution s'effectuera selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat ( art. 18, art. 280 du code civil ).
c) La possibilité d'un maintien des conditions antérieures
Les héritiers pourront cependant décider de maintenir ensemble les modalités de versement qui incombaient à l'époux débiteur, en s'obligeant personnellement au paiement de cette prestation ( art. 18, art. 280-1 du code civil ).
2. L'incitation au recours aux prestations compensatoires conventionnelles
a) L'extension aux divorces contentieux de la possibilité de fixer des prestations compensatoires conventionnelles
Il sera possible pour les époux de recourir à des conventions pour fixer la prestation compensatoire dans toutes les procédures de divorce, et non plus dans le seul cas de divorce sur demande conjointe ( art 17, art. 268 du code civil ).
b) L'alignement du régime des prestations compensatoires judiciaires sur celui des prestations compensatoires conventionnelles
Les règles régissant la prestation compensatoire conventionnelle prévue dans le cadre d'un divorce sur demande conjointe seront étendues aux prestations compensatoires conventionnelles intervenant dans des divorces contentieux. Il sera donc possible d'attribuer des rentes temporaires et de prévoir que le versement de la prestation cessera à compter de la réalisation d'un événement déterminé ( art. 18, art. 279-1 du code civil ).
3. L'assouplissement du régime des prestations compensatoires judiciaires
a) La possibilité de prévoir des prestations compensatoires mixtes
La loi du 30 juin 2000 a supprimé la possibilité de verser des prestations compensatoires combinant capital et rente viagère, qui permettaient pourtant d'assurer le gîte (par un usufruit) et le couvert au créancier. Le projet de loi revient sur cette disposition particulièrement critiquée ( art. 18, art. 276 du code civil ).
b) La possibilité de panacher les différentes formes de capital
Il sera possibilité de panacher le versement d'une prestation compensatoire en capital entre différentes formes de capital (usufruit, pleine propriété notamment...) ( art. 18, art. 275-1 du code civil ).
c) La possibilité d'une substitution partielle du capital à la rente
Il sera possible de procéder à une substitution uniquement partielle du capital à la rente, ce qui sera particulièrement utile si le débiteur ne dispose pas de la totalité du capital équivalent ( art. 18, art. 276-4 du code civil ).
4. L'ouverture de la demande de révision de la rente viagère au créancier
Actuellement, la demande de révision d'une rente viagère n'est ouverte qu'au débiteur et à ses héritiers. Désormais, le créancier pourra également demander sa révision.
En effet, du fait de l'assouplissement des critères de révision, une révision à la baisse de la rente pourra plus facilement intervenir en cas de dégradation de la situation du débiteur. Il est donc normal qu'une révision à la hausse puisse suivre si sa situation s'améliore ( art. 23, art. 276-3 du code civil ).
5. Le durcissement des conditions d'attribution des rentes viagères
Le projet de loi prévoit une condition supplémentaire pour permettre l'attribution d'une rente viagère. Outre des conditions d'exceptionnalité et de motivation spéciale du juge, d'âge ou d'état de santé ne permettant pas au créancier de subvenir à ses besoins, il faudra qu'aucune amélioration notable de sa situation financière ne soit envisageable ( art. 18, art. 276 du code civil ).
6. Des précisions et simplifications
Le projet de loi prévoit par ailleurs diverses mesures de simplification, ainsi que d'utiles précisions.
- Les critères de fixation de la prestation compensatoire sont modifiés, afin de ne plus simplement prendre en compte le temps consacré à l'éducation des enfants, mais plus largement les conséquences résultant des choix professionnels faits pendant la vie commune pour l'éducation des enfants ( art. 18, art. 271 du code civil ).
- S'agissant des modalités de versement du capital , la possibilité de recourir au dépôt de valeurs productives de revenus entre les mains d'un tiers chargé de verser les revenus au créancier (le trust ), qui n'était jamais utilisée, est supprimée ( art. 18, art. 274 du code civil ).
De même, il est précisé que l'attribution d'un droit d'usage, d'habitation ou d'usufruit peut être temporaire ou viager ( art. 18, art. 274 du code civil ).
- En matière de révision de la prestation compensatoire , les conditions de révision des modalités de versement d'un capital versé sous forme fractionnée ou du montant d'une rente viagère sont harmonisées. Il faudra dans les deux cas un changement important (et non plus notable en ce qui concerne le capital échelonné) dans les ressources ou les besoins des parties ( art. 18, art. 275 du code civil ).
Il est précisé que seront pris en compte les changements intervenus pour l'une ou l'autre des parties, afin d'éviter des refus de révision en cas d'amélioration de la situation tant du créancier que du débiteur ( art. 22, art. 276-3 du code civil, art. 279 du code civil ).
- S'agissant de la substitution du capital à la rente , il est précisé que seront prises en compte notamment les sommes déjà versées, et que cette substitution s'effectuera selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, afin de remédier au silence actuel de la loi ( art. 18, art. 276-4 du code civil ).
- S'agissant du sort du capital échelonné lors du décès du débiteur, le projet de loi indique que son solde sera immédiatement exigible ( art. 18, art. 280 du code civil ).
- De même, il précise que les transferts et abandons prévus en matière de prestation compensatoire ne sont pas assimilés à des donations, « quelles que soient leurs modalités de versement », afin d'éviter que les versements en capital entre ex-époux en conséquence du divorce soient soumis comme actuellement aux droits de mutation à titre gratuit lorsqu'ils proviennent des biens propres de l'un d'eux ( art. 22, art. 281 du code civil ). Des discussions sont actuellement en cours entre la Chancellerie et le ministère de l'Economie et des Finances pour parvenir à un accord sur ce point.