C. L'EFFORT D'HARMONISATION DES NORMES DANS LE CADRE DE L'UNION EUROPÉENNE
Les questions soulevées par les demandes d'asile doivent être désormais appréhendées à l'échelle de l'Union européenne.
L'augmentation globale des demandes d'asile en Europe ne doit toutefois pas dissimuler des évolutions très contrastées selon les pays. Ainsi entre 1992 et 2002, la demande d'asile a crû de 56% en Grande Bretagne mais baissé de 10% en Allemagne et de 28% aux Pays-Bas. La réduction des demandes d'asile dans ces pays parait corrélée avec la mise en oeuvre de législations plus restrictives.
Comme l'a montré la situation critique du centre de Sangatte dans le nord de la France, la disparité des législations européennes peut entraîner des mouvements secondaires importants de demandeurs d'asile entre les Etats membres de l'Union. En l'espèce, les étrangers présents dans cette structure d'accueil fermée le 30 décembre 2002, souhaitaient gagner le Royaume-Uni pour y trouver des conditions d'accueil plus favorables et en particulier, l'autorisation de travailler (six mois après le dépôt de la demande d'asile). A la lumière de cette expérience, le Royaume-Uni a supprimé le droit au travail des demandeurs d'asile. La loi relative à la nationalité, l'immigration et le droit d'asile adoptée par le Parlement britannique en novembre 2002, a par ailleurs durci les procédures d'accueil des demandeurs d'asile.
L'harmonisation européenne, nécessaire, doit conjurer un double écueil : d'une part, les effets d'appel suscités par les dispositifs les plus favorables, d'autre part, un alignement sur le plus petit dénominateur commun.
1. La mise en place progressive d'un cadre d'action précis
Le rapprochement des politiques en matière d'asile procède d'une prise de conscience très progressive des difficultés communes auxquelles les Etats membres de l'Union européenne sont confrontés.
La suppression des contrôles aux frontières intérieures des Etats signataires de la convention d'application de l'accord de Schengen 16 ( * ) conclue le 19 juin 1990 a d'abord conduit à harmoniser les règles pour entrer sur l' « espace commun » et en particulier à déterminer les critères d'identification de l'Etat responsable de la demande d'asile . Ces principes ont été repris par la convention de Dublin du 16 juin 1990, qui à la date de son entrée en vigueur le 1 er septembre 1997, s'est substituée au dispositif du chapitre VII de la convention de Schengen.
Le traité de Maastricht , signé le 7 février 1992, inclut pour la première fois la politique d'asile parmi les « questions d'intérêt commun » qui, dans le cadre du « troisième pilier » -justice et affaires intérieures- (titre VI du traité sur l'Union européenne), relève du processus de décision intergouvernemental . Le traité d'Amsterdam (2 octobre 1997) a transféré les questions liées à l'asile et à l'immigration dans un nouveau titre IV relatif aux « visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes » destiné à mettre en place un « espace de liberté, de sécurité et de justice » et auquel s'appliqueront les règles communautaires .
La mise en oeuvre des procédures de décision communautaire apparaît toutefois progressive et limitée. Progressive car pendant la période transitoire de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur du traité (soit avant le 1 er mai 2004), la Commission européenne partage son pouvoir d'initiative avec les Etats membres, la règle de l'unanimité s'applique et le Parlement européen n'est que consulté. Limitée car à l'issue de la période transitoire, si la Commission retrouve l'exclusivité du droit d'initiative, il appartiendra au Conseil de décider à l'unanimité le passage à la majorité qualifiée et à la codécision avec le Parlement européen.
Néanmoins, le traité de Nice (26 février 2001) a marqué une étape supplémentaire vers la majorité qualifiée et la codécision. Celles-ci seraient appliquées dès lors qu'une législation commune fixant les règles communes aura été adoptée préalablement.
Le conseil européen de Tampere (15 et 16 octobre 1999), entièrement consacré à la Justice et aux affaires intérieures, a appelé à « la mise en place d'un régime d'asile européen commun, fondé sur l'application intégrale et globale de la convention de Genève » et confié à la Commission le soin d'établir un « tableau de bord » des mesures destinées à créer un « espace de liberté, de sécurité et de justice ».
A l'actif de la politique européenne d'asile, il convient de mentionner à ce jour principalement trois mesures :
- la directive sur la protection temporaire (20 juillet 2001) qui institue une protection spécifique en cas d'afflux massif de personnes déplacées et fixe les principes de répartition entre les Etats membres -les dispositions en ont été reprises dans le projet de loi relatif à l'immigration en cours d'examen devant le Parlement ;
- le règlement dit « Dublin II » adopté le 18 février 2003 qui retient les mêmes principes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile que la convention de Dublin auquel il se substitue ;
- la mise en service de la base de données EURODAC , le 15 janvier 2003, système de comparaison des empreintes digitales des demandeurs d'asile au sein de l'Union européenne qui devrait permettre de rendre plus effectifs les critères fixés par le règlement de Dublin en renvoyant le demandeur vers le pays où ses empreintes ont été initialement enregistrées.
La directive relative aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile adoptée le 27 janvier 2003 n'a pu, quant à elle, dépasser le stade d'une harmonisation a minima .
Par ailleurs deux propositions de directive en cours de discussion concernent, la première, la définition du réfugié et de la protection subsidiaire 17 ( * ) et la seconde, les procédures d'octroi et de retrait du statut de réfugié 18 ( * ) . Elles fixent des normes minimales : le cas échéant, les Etats-membres peuvent adopter des dispositions plus favorables.
Le présent projet de loi transpose par anticipation les mesures qui, dans le cadre de ces directives, ont fait l'objet d'un accord de principe des Quinze.
Il retient de la proposition relative à la définition du réfugié et de la protection subsidiaire quatre notions: la prise en compte des persécutions émanant d'agents non étatiques et parallèlement, la reconnaissance des acteurs de protection non étatiques , la définition de la « protection subsidiaire » et la possibilité pour le demandeur d'asile d'obtenir une protection sur une partie de son pays d'origine .
Il s'inspire également de la seconde directive, relative à la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, en prenant en compte la notion de pays d'origine sûr qui permet d'appliquer une procédure d'examen prioritaire à des demandeurs ressortissants de pays considérés comme sûrs.
* 16 L'accord de Schengen a été signé le 15 juin 1985 par la France, l'Allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg. Le nombre des signataires de la convention d'application de l'accord de Schengen s'est progressivement élargi à l'ensemble pays membres de l'Union européenne à l'exception du Royaume-Uni et de l'Irlande. Les accords de Schengen ont été intégrés dans le traité communautaire par le traité d'Amsterdam en 1997.
* 17 Proposition du Conseil concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers et les apatrides pour prétendre au statut de réfugié ou de personne qui, pour d'autres raisons, a besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, COM (2001) 510 final.
* 18 Proposition modifiée de directive du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, COM (220) 326 final.