II. UNE ANNÉE 2003 MARQUÉE PAR D'IMPORTANTS PROGRÈS À CONSOLIDER EN 2004
A. UNE TRÈS NETTE AMÉLIORATION DES RÉSULTATS DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE EN 2002 ET 2003
1. Les décès sur les routes
Après avoir atteint un pic en 1998 (8.437 morts), le nombre de tués sur les routes s'est réduit de 5 % en 1999 et en 2000, puis a connu une remontée de 1 % en 2001 avant de chuter de 6 % en 2002 pour atteindre 7.242 décès.
On observe que, dans un panorama général de réduction du nombre de décès sur les routes, les résultats sont plus significatifs en milieu urbain (- 9,7 % de tués en 2002) qu'en rase campagne (- 4,8 %).
L'année 2002 aura enregistré la plus forte baisse de la mortalité routière depuis plus de 10 ans.
2. Les personnes blessées
Le nombre de blessés chute de manière encore plus spectaculaire, puisqu'il est réduit de 10,5 % en 2002 , avec 137.839 blessés, après une diminution de 5 % en 2001 et de 3,3 % en 2000. Dans ce cas, l'amélioration est légèrement plus sensible en milieu urbain (- 11,5 %) qu'en rase campagne (- 10,5 %).
3. Les accidents de la route
Enfin, s'agissant du nombre d'accidents, ceux-ci auront chuté de 9,7 % en 2002, soit 11 % pour le milieu urbain et 9,7 % en rase campagne, pour atteindre 105.470 accidents.
Avec une baisse de 17,2 % du nombre de tués et de blessés, victimes de la route, et de 15,9 % du nombre d'accidents corporels, les résultats d'août 2003 comparés à ceux d'août 2002 confirment les progrès enregistrés au cours des derniers mois.
B. DE NOUVELLES ORIENTATIONS POUR LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE
Lors de son discours du 14 juillet 2002, le Président de la République a fait de la lutte contre l'insécurité routière, première cause de morts violentes, l'un des trois chantiers prioritaires de son quinquennat. Le gouvernement a mis en place un programme d'action lors des Etats généraux de la sécurité routière le 17 septembre 2002.
Trois comités interministériels de sécurité routière (18 décembre 2002, 31 mars 2003 et 9 juillet 2003) ont été tenus et ont conduit à l'adoption de mesures pour accroître la sécurité de l'ensemble des usagers de la route.
1. Le renforcement de la sécurité active
Le gouvernement souhaite passer d'une sécurité passive à une sécurité active , mieux encadrer les conducteurs en créant une culture générale de prévention des risques routiers et sécuriser les infrastructures.
Des contrôles automatisés seront instaurés sur l'ensemble du territoire . Ils permettront de relever toutes les infractions à la réglementation sur les vitesses maximales autorisées, au respect des distances entre les véhicules et aux signalisations imposant l'arrêt des véhicules. Le déploiement de 1.000 dispositifs automatiques de contrôle est prévu dans les trois ans, une centaine d'entre eux sont en train d'être mis en service.
2. L'action sur la formation et l'information
La lutte contre l'insécurité routière suppose une intervention concomitante sur les trois éléments de l'accident que sont le conducteur, l'infrastructure et le véhicule.
L'action sur le conducteur prend deux formes majeures : la mise en place du permis probatoire à compter du 1 er mars 2004 et l'instauration d'un contrôle de l'aptitude médicale à la conduite .
Le gouvernement estime qu'agir sur le conducteur nécessite également une augmentation des crédits de communication, les campagnes nationales d'information actuelles étant nettement insuffisantes pour assurer une visibilité « impactante » auprès des diverses cibles. C'est en assurant de façon complémentaire la présence des messages de sécurité routière sur différents types de médias (télévisions, radios, affichage, presse écrite, manifestations, etc.) que l'on pourra sensibiliser au mieux les usagers. Il en résulte parallèlement une augmentation des crédits alloués à l'animation locale relais des campagnes nationales de sécurité routière.
Afin de se conformer aux directives européennes et d'optimiser la formation du conducteur, 100 postes supplémentaires d'inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière sont créés . Par ailleurs, l'effort d'investissement portera, en 2004, sur la rénovation des centres d'examens.
3. La sécurisation des infrastructures
Pour améliorer la sécurité des infrastructures, deux politiques nationales sont mises en oeuvre.
La première concerne l'exploitation de la route et l'information aux usagers, l'objectif restant le renforcement de la sécurité routière :
- en informant l'usager en temps réel sur les conditions de circulation, le prévenant ainsi des perturbations et conditions de circulation dégradées afin qu'il adapte sa conduite,
- en assurant un meilleur écoulement des flux de trafic,
- et en optimisant les interventions sur incidents et accidents, pour éviter les suraccidents.
Deux programmes sont mis en oeuvre pour déployer cette politique : le SDER (Schéma Directeur d'Exploitation Routière) et le SDIR (Schéma Directeur d'Information Routière).
Le SDER consiste essentiellement à équiper le réseau routier national principal et les voies rapides urbaines de la plupart des grandes métropoles régionales (soit environ 20.000 kilomètres de routes incluant le réseau concédé), de systèmes modernes de recueil de données, d'exploitation, et de gestion du trafic. Ces systèmes contribuent à sécuriser l'infrastructure en permettant une meilleure réactivité du gestionnaire face à des situations imprévues, et en donnant aux usagers tout à la fois une information sur l'état de la circulation et sur la présence d'accidents et d'incidents.
Le SDIR, dont la décision de lancement a été prise lors du comité interministériel d'octobre 2000, est dans une phase d'études associant les partenaires concernés, en particulier les ministères de l'intérieur et de la défense qui concourent à l'information routière. Les investissements nécessaires au déploiement de l'information routière en complément des investissements d'exploitation commenceront en 2004. Un des objectifs est de diffuser l'information, en temps réel, grâce à l'ensemble des médias modernes : panneaux d'information à message variable sur les infrastructures, radios, internet et systèmes embarqués à bord des véhicules.
La seconde politique nationale relative à la sécurité des infrastructures, vise l'amélioration des sections jugées accidentogènes et le maintien dans le temps des caractéristiques de l'infrastructure et de ces équipements.
A ce titre sont financés l'entretien et le renouvellement de la signalisation directionnelle, des équipements d'exploitation, ainsi que les études concernant les améliorations de l'infrastructure portant sur :
- la protection des usagers contre les obstacles latéraux,
- la pertinence de la signalisation de limitation de vitesse implantée sur les réseaux (national, départemental et communal) au regard de la réglementation, notamment en liaison avec le déploiement de systèmes "contrôle-sanction" automatisés. En effet, la signalisation doit être cohérente avec les caractéristiques de la route, son environnement, et la perception qu'en a l'usager. Les points spécifiquement visés sont donc les limites de vitesse non crédibles et le positionnement des panneaux d'agglomération par rapport aux fronts bâtis.
4. Un nouveau dispositif législatif et réglementaire
La loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière modifie les règles en matière de lutte contre la violence routière.
Dès sa publication, les dispositions suivantes sont applicables :
- l'aggravation des peines en cas d'accident mortel ou corporel causé par l'imprudence du conducteur. Les faits de blessures involontaires sont plus sévèrement réprimés,
- la suppression du permis blanc pour les conducteurs ayant eu un comportement dangereux : la loi supprime la possibilité pour le juge d'aménager la peine de suspension du permis de conduire pour des raisons professionnelles, pour les délits routiers les plus graves (ex: conduite en état alcoolique, grand excès de vitesse, délits de fuite...).
- la loi instaure de nouvelles peines complémentaires qui pourront être prononcées par le juge pour les délits au code de la route réprimant les faits les plus graves.
Le décret n° 2003-642 du 11 juillet 2003 portant application de certaines dispositions de la loi du 12 juin 2003 est venu préciser d'autres points.
Les principales dispositions du décret du 11 juillet 2003
- les modalités du permis probatoire : le permis probatoire sera applicable aux permis de conduire délivrés à compter du 1er mars 2004, le temps nécessaire à la modification du programme informatique du fichier national des permis de conduire.
- l'instauration des peines complémentaires de suivi d'un stage de sensibilisation à la sécurité routière et d'interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur (y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n'est pas exigé), en cas de conduite sans permis de conduire et d'excès de vitesse de 30 km/h et plus.
- le retrait de 6 points du permis de conduire pour la conduite avec un taux d'alcoolémie compris entre 0,5 et 0,8 g/l de sang.
- l'obligation faite au conducteur dont le permis de conduire aura été invalidé par perte de la totalité des points, deux fois en moins de cinq ans, de repasser la totalité des épreuves de ce permis.
- l'aggravation des sanctions pour la circulation dans les couloirs réservés à certaines catégories de véhicules et pour le stationnement sur des emplacements de stationnement réservés à des personnes handicapées (contravention de 4 ème classe, amende de 135 euros).
Par ailleurs, un décret a été pris le 9 juillet 2003, relatif à l'extension de l'obligation du port de la ceinture de sécurité aux occupants des autobus et autocars.
Un décret relatif à la vérification de l'aptitude médicale à la conduite devrait être publié avant la fin de l'année. Il mettra en place l'évaluation médicale de l'aptitude à la conduite des candidats au permis de conduire et des conducteurs âgés de 75 ans et plus. Il sera complété par deux arrêtés, l'un concernant la définition des contre-indications médicales à la conduite automobile établi à partir des conclusions du rapport rendu par le groupe de travail du ministère de la santé, l'autre organisant les modalités de ce contrôle.
C. DES EFFORTS À CONSOLIDER POUR L'AVENIR
1. La nécessité de maintenir le cap
Votre rapporteur spécial se félicite des progrès accomplis en 2002 en matière de sécurité routière et de la volonté renouvelée des pouvoirs publics de mettre fin au fléau de l'insécurité routière.
Il observe que des actions structurelles sont annoncées, qui visent à accroître significativement les contrôles et surtout à modifier durablement l'attitude des conducteurs.
Il convient en effet de poursuivre l'effort : après la forte chute du nombre de tués et de blessés en 2002, poursuivie en 2003, les efforts pour gagner des vies seront de plus en plus difficiles à atteindre. Seule une mobilisation de tous les acteurs le permettra.
2. Engager une démarche à plus long terme
Au-delà des actions de prévention, de communication et de sanctions, votre rapporteur spécial souhaite rappeler tout l'intérêt à développer des outils innovants en matière de sécurité routière . La mission qu'il a effectuée l'an dernier sur les moyens de la recherche en sécurité routière l'en a convaincu. Il a fait à ce titre dix propositions, qu'il souhaite reproduire ici.
D'ores et déjà, votre rapporteur spécial se félicite que certaines de ces orientations, tel le développement de la sécurité active ou l'implication du ministère de la santé, soient prises en compte dans les récentes décisions en matière de sécurité routière.
DIX PROPOSITIONS POUR DÉVELOPPER LA RECHERCHE EN SÉCURITÉ ROUTIÈRE 15 ( * )
1 - Etablir de nouvelles statistiques des accidentés de la route ;
Les statistiques actuelles ne recensent pas tous les tués sur les routes contrairement aux autres pays de l'Union européenne, et prennent en compte les blessés sur des critères inadéquats. Il faut moderniser nos statistiques pour les rendre au moins comparables à l'échelle européenne.
2 - Créer une base de données publiques pérenne sur les accidents de la route ;
Les fichiers BAAC de la police et de la gendarmerie sont peu opérationnels pour la recherche, les fichiers des enquêtes détaillées d'accidents (EDA) sont partiels et essentiellement développés par les constructeurs privés. Il convient d'associer public et privé, y compris d'autres acteurs (assurances notamment) pour créer une base de données fiable pour la recherche. D'une manière générale, une réflexion doit s'engager sur l'implication des partenaires privés (constructeurs, équipementiers, assureurs) disposant d'informations essentielles pour la recherche.
3 - Développer un programme de recherche public qui pallie les lacunes de la recherche privée, comme sur les accidents impliquant les usagers vulnérables (piétons, motocyclistes) ;
Les constructeurs réalisent de nombreux travaux sur les accidents de voiture, mais les chocs avec des piétons ou des motocycles sont moins bien traités. La recherche publique doit agir là où la recherche privée, pour des raisons industrielles ou autres, ne s'implique pas suffisamment. En complément, les pouvoirs publics doivent inciter leurs partenaires privés à développer des recherches sur ces sujets d'intérêt général. Il faut définir clairement les spécificités de la recherche publique et le rôle respectif des acteurs de la recherche en sécurité routière (ministères, constructeurs, Union européenne).
4 - Développer la recherche humaine et sociale en sécurité routière en associant plus étroitement le milieu universitaire ;
L'amélioration de la sécurité routière ne passe pas uniquement par les nouvelles technologies, même si celles-ci devraient permettre de nouveaux progrès à l'avenir. Comme on l'a fait en assignant des objectifs quantitatifs « sécurité routière » à l'INRETS et au LCPC, il faut impliquer les chercheurs en sciences humaines et sociale, soit en passant des accords avec des universités, soit en réservant des crédits spécifiques dans les programmes de recherche transports (PREDIT notamment). Les thèmes du contrôle-sanction et de l'éducation doivent être privilégiés.
5 - Etudier la spécificité des accidents de la route en zone rurale en liaison avec les collectivités locales et les services techniques déconcentrés ;
De nombreux progrès en recherche sont attendus des nouvelles technologies de l'information et notamment de l'interaction véhicule/infrastructure, qui concerne davantage les zones déjà moins exposées aux accidents graves (réseau autoroutier). Il faut prendre en compte dans les objectifs de recherche l'accidentologie en zone rurale en dynamisant le réseau collectivités locales/services techniques de l'équipement/directions départementales de l'équipement/LCPC. L'expérimentation de nouvelles signalisations, la réflexion sur les infrastructures doivent être considérablement développés.
6 - Réaffirmer l'importance de la sécurité routière dans les programmes de recherche des établissements publics nationaux
Les équipes « sécurité routière » du LCPC et surtout de l'INRETS sont vieillissantes. Il convient de les remplacer et d'augmenter la part consacrée à ce thème dans les travaux des établissements publics. L'étude sur l'utilisation des équipements et les partenariats européens sera bienvenue, compte tenu de l'évolution très rapide de la recherche.
7 - Développer l'application de la recherche en sécurité active après les progrès en sécurité passive ;
Des efforts considérables ont été réalisés ces dernières années en sécurité passive (réduction des conséquences d'un accident), les progrès doivent aujourd'hui venir davantage de la sécurité active. A cet égard, le développement des systèmes d'aide à la conduite comme le limiteur-adaptateur de vitesse, doit être encouragé. Pour cela, il faut identifier les réticences, notamment des industriels et explorer les questions relatives à la responsabilité que posent ces nouveaux outils technologiques.
8 - Impliquer davantage le ministère de la santé dans la recherche en sécurité routière ;
La plupart des thèmes de recherche ont un aspect médical : effets des drogues, médicaments, alcool, hypovigilance etc. Le ministère de la santé doit faire partie intégrante du « réseau » de recherche en sécurité routière. Il doit également contribuer à la réflexion sur les conditions d'expérimentation sur les sujets anatomiques et la réalisation des enquêtes détaillées d'accidents.
9 - Fixer des objectifs quantitatifs précis aux projets de recherche et évaluer les politiques publiques ;
Les pouvoirs publics gagneraient à établir une échelle de priorités en matière de recherche, avec des objectifs quantitatifs précis, sur le mode des évaluations de l'Union européenne. Dans le même esprit, l'évaluation des politiques publiques en matière de sécurité routière doit être une priorité.
10 - Investir un seul organisme de la mission d'orientation et de planification de la recherche en sécurité routière ;
Le lien entre décideurs politiques et chercheurs n'est pas optimal. Les chercheurs fonctionnent parfois sans mandat précis, tandis que des commandes ponctuelles des décideurs politiques ne peuvent être satisfaites dans un délai raisonnable. Il convient de restaurer le lien entre la recherche et le pouvoir politique. La création du Conseil national de la sécurité routière (CNSR) a constitué une avancée importante, mais cet organisme n'a ni l'autorité, ni les moyens financiers, ni les pouvoirs d'exercer une véritable orientation sur la recherche en sécurité routière. Il manque encore une réelle instance de pilotage.
* 15 Ces points sont développés dans le rapport d'information n° 29 (2002-2003) : « Développer la recherche pour sauver des vies ».