D. LE POIDS DÉTERMINANT ET LA COMPLEXITÉ DES ALLÈGEMENTS DE DETTE
Les allègements de dette consentis par la France représentent un montant de 10 à 13 milliards d'euros (selon les estimations en cours d'actualisation) qui se décompose en deux grandes masses. La première correspond à la contribution multilatérale , c'est-à-dire aux annulations réalisées en Club de Paris au titre de la mise en oeuvre des termes de Naples puis des suivants, en particulier l'application de l'initiative PPTE, lancée à Lyon en juin 1996 puis renforcée à Cologne en 1999. La seconde fraction, qui représente environ 4,9 milliards d'euros, correspond au volet bilatéral volontaire et additionnel , qui est réalisé au-delà du cadre de base de l'initiative PPTE renforcée. Ce coût se répartit de la manière suivante : d'une part, l'annulation de la totalité des créances d'APD à hauteur de 100 % représente 3,9 milliards d'euros et est concrétisée dans le cadre des C2D. D'autre part, l'annulation à 100 %, dès le point de décision, des créances commerciales éligibles aux traitements en Club de Paris, conformément à l'engagement pris lors du sommet de Yaoundé en janvier 2001, représente un milliard d'euros.
La France, en tant que premier créancier public des pays éligibles à l'initiative PPTE, est le pays qui consent l'effort d'annulation le plus important . Le coût des annulations réalisées par la France représente ainsi quatre fois celui supporté par les Etats-Unis ou le Royaume-Uni.
Le « jaune » révèle que les annulations de dette représente 30 % de l'APD française en 2004, sans toutefois préciser comment ce montant est calculé. Les annulations ne représentent bien entendu qu'une part des mouvements comptables enregistrés au titre de la dette, la majeure partie étant constituée de recettes, versements de prêts et refinancements enregistrés dans les comptes spéciaux du Trésor. La comptabilisation des sommes annulées répond à des mécanismes complexes et est largement soustraite au contrôle parlementaire , dans la mesure où la majeure partie des créances annulées est portée sur les découverts du Trésor ou de la Coface. En outre, ces annulations ne sont pas intégralement prises en compte en APD par l'OCDE. Les différences entre comptabilisation budgétaire et comptabilisation par le CAD sont précisées dans la première partie.
L'imputation globale dans les comptes de l'Etat est ainsi la suivante :
- les chapitres 14-01 (article 90) du budget des charges communes et 44-97 (article 50) de celui du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie recueillent les indemnisations versées par l'Etat et correspondant aux annulations supportées respectivement par Natexis (24,7 millions d'euros en 2003) et l'AFD 68 ( * ) (262 millions d'euros). Ces articles budgétaires retracent en particulier l'impact des échéances de dette remises dans le cadre des dispositifs multilatéral de Toronto et bilatéraux de Dakar I et II et de Yaoundé ;
- l'article 50 du chapitre 41-43 « concours financiers » du budget des affaires étrangères supporte, ainsi qu'il a été indiqué, les annulations réalisées dans le cadre des C2D. Il convient de rappeler que la comptabilisation budgétaire inclut le montant du principal et des intérêts des créances annulées, mais que seules les annulations en intérêts sont comptabilisées en APD et transmises au CAD, dans la mesure où les C2D concernent des dettes d'APD et non des dettes commerciales. Dès lors la comptabilisation de l'intégralité de la créance annulée contribuerait à la prendre en compte deux fois, puisqu'elle a déjà été originellement comme un effort d'APD au moment de l'octroi du prêt à taux bonifié ;
- les annulations COFACE ne conduisent pas à un coût budgétaire mais sont déclarées en APD. Elles ont néanmoins un coût budgétaire indirect en ce qu'elle contribuent à diminuer la capacité de prélèvement sur le compte de l'Etat lié à la COFACE, ces prélèvements venant s'inscrire en recettes sur le budget général ;
- les annulations portant sur des prêts du Trésor 69 ( * ) décidées en Club de Paris, sont enfin portées sur les découverts du Trésor, donc hors budget, après avoir transité par le compte spécial du Trésor n° 903-17. Ces annulations sont approuvés par le Parlement a posteriori , lors du vote de la loi de règlement. La mise en oeuvre de ces annulations nécessite en outre, lors de chaque accord introduisant de nouvelles modalités d'annulation (Toronto, Dakar, Libreville, Yaoundé) une autorisation en loi de finance, qui fixe un plafond pour ces opérations dans un article spécifique. Ce plafond est ensuite régulièrement relevé par amendement gouvernemental en loi de finances rectificative afin de permettre à la France de faire face à ses engagements. La loi de finances rectificative pour 2002 a ainsi autorisé le relèvement du plafond des dispositifs Dakar I et II de 300 millions d'euros, pour fixer un nouveau plafond de 1,82 million d'euros. Dès lors, les modalités d'approbation tardive en loi de finances rectificative, par amendement gouvernemental, comme en loi de règlement tendent à occulter tout débat et ne sont guère respectueuses des prérogatives du Parlement .
Au total, à peine 18 % des annulations de dettes sont imputées sur des chapitres budgétaires, et la moitié aux découverts du Trésor. La ventilation prévisionnelle des imputations pour 2003 est la suivante :
Coût et imputation des annulations de dettes depuis 1995 - Prévisions pour 2003 et 2004 (en millions d'euros) |
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|
Impact budgétaire |
Impact non budgétaire |
|
||||||||
|
Natexis (chapitre 14-01 art. 90 par. 21) |
AFD (chapitre 44-97 article 50 par 30 ) |
C2D (MAE chapitre 41-43 |
Transport aux découverts du Trésor |
COFACE |
TOTAL |
|||||
1995 |
46,4 |
485,1 |
- |
273,2 |
104 |
908,6 |
|||||
1996 |
52,5 |
447,3 |
- |
324,9 |
251,4 |
1.076,1 |
|||||
1997 |
30,3 |
411 |
- |
190,3 |
222,3 |
853,8 |
|||||
1998 |
0 |
388,6 |
- |
263,9 |
137,3 |
789,8 |
|||||
1999 |
0,1 |
366,8 |
- |
348,9 |
140,7 |
856,5 |
|||||
2000 |
0,1 |
339,7 |
- |
79,5 |
70,3 |
489,6 |
|||||
2001 |
0 |
296,7 |
- |
82,9 |
50,4 |
430,1 |
|||||
2002 |
0 |
257,8 |
- |
584,5 |
413,5 |
1.255,8 |
|||||
2003 |
24,7 |
261,8 |
24,8 |
923 |
495,7 |
1.729,9 |
|||||
Part en % |
1,4 % |
15,1 % |
1,4 % |
53,4 % |
28,7 % |
|
|||||
2004 |
0 |
204,3 |
137,5 |
1.110,6 |
1.206,3 |
2.658,7 |
|||||
Part en % |
0 |
7,7 % |
5,2 % |
41,8 % |
45,4 % |
|
|||||
TOTAL |
154,1 |
3.459,1 |
162,3 |
4.181,7 |
3.091,9 |
11.049,1 |
|||||
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie |
|||||||||||
Principales créances de la France sur les Etats étrangers au 31 décembre 2002 (en millions d'euros) |
|||||||||||
|
Arriérés |
Capital restant dû |
Commentaire du Trésor |
||||||||
Principal |
Intérêts |
||||||||||
Algérie |
6,4 |
8,5 |
2.473,3 |
|
|||||||
dont créances APD |
4,8 |
8,4 |
600,8 |
||||||||
Angola |
374,6 |
123,7 |
41,3 |
La reprise des paiements sur les arriérés dépendra de la conclusion d'accords avec le FMI et le Club de Paris. Aucun calendrier à ce stade |
|||||||
dont créances APD |
56,6 |
29 |
41,3 |
||||||||
Brésil |
2,3 |
2,3 |
1.209,9 |
|
|||||||
dont créances APD |
- |
- |
103,6 |
||||||||
Cameroun |
1,2 |
0 |
1.443,9 |
Pays éligible à l'initiative PPTE |
|||||||
dont créances APD |
- |
- |
1.010,3 |
||||||||
Congo-Brazzaville |
635,1 |
412,6 |
754,2 |
Pays éligible à l'initiative PPTE. Attente d'un programme FMI et Club de Paris pour apurement des arriérés |
|||||||
|
139,1 |
75,9 |
207,5 |
||||||||
RD Congo |
154,6 |
135,3 |
958,2 |
Pays éligible à l'initiative PPTE |
|||||||
dont créances APD |
99,1 |
66,4 |
209,2 |
||||||||
Côte d'Ivoire |
180,6 |
23,9 |
2.253 |
Pays éligible à l'initiative PPTE. Attente d'un programme FMI et Club de Paris pour une reprise des paiements |
|||||||
dont créances APD |
179,8 |
23,8 |
1.326,9 |
||||||||
Cuba |
391,6 |
98,3 |
- |
Cuba n'est pas membre du FMI. Discussions au sein d'un groupe de créanciers interrompues en 2000 |
|||||||
dont créances APD |
- |
- |
- |
||||||||
Egypte |
3,5 |
- |
4.292,1 |
|
|||||||
dont créances APD |
- |
- |
768,2 |
||||||||
Gabon |
103,7 |
111,3 |
1.257,3 |
Pays éligible à l'initiative PPTE. Attente d'un accord FMI puis Club de Paris pour reprise des paiements |
|||||||
dont créances APD |
17,1 |
3,4 |
231,6 |
||||||||
Indonésie |
- |
- |
1.894,1 |
|
|||||||
dont créances APD |
- |
- |
1.142,2 |
||||||||
Irak |
2.861,1 |
- |
- |
|
|||||||
dont créances APD |
- |
- |
- |
||||||||
Jordanie |
- |
0,2 |
751,2 |
|
|||||||
dont créances APD |
- |
- |
87,2 |
||||||||
Maroc |
34,1 |
17,3 |
1.432,5 |
|
|||||||
dont créances APD |
32,3 |
17,1 |
1.365 |
||||||||
Nigéria |
192,5 |
304,4 |
3.835,9 |
Le Nigéria accumule de nouveaux arriérés. Le Club de paris s'efforce d'obtenir la reprise des paiements |
|||||||
dont créances APD |
1,8 |
0,5 |
9,7 |
||||||||
Pérou |
- |
- |
1.202,4 |
|
|||||||
dont créances APD |
- |
- |
76,6 |
|
|||||||
Pologne |
0,6 |
- |
3.294,9 |
|
|||||||
dont créances APD |
- |
- |
5,9 |
|
|||||||
Russie |
- |
- |
2.735 |
|
|||||||
dont créances APD |
- |
- |
- |
|
|||||||
Tunisie |
24 |
7,7 |
678,9 |
|
|||||||
dont créances APD |
23,5 |
7,7 |
678,9 |
|
|||||||
Total 19 principaux débiteurs |
4.962,4 |
1.245,5 |
30.508,1 |
|
|||||||
TOTAL tous débiteurs |
5.840,8 |
1.597,2 |
39.581,9 |
|
|||||||
Source : direction du Trésor N.B. Les montants indiqués correspondent à des totaux, sans précision sur les comptes d'imputation (CST 903-17 et 903-07, comptes de Natexis, de la Coface et de l'AFD pour compte propre). |
* 68 Cf. le détail par paragraphe dans la sous-partie III - C.
* 69 En 2002, les principales annulations de prêts du Trésor ont été réalisées au profit de la Yougoslavie (100,9 millions d'euros, selon des termes « ad hoc »), la Côte d'Ivoire (245,1 millions d'euros, selon les termes de Lyon) et le Mozambique (179,6 millions d'euros, selon les termes de Cologne et de Yaoundé).
En 2003, elles ont été réalisées au profit de la République Démocratique du Congo (747,7 millions d'euros selon les termes de Naples), de la Yougoslavie (47,3 millions d'euros selon les termes de Naples) et du Niger (68,5 millions d'euros selon les termes de Cologne et de Yaoundé).