B. L'AUTONOMIE CONFORTÉE
Le projet de loi organique, confirme et renforce les grandes orientations contenues dans les statuts de la Polynésie française depuis le statut de 1984 : transfert de nouvelles compétences, affirmation du rôle international de la Polynésie française, renforcement des institutions polynésiennes, reconnaissance du rôle des communes.
1. Le transfert de nouvelles compétences
Le projet de loi organique confère à la collectivité de nouvelles compétences portant sur le droit civil (à l'exception de l'état et des capacités des personnes, des régimes matrimoniaux et des successions et libéralités), les principes fondamentaux des obligations commerciales , le droit du travail . De même, l'Etat confie une partie de ses compétences en matière de circulation maritime et de liaisons aériennes. En conséquence, le projet de loi organique prévoit le transfert à titre gratuit des biens meubles et immeubles nécessaires à l'exercice de ces compétences -notamment les biens liés à l'aménagement et à l'entretien de l'aérodrome d'intérêt national de Tahiti Faa (à l'exception des installations militaires et de la piste, partagée par les vols civils et militaires).
Le projet de statut pose à l'instar du statut de la Nouvelle Calédonie et conformément aux principes de la décentralisation, le principe de la compensation des charges correspondant à l'exercice des compétences nouvelles (article 59). Alors même que les modalités de transfert des compétences décidées par les précédents statuts relevaient de conventions entre l'Etat et le territoire, les conditions de transfert de biens, de ressources ainsi que les modalités de mise à disposition des agents de l'Etat à la Polynésie française (articles 60, 61 et 62) sont précisément définies dans le texte organique.
2. Des responsabilités internationales plus étendues
Comme tel est aujourd'hui le cas, le projet de statut donne au président de la Polynésie française la faculté de négocier et de signer des arrangements administratifs et des conventions de coopération décentralisée. De même, il peut obtenir des pouvoirs pour négocier et signer des accords avec des Etats du Pacifique ou des organismes régionaux de la zone dans les domaines du ressort de l'Etat.
En outre, aux termes du projet de statut, le président de la Polynésie française pourrait, dans les domaines de compétence de la Polynésie française , négocier des accords avec tout Etat sans qu'il ait à obtenir au préalable, des autorités de la République, les pouvoirs aujourd'hui requis. En revanche, l'entrée en vigueur de ces accords est subordonnée à une loi autorisant leur ratification ou approbation conformément aux articles 52 et 53 de la Constitution (article 39).
Le président de la Polynésie française pourra participer aux négociations concernant les relations entre la Communauté européenne et la collectivité (article 40). De plus avec l'accord des autorités de la République, la Polynésie française pourra adhérer à des organisations régionales du Pacifique (article 41) ou être associée à leurs travaux dans les domaines relevant de sa compétence (article 40). Enfin, elle obtient le droit d'ouvrir, de sa propre initiative, des représentations à l'étranger sans que lui soit assignée une limite géographique -contrairement à la Nouvelle-Calédonie à laquelle une telle faculté est reconnue dans la seule zone du Pacifique (article 15).
3. Le renforcement des institutions de la Polynésie française
Par bien des aspects, les lois statutaires successives depuis 1984 et 1996 présentent des similitudes avec une véritable Constitution. Le projet de loi organique confirme ce sentiment d'abord par les changements de désignation. La Polynésie française est présentée comme un « pays d'outre mer au sein de la République » (article premier). La notion même de territoire disparaît entièrement, conformément à l'article 74 de la Constitution issu de la révision du 28 mars 2003, qui substitue les « collectivités d'outre-mer » aux « territoires d'outre-mer ». Ainsi les conseillers territoriaux de l'assemblée de la Polynésie française prennent le nom de « représentant à l'assemblée de la Polynésie française ».
Le président du gouvernement devient « président de la Polynésie française ». Un certain « mimétisme » avec la Constitution de la Cinquième République transparaît dans le choix de nouvelles rédactions : ainsi le gouvernement de la Polynésie française -qui réunit le président et les ministres- « détermine et conduit la politique de la Polynésie française ». Le président de la Polynésie française qui pourrait désormais être choisi hors du sein de l'assemblée serait élu dans le cadre d'un scrutin à deux tours -et non à trois tours comme actuellement- : s'il n'a pas obtenu la majorité absolue des membres au premier tour, il est élu à la majorité des voix au second tour « le cas échéant après retrait de candidats plus favorisés ».
Le contentieux contre les actes relatifs à la composition du gouvernement serait soumis au Conseil d'Etat en premier et dernier ressort -et non au tribunal administratif comme le prévoit le statut actuel. En conséquence des nouveaux transferts de compétences à la Polynésie française, le pouvoir normatif du conseil des ministres est étendu. Il en est de même de son pouvoir de nomination.
Par ailleurs, le souci d'assurer une majorité stable au gouvernement a conduit à relever de 5 % à 10 % le seuil des suffrages exprimés nécessaires à l'attribution de sièges à l'assemblée de la Polynésie française.
Parallèlement, dans le cadre de l'article 72-1 de la Constitution, le chapitre V du titre IV du projet de statut ménage un rôle accru à la démocratie participative . Il organise en effet le droit de pétition et le référendum décisionnel en adaptant les procédures aux spécificités de la Polynésie française.
4. Des communes enfin dotées de réelles capacités
Il a fallu attendre le statut de 1996 pour que les communes soient reconnues comme acteur statutaire à part entière à côté de l'Etat et du territoire de la Polynésie française. Mais peu de moyens et compétences propres leur ont été données. La loi n° 71-1028 du 24 décembre 1971 relative à la création et à l'organisation des communes dans le territoire de la Polynésie française et la loi n° 77-1460 du 29 décembre 1977 modifiant le régime communal dans le territoire de la Polynésie française restent les principaux textes déterminant les règles d'organisation, de compétence et les moyens des communes.
Le projet de loi organique franchit un cap en garantissant aux communes une réserve minimale de compétences, en autorisant largement les délégations de compétence entre la Polynésie française et les communes et en dotant les communes d'une fiscalité véritable.
A cet égard, la question financière est essentielle compte tenu du manque structurel de ressources des communes polynésiennes. Celles-ci sont entièrement dépendantes des transferts de l'Etat et de la Polynésie. L'article 53 du projet de loi constitue dans ce contexte une véritable révolution en posant les bases d'une autonomie fiscale et financière des communes . La Polynésie française pourrait créer des impôts ou taxes spécifiques aux communes ; celles-ci en décideraient le taux et les modalités de perception dans le respect de la réglementation instituée par la Polynésie française. Les communes pourraient également créer directement des redevances pour services rendus.
En outre, le projet de loi ordinaire habilite le gouvernement à définir par voie d'ordonnance le statut des fonctionnaires civils des administrations des communes de la Polynésie française et de leurs établissements publics. La situation actuelle est caractérisée par une grande hétérogénéité, en l'absence de règles en la matière. Le statut législatif n'est jamais paru en dépit de l'article 6 de la loi du 5 février 1994 d'orientation pour le développement de la Polynésie française qui prévoit que « le personnel communal sera doté d'un statut adapté à la situation particulière des communes du territoire et notamment à leurs capacités budgétaires ».
L'article 11 du projet de loi ordinaire habilite également le gouvernement à étendre aux communes de la Polynésie française et à leurs groupements, avec les adaptations nécessaires, le code général des collectivités territoriales. La non-codification a en effet abouti au fil du temps à une divergence croissante entre le droit communal de la Polynésie française et le droit commun. A titre d'exemple, le régime de la tutelle a priori applicable avant la loi du 2 mars 1982 continue à être le droit commun des communes polynésiennes.