2. La réalité des enfants au travail
Mais la maltraitance peut également prendre un visage moins reconnaissable ; c'est notamment le cas de certaines formes de travail des mineurs.
a) Une législation variable
La convention 138 de l'Organisation internationale du Travail (OIT), qui demeure l'instrument de référence, fixe la norme de base à quinze ans pour l'âge d'admission au travail. Elle prévoit néanmoins un assouplissement à quatorze ans lorsque les institutions scolaires ne sont pas suffisamment développées, et introduit la notion de travaux dangereux pour exiger des limites d'âge supérieures.
En outre, la Charte communautaire de 1989 aligne l'âge minimum d'admission à l'emploi sur l'âge de fin de scolarité obligatoire, qui ne peut en tout cas être inférieur à quinze ans. C'est également l'âge retenu par la directive européenne 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail, qui n'a d'ailleurs été transposée dans le droit français qu'en février 2001, après une condamnation de la France par la Cour de justice des communautés européennes.
Si le travail des enfants en France est interdit en deçà de seize ans, des dérogations viennent atténuer ce principe, en limitant néanmoins le travail des enfants à des catégories spécifiques ou à des moments pris en dehors du temps scolaire. Ces dérogations correspondent à des objectifs bien déterminés :
- un objectif d'insertion professionnelle ou de découverte du monde du travail : sont concernés les apprentis, les jeunes suivant un enseignement en alternance, les adolescents de plus de quatorze ans effectuant des travaux légers pendant les vacances scolaires ;
- un objectif d'entraide familiale dans les établissements où ne sont employés que des membres de la famille, pour l'essentiel dans le commerce, l'artisanat ou l'agriculture ;
- en outre, sous certaines conditions, le travail des enfants dans les métiers du spectacle et de la publicité est autorisé.
Ces différentes situations expliquent qu'en France, des enfants puissent légalement travailler en deçà de l'âge minimum d'admission à l'emploi de seize ans. Elles relèvent d'un cadre juridique précis, dont le non-respect est passible de sanctions pénales.
b) Des abus certains
Si la législation française offre, en principe, aux enfants en situation de travail une protection réelle, des failles subsistent dans le dispositif.
Hors des cas cités précédemment, les activités impliquant des enfants relèvent de deux catégories :
- leur participation à une activité organisée en marge de la légalité, voire franchement illégale ;
- leur participation à une « activité-source de gains » dont le jeune a la libre disposition ou, au contraire, à une activité dont les revenus sont reversés aux parents, voire à des tiers.
Dans le cas de mineurs de moins de seize ans employés illégalement, le danger provient notamment du travail dissimulé. Si le phénomène est par définition difficile à appréhender, les constats opérés par les services concernés mettent en évidence d'incontestables situations d'exploitation, notamment dans certains ateliers, établissement d'hôtellerie et de restauration, dans le domaine agricole ou encore dans le cadre de l'économie parallèle.
Il peut donc bien s'agir, dans les cas extrêmes, d'enfants en danger, de la même manière que ceux en situation de grave manquement à l'obligation scolaire, les deux phénomènes étant liés dans certains cas.