2. Les risques liés au détournement des procédures

Comme le soulignait le ministre des Affaires étrangères, M. Dominique de Villepin, « la confusion entre un choix, l'immigration, et un droit, l'asile, porte atteinte à l'action publique » 13 ( * ) .

PROCÉDURES DE DEMANDE D'ASILE

1 ère étape - L'accès au territoire

Deux hypothèses :

L'étranger se présente aux frontières maritimes, aériennes, ferroviaires pour entrer en France au titre de l'asile

il sera maintenu en zone d'attente le temps strictement nécessaire à l'examen par le ministre de l'intérieur tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée ;

si la demande n'apparaît pas manifestement infondée, l'intéressé reçoit un sauf-conduit qui l'autorise à se rendre à la préfecture pour demander l'asile territorial ou son admission au séjour en vue du dépôt d'une demande d'asile conventionnel auprès de l'OFPRA.

L'étranger est entré en France par la route ou se trouve déjà présent sur le territoire dans une situation irrégulière

il se présente directement à la préfecture pour demander l'asile territorial ou son admission au séjour en vue du dépôt d'une demande d'asile conventionnel auprès de l'OFPRA.

L'asile conventionnel

2 ème étape - La préfecture

Délivrance de l' autorisation provisoire de séjour (APS) portant la mention « en vue de demander auprès de l'OFPRA » valable un mois.

3 ème étape - l'OFPRA

Saisine de l'OFPRA :

- Lorsque l'APS a été refusée pour l'une des trois raisons visées à l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952 (changement de circonstances dans le pays d'origine ; menace à l'ordre public ; demande dilatoire), l'OFPRA statue de manière prioritaire . Possibilité d'un recours non suspensif devant la Commission des recours ;

L'asile territorial

2 ème étape - La préfecture

Audition du demandeur.

3 ème étape - Le ministre de l'Intérieur

Transmission de la demande avec avis motivé au ministre de l'Intérieur qui transmet, pour avis, au ministre des Affaires étrangères.

L'octroi de l'asile territorial conduit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » au demandeur et, le cas échéant, au conjoint et enfants mineurs.

- Lorsque l'APS est accordée et après la saisine de l'OFPRA, la préfecture délivre un « récépissé constatant le dépôt d'une demande de statut de réfugié » valable trois mois, renouvelable jusqu'à la notification de la décision de l'Office.

En cas de reconnaissance de la qualité de réfugié, l'Office délivre un certificat de réfugié qui permet de demander une carte de résident .

4 ème étape (éventuellement) - La Commission des recours

En cas de rejet, la Commission des recours peut être saisie dans un délai d'un mois suivant notification de la décision de rejet par l'OFPRA.

En cas d'annulation de la décision de l'OFPRA, celui-ci doit accorder le certificat de réfugié.

En cas de confirmation de la décision de l'OFPRA, le demandeur n'a plus droit au séjour et doit quitter le territoire dans un délai d'un mois.

5 ème étape (éventuellement) - Le Conseil d'Etat

- Possibilité de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat (le recours ne prolonge pas le droit au séjour).

- Possibilité d'une demande de réouverture devant l'OFPRA en cas de « faits nouveaux intervenus postérieurement à la première décision juridictionnelle ». L'intéressé doit solliciter une admission au séjour préalable au dépôt de la demande de réexamen.

L'augmentation du nombre des demandeurs d'asile a eu pour première conséquence l' engorgement des services chargés d'accorder l'asile : l'Office de protection des réfugiés et apatrides et la Commission des recours des réfugiés pour la reconnaissance du statut de réfugié, le ministère de l'Intérieur pour l'octroi de l'asile territorial.

Ainsi le nombre de dossiers en instance devant l'OFPRA s'élevait à la fin de l'année 2002 à 34 588. Les nouveaux moyens mis à disposition de l'Office (création en octobre 2001 d'une division Eurafrique précisément chargée de résorber les dossiers de plus de six mois et recrutement de 29 officiers de protection) ne lui ont permis de traiter en 2002 que l'équivalent du flux annuel de demandes.

Par ailleurs, le nombre des recours contre les décisions de refus de l'OFPRA porté devant la Commission des recours des réfugiés a progressé de plus de 20  % entre 2001 et 2002 pour atteindre le chiffre de 31.502. Malgré une augmentation du rythme d'examen des affaires (avec une hausse de 32 % des décisions rendues entre 2000 et 2001), le nombre de dossiers en instance s'élevait au 31 décembre 2002 à 20.500. Il pourrait atteindre, d'après les informations communiquées à votre rapporteur, 32.000 à la fin de cette année.

Les stocks de dossiers de demandes d'asile territorial instruits par les préfectures avant transmission au ministère de l'Intérieur représentent près de 15 000 dossiers 14 ( * ) .

Cette charge a pour corollaire l' allongement du délai d'examen des demandes : entre 2001 et 2002, il est ainsi passé de 7 mois à 10,7 mois devant l'OFPRA. Il est supérieur à six mois devant la Commission des recours. Enfin, ce délai est de l'ordre de vingt-deux mois pour l'asile territorial.

Ces délais sont à l'origine d'une dérive des coûts estimés de la prise en charge des demandeurs d'asile passés de 150 millions d'euros en 2000 à 200 millions d'euros en 2001 et à 270 millions d'euros en 2002 15 ( * ) . Selon l'exposé des motifs du présent projet de loi, le traitement administratif de la demande ne représente que 10 % de la dépense totale. Les demandeurs d'asile n'ont pas le droit de travailler et sont à la charge de la collectivité jusqu'au moment où il est statué sur leur demande. Les demandeurs du statut de réfugié peuvent être hébergés en centre d'accueil pour demandeur d'asile (CADA) ou bénéficier d'une allocation d'insertion (9,55  € par jour) pendant une année. En outre, l'ensemble des demandeurs (statut de réfugié et asile territorial) bénéficient de la couverture maladie universelle ou, en l'attente de la remise de leur titre de séjour, de l'aide médicale d'Etat.

Enfin, la multiplication des demandes d'asile s'est accompagnée d'une réduction drastique de la proportion des décisions favorables de reconnaissance du statut de réfugié . De l'ordre de 80 % au début des années quatre-vingt, elle est passée à 17 % en 2002 soit quelque 8.500 certificats de réfugié (dont 25 % font suite à des annulations de la Commission des recours). Les taux d'admission les plus élevés au statut de réfugié ont concerné les demandeurs originaires du Rwanda (81 %) et des pays du Sud-est asiatique (55 %) ; les taux les plus faibles -inférieurs à 0,7 %- ont concerné les ressortissants de Chine et du Mali. Le taux d'octroi de l'asile territorial, structurellement faible, a reculé depuis la mise en place de cette forme d'asile : il est passé de 6 % en 1999 à 0,3 % en 2002.

Le rejet d'une demande d'asile doit en principe se traduire par une mesure de reconduite à la frontière. Néanmoins, plus le temps de présence sur le territoire s'allonge en raison de la lenteur des délais, plus il apparaît difficile en pratique de mettre à exécution ces mesures d'éloignement. De fait, le taux de reconduite aux frontières des déboutés du droit d'asile ne dépasserait pas 5 % .

* 13 Dominique de Villepin, Le renouveau du droit d'asile. La Croix,17 juin 2003.

* 14 Soit 10  000 en cours d'instruction devant les préfectures et 5  000 en instance de décision au ministère de l'Intérieur.

* 15 Les dépenses d'hébergement représentent une part prépondérante de cette croissance : 107 millions d'euros en 2001, 170  millions d'euros en 2002, 239  millions d'euros en 2003.

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