V. MISSION DE CONTRÔLE DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL AU KOSOVO

Conformément aux dispositions de l'article 57 de la loi organique précitée, votre rapporteur spécial s'est rendu au Kosovo du 23 au 27 février 2003, afin d'y effectuer un contrôle sur pièces et sur place des crédits d'aide au développement versés depuis juin 1999 par les opérateurs publics dans cette province. La mission a été complétée par deux contrôles dans les locaux parisiens de l'Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), toutes deux opérateurs financiers au Kosovo. L'AFD a en particulier financé cinq projets, dont la reconstruction du principal pont de Mitrovica, et la CDC a été à la fois gestionnaire et cofinanceur (avec des collectivités territoriales) d'un fonds de coopération décentralisée, qui a investi dans une trentaine de projets. Cette mission a fait l'objet d'une communication à la commission des finances le mercredi 2 juillet 2003 . Les principales conclusions de votre rapporteur spécial sont les suivantes.

La communauté internationale ne semble pas avoir une vision très claire de l'avenir du Kosovo . En tout cas, elle se résout à lui garantir l'indépendance sans se l'avouer clairement. L'intervention étrangère a mis fin au conflit et n'a fait que geler une situation problématique, à la différence du cas bosniaque où un accord de paix fixait un cadre et des perspectives politiques plus explicites. L'objet de l'aide internationale a ensuite été de reconstruire plutôt que de construire, de telle sorte qu'elle amorce aujourd'hui, avec la fin de la reconstruction proprement dite (qui engendre généralement une dépense plus rapide et mieux ciblée que le développement), une étape de transition dans laquelle l'imprécision des orientations est susceptible d'engendrer des gaspillages. Le nécessaire relais par des investissements privés ne sera pas véritablement amorcé tant que la perspective d'un statut recueillant l'assentiment de Belgrade n'aura pas été clairement énoncée. Un tel statut suppose également que la communauté internationale contraigne Albanais et Serbes à se supporter, sans même parler de communiquer. La poursuite de l'aide internationale pourrait dès lors passer par l'établissement d'une conditionnalité plus stricte en fonction de critères politiques (transparence démocratique, législation réprimant la xénophobie...), institutionnels et de sécurité. Cette conditionnalité demeure la seule façon d'éviter un assistanat auquel la perspective d'un enlisement pourrait contribuer. Les conclusions du sommet de Thessalonique et la perspective annoncée d'un dialogue entre Belgrade et Pristina pourraient toutefois clarifier les positions et accélérer le processus.

La grande majorité des projets de reconstruction financés par la France, en exclusivité ou en partenariat, a été réalisée conformément aux prescriptions techniques et légales - bien que l'urgence de la situation et le souci de l'efficacité aient motivé des accommodements inévitables avec les règles relatives aux appels d'offres - et ont eu un impact réel sur les conditions de vie de la population et la reconstruction administrative de la province.

La France, au Kosovo comme ailleurs, ne sait pas mettre suffisamment en valeur ses réalisations , ses financements et ses contributions auprès de la population locale. Si l'ampleur de ses contributions aux organismes multilatéraux procède de sa posture diplomatique et n'est par nature pas directement identifiable par les bénéficiaires, il apparaît cependant que notre pays fait parfois preuve d'une certaine naïveté et n'emploie pas des moyens de communication comparables à ceux de certains de ses partenaires pour assurer son rayonnement. La coopération comporte aussi une logique de concurrence entre bailleurs dont il faut savoir tirer profit.

Notre pays n'assure pas non plus une présence conforme à son rang dans certains compartiments des organisations internationales, et s'agissant du Kosovo, dans les structures en charge de la reconstruction économique. Cette carence est révélatrice d'une absence de « stratégie d'entrée de crise » , qui consisterait à analyser et à occuper d'emblée les postes-clefs des administrations, comme d'un manque d'efficacité du traitement des appels à candidature.

L'Union européenne a réussi dans la mobilisation rapide et efficace de ses crédits de reconstruction , mais a failli à certains égards dans le respect de la neutralité qu'elle doit observer dans ses recrutements comme dans le choix des sous-traitants. Le contrôle communautaire des crédits mis en oeuvre s'est en outre révélé lacunaire.

Le gouvernement français a fait preuve d'un certain manque de réactivité et de fermeté à l'égard de la défense des intérêts français dans le secteur des télécommunications. L'écho donné par l'administration centrale aux inquiétudes des opérateurs français, relayées par le poste diplomatique, ne semble pas à la hauteur du préjudice et de l'humiliation subis.

La liaison entre Paris et le Bureau de liaison de la France de Pristina pourrait être grandement améliorée (information exhaustive sur les projets en cours) et accorder davantage de responsabilités à la représentation locale, notamment en matière de gestion des crédits et de contrôle sur place du déroulement des projets.

Un partenariat pourrait être établi entre la Cour des comptes du Kosovo et une Chambre régionale des comptes.

L'Alliance française pourrait implanter une antenne sur place, compte tenu du potentiel d'apprentissage de notre langue et du capital de sympathie dont bénéficie notre pays. Ce capital doit néanmoins se convertir en francophilie, ferment d'expansion de la francophonie et de marchés d'entreprise futurs.

Le reliquat des projets financés par Développement Local Balkans pourrait être rétrocédé au Bureau de liaison de la France.

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