ARTICLE 69
ter (nouveau)
Possibilité offerte aux exploitants agricoles de
constituer simultanément une déduction pour investissements et
une déduction pour aléas
Commentaire : le présent article vise à permettre aux exploitants agricoles de constituer simultanément une déduction pour investissement et une déduction pour aléas d'exploitation.
I. LE DROIT EXISTANT
Le code général des impôts définit deux mécanismes de déduction fiscale applicables aux exploitants agricoles soumis à un régime réel d'imposition.
A. LE RÉGIME DE LA DÉDUCTION POUR INVESTISSEMENT
L'article 72 D du code général des impôts définit les conditions dans lesquelles les exploitants agricoles soumis au régime réel d'imposition peuvent recourir au mécanisme de la déduction pour investissement (DPI).
Ainsi, le premier alinéa du I de l'article 72 D précité précise que les exploitants agricoles, soumis à un régime réel d'imposition, peuvent déduire chaque année de leur bénéfice une somme plafonnée soit à 2.300 euros, soit à 35 % de ce bénéfice dans la limite de 8.000 euros . Ce plafond est majoré de 10 % de la fraction du bénéfice comprise entre 23.000 euros et 76.300 euros.
En outre, le deuxième alinéa du I de l'article 72 D précité dispose que cette somme plafonnée doit être utilisée par l'exploitant, dans les cinq ans suivant la réalisation de la déduction, pour l'acquisition et la création d'immobilisations amortissables strictement nécessaires à l'activité, ou pour l'acquisition et la production de stocks de produits ou d'animaux dont le cycle de rotation est supérieur à un an, ou enfin, pour l'acquisition de parts sociales de sociétés coopératives agricoles .
Enfin, le dernier alinéa du I de l'article 72 D précité prévoit que, lorsqu'elle n'est pas utilisée conformément à son objet, la déduction est rapportée aux résultats de la cinquième année suivant sa réalisation. Sur demande de l'exploitant, elle peut être rapportée en tout ou partie au résultat d'un exercice antérieur lorsque ce résultat est inférieur d'au moins 20 % à la moyenne des résultats des trois exercices précédents . Pour le calcul de cette moyenne, il n'est pas tenu compte des reports déficitaires.
B. LE RÉGIME DE LA DÉDUCTION POUR ALÉAS D'EXPLOITATION
L'article 72 D bis du code général des impôts, introduit par l'article 82 de la loi de finances initiale pour 2002 111 ( * ) , définit les conditions dans lesquelles les exploitants agricoles, soumis au régime réel d'imposition, peuvent recourir au mécanisme de la déduction pour aléas.
Ainsi, le premier alinéa du I de l'article 72 D bis précité dispose que les exploitants soumis au régime réel d'imposition et qui ont souscrit une assurance couvrant les dommages aux cultures ou la mortalité du bétail peuvent, sur option, déduire de leur bénéfice une somme plafonnée soit à 3.000 euros, soit à 40 % de ce bénéfice dans la limite de 12.000 euros . Ce plafond est majoré de 20 % de la fraction de bénéfice comprise entre 30.000 euros et 76.000 euros.
En outre, le deuxième alinéa du I de l'article 72 D bis précité précise que cette déduction s'exerce à la condition que, à la clôture de l'exercice, l'exploitant ait inscrit à un compte d'affectation ouvert auprès d'un établissement de crédit une somme provenant des recettes de l'exploitation de cet exercice au moins égal au montant de la déduction . L'épargne professionnelle ainsi constituée doit être inscrite à l'actif du bilan de l'exploitation.
Enfin, le cinquième alinéa de cet article dispose que les sommes déposées sur le compte peuvent être utilisées au cours de cinq exercices qui suivent celui de leur versement pour les emplois prévus au troisième alinéa du I de l'article 72 D ou en cas d'intervention de l'un des aléas d'exploitation dont la liste est fixée par décret 112 ( * ) .
La déduction pour aléas d'exploitation constitue donc un mécanisme d'épargne défiscalisée qui a pour but de favoriser la constitution d'une véritable épargne professionnelle de précaution afin d'aider les exploitants agricoles à faire face à des investissements futurs ou à des aléas d'ordre climatique, sanitaire, économique ou familial affectant la conduite de l'exploitation.
D'après les informations recueillies par votre rapporteur général, cette déduction pour aléas devrait pouvoir concerner 250.000 exploitations imposées d'après le bénéfice réel. Toutefois, en réalité, seules quelques dizaines d'exploitations ont eu recours à cette déduction pour aléas en raison, notamment, de l'absence sur le marché de produits d'assurance récolte satisfaisants.
C. L'ACTUELLE ARTICULATION ENTRE LES DEUX DÉDUCTIONS
La déduction pour aléas d'exploitation peut être considérée comme un mécanisme plus avantageux mais aussi plus contraignant que celui de la déduction pour investissement.
En premier lieu, il convient de souligner que l'article 72 D bis du code général des impôts dispose que les deux mécanismes de déduction fiscale ne sont pas cumulables. En effet, il est précisé que les exploitants agricoles qui pratiquent la déduction pour aléas renoncent définitivement aux dispositions prévues à l'article 72 B, relatives à la comptabilisation des stocks de produits ou d'animaux, pour les stocks qui auraient pu y ouvrir droit. En outre, ils ne peuvent pratiquer la déduction prévue à l'article 72 D (la DPI) durant la période couverte par l'option par l'exploitant agricole pour la DPA.
Les conditions de déductibilité du bénéfice imposable applicables à la DPA sont plus avantageuses que celles applicables à la DPI puisque les plafonds de déductibilité prévus sont plus élevés.
Les contraintes liées au dispositif de la DPA résident dans les modalités de réintégration des sommes déposées sur le compte en cas de non-utilisation ou d'utilisation non conforme de ces sommes.
Lorsque les sommes déposées sur le compte ne sont pas utilisées au cours des cinq exercices qui suivent celui de leur versement, la déduction correspondante est rapportée aux résultats du cinquième exercice suivant celui au titre duquel elle a été pratiquée.
Lorsque les sommes déposées sur le compte sont utilisées à des emplois autres que ceux définis précédemment au cours des cinq exercices qui suivent celui de leur dépôt, l'ensemble des déductions correspondant aux sommes figurant sur le compte au jour de cette utilisation est rapporté au résultat de l'exercice au cours duquel cette utilisation a été effectuée. Cette disposition prévoyant la réintégration immédiate de la DPA correspond à un mécanisme de sanction intervenant lorsque l'épargne initialement constituée par l'exploitant a été détourné de son objet, en ce sens elle différencie la DPA de la DPI.
En outre, le caractère plus contraignant de la DPA par rapport à la DPI réside également dans l'obligation qui est faite à l'exploitant agricole d'assurer les dommages aux cultures ou la mortalité du bétail, ainsi que de se constituer une véritable épargne en bloquant des sommes déposées sur un compte d'affectation ouvert auprès d'un établissement de crédit. Ce compte est un compte courant qui retrace exclusivement les opérations précédemment mentionnées.
II. LA PROPOSITION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article est issu de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement présenté par nos collègues députés Gilles Carrez, rapporteur général du budget, et Alain Marleix, rapporteur spécial du budget de l'agriculture, avec l'avis favorable du gouvernement.
Il vise à permettre l'exercice concurrent de la déduction pour investissement et de la déduction pour aléas, dans la limite d'un plafond commun égal au plafond actuellement fixé pour la déduction pour aléas. En contrepartie, la déduction pour aléas et la déduction pour investissement sont recentrées sur leurs objectifs respectifs.
A. LA FIXATION D'UN PLAFOND GLOBAL COMMUN AUX DEUX DÉDUCTIONS
Le III du présent article propose de créer un nouvel article 72 D ter du code général des impôts disposant que les déductions prévues aux articles 72 D et 72 D bis sont plafonnées à un montant global fixé, par exercice, soit à 3.000 euros dans la limite du bénéfice, soit à 40 % du bénéfice dans la limite de 12.000 euros. Ce montant est majoré de 20 % de la fraction de bénéfice comprise entre 30.000 euros et 76.000 euros.
Le plafond global désormais commun aux deux dispositifs est donc celui en vigueur dans la rédaction actuelle de l'article 72 D bis du code général des impôts relatif à la déduction pour aléas d'exploitation.
Pour les exploitations agricoles à responsabilité limitée qui n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, la limite globale des déductions est multipliée par le nombre des associés exploitants sans pouvoir excéder trois fois les limites ainsi fixées.
Enfin, le quatrième alinéa du III du présent article, par coordination avec les dispositions actuellement en vigueur dans le code général des impôts, précise que les déductions mentionnées au nouvel article 72 D ter sont pratiquées après application de l'abattement prévu à l'article 73 B.
B. LA MODIFICATION DU RÉGIME DE DÉDUCTION POUR INVESTISSEMENT
Le I du présent article vise à modifier certaines dispositions de l'article 72 D du code général des impôts.
Ainsi, le A du I du présent article précise que les exploitants soumis à un régime d'imposition peuvent pratiquer une déduction pour investissement dans les limites et conditions prévues à l'article 72 D ter du code général des impôts, créé par le présent article.
Il améliore également le dispositif de la déduction pour investissement en précisant que le décompte d'utilisation des sommes ainsi déduites est effectué en exercices et non plus en années.
Par coordination avec les dispositions du nouvel article 72 D ter du code général des impôts, il supprime le quatrième alinéa de l'article 72 D du même code selon lequel la déduction pour investissement est pratiqué après application de l'abattement prévu à l'article 73 B.
Enfin, il modifie les dispositions du dernier alinéa du I de l'article 72 D précité afin de préciser que, lorsqu'elle n'est pas utilisée conformément à son objet, la déduction est rapportée aux résultats du cinquième exercice, et non plus de la cinquième année, suivant sa réalisation. En outre, il est prévu qu'une réintégration anticipée des sommes déduites au titre de la déduction pour investissement et non utilisées ne serait possible que si le résultat de l'année au titre de laquelle il est proposé de réintégrer les sommes déduites est inférieure d'au moins 40 % à la moyenne des résultats des trois exercices précédents (au lieu de 20 % dans le droit existant), cette disposition étant prévue pour tenir compte des calamités agricoles.
Le B du I du présent article est de coordination.
C. LA MODIFICATION DU RÉGIME DE DÉDUCTION POUR ALÉAS
Le II du présent article vise à modifier certaines dispositions de l'article 72 D bis du code général des impôts.
Le A du II du présent article précise ainsi que les exploitants agricoles soumis à un régime réel d'imposition et qui ont souscrit une assurance couvrant les dommages aux cultures ou la mortalité du bétail peuvent pratiquer une déduction pour aléas dans les limites et conditions prévues à l'article 72 D ter du code général des impôts, créé par le présent article.
Il supprime les dispositions du quatrième alinéa de l'actuel article 72 D bis précité qui dispose notamment que les exploitants agricoles qui pratiquent la déduction pour aléas renoncent définitivement aux dispositions de l'article 72 B du même code pour les stocks qui auraient pu y ouvrir droit et qu'ils ne peuvent non plus pratiquer la déduction pour investissement durant l'exercice au titre duquel la déduction pour aléas est pratiquée et pour les quatre exercices suivants.
En outre, il est précisé que les sommes ainsi déposées sur le compte d'affectation spécifique prévu à cet effet peuvent être utilisées au cours des cinq exercices qui suivent celui de leur versement en cas d'intervention de l'un des aléas d'exploitation dont la liste est fixée par décret, et non plus alternativement, comme c'est le cas dans le dispositif actuel, pour les emplois prévus au titre de la déduction pour investissement.
Les autres dispositions du A et le B du II du présent article sont de coordination.
D. DISPOSITIONS DIVERSES
Le IV du présent article modifie l'article 71 du code général des impôts afin de prévoir que, s'agissant des groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC), les limites globales prévues par l'article 72 D ter du même code, introduit par le présent article, sont multipliées par le nombre d'associés sans pouvoir excéder trois fois les plafonds mentionnés.
Le V du présent article précise que ses dispositions sont applicables pour la détermination des résultats des exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2004.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Dans le cadre des travaux menés par le groupe de travail relatif à la réforme de la fiscalité agricole qu'elle a constitué au début de l'année 2003, votre commission des finances a été amenée à réfléchir aux évolutions possibles des deux mécanismes existants de déduction fiscale applicables aux exploitants agricoles.
Il est ainsi apparu que l'articulation entre la déduction pour investissement, définie à l'article 72 D du code général des impôts, et la déduction pour aléas, définie à l'article 72 D bis du même code, devait être revue.
La solution proposée par le présent article, qui consiste en la fixation d'un plafond global commun aux deux déductions et dans le recentrage de ces deux déductions sur leurs objectifs spécifiques respectifs, est de nature à clarifier l'articulation entre les deux dispositifs et, à terme, à permettre à la déduction pour aléas d'exploitation, créée par la loi de finances pour 2002 précitée, de produire pleinement ses effets, à savoir la constitution par les exploitants d'une épargne de précaution permettant de faire face aux aléas d'exploitation.
Désormais les deux déductions ne seront plus exclusives l'une de l'autre mais pourront être pratiquées ensemble à l'intérieur d'un plafond commun de déduction. Cette possibilité devrait permettre d'instiller plus de souplesse dans le recours aux deux mécanismes de déduction. En effet, dans le dispositif actuel, la déduction pour investissement, mécanisme souple et éprouvé, porte préjudice à la déduction pour aléas, plus contraignante et plus complexe à mettre en oeuvre.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 111 Loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001.
* 112 Décret n° 2002-1560 du 24 décembre 2002.