TITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES
AUX EXPERTS JUDICIAIRES
Dès 1606, Henri IV prescrivait dans un édit que
son
premier médecin commettrait dans les villes, bourgs et lieux du royaume,
un ou deux chirurgiens pour assister aux visites et rapports qui se feraient
par ordonnance de justice et autrement. Les premières listes de
médecins experts sont apparues à la fin du dix-neuvième
siècle à la suite d'une loi du 30 novembre 1892.
Plus récemment, une loi de 1957 a prévu, en matière
pénale, l'élaboration de listes d'experts établies par les
cours d'appel et par le bureau de la Cour de cassation. La loi n°71-498 du
29 juin 1971 relative aux experts judiciaires a prévu
l'établissement de listes d'experts en matière civile. Les listes
en matière civile et en matière pénale sont
désormais les mêmes et la loi de 1971 est le cadre dans lequel
sont définies les conditions d'inscription sur les listes d'experts
judiciaires.
Une nouvelle nomenclature des rubriques expertales a été
établie en 2002. Celle-ci comporte les rubriques suivantes :
- Agriculture, agro-alimentaire, animaux, forêts ;
- Arts, culture, communication et médias ;
- Bâtiments, travaux publics, gestion immobilière ;
- Économie et finances ;
- Industries ;
- Santé ;
- Criminalistique et sciences criminelles ;
- Interprétariat, traduction.
Ces rubriques sont elles-mêmes divisées en nombreuses
sous-rubriques.
Le juge n'est pas tenu, sauf exception, de choisir les experts qu'il
désigne au sein des listes dressées pour son information. En
pratique cependant, il a le plus souvent recours à des experts inscrits.
Or, les modalités d'établissement des listes d'experts
judiciaires sont critiquées, en tant qu'elles ne garantissent pas un
véritable contrôle des compétences des experts et de leur
connaissance des règles du procès. L'instruction des candidatures
passe par la consultation de multiples assemblées
générales de juridictions, qui ne paraissent guère en
mesure d'examiner de manière approfondie les situations individuelles.
Surtout, les experts ne sont inscrits sur les listes que pour un an, mais la
réinscription est en pratique quasiment automatique.
Le titre V du présent projet de loi a pour objet de rénover la
loi de 1971 en modifiant les conditions de recrutement des experts pour
renforcer le contrôle exercé sur les candidatures et
prévoir un véritable réexamen périodique de la
situation de chaque expert.
A titre liminaire, votre rapporteur estime que la loi du 29 juin 1971 relative
aux experts judiciaires, que le présent projet de loi tend à
modifier substantiellement, devrait, compte tenu de son importance, être
codifiée. Le code de l'organisation judiciaire constituerait sans doute
le meilleur cadre pour accueillir les dispositions de cette loi. Votre
commission n'a pas présenté d'amendements de codification parce
que le projet de loi relatif aux simplifications administratives, en cours de
discussion, tend à habiliter le Gouvernement à refondre par
ordonnance le code de l'organisation judiciaire. Il paraît
préférable que la codification de la loi de 1971 soit
opérée dans le cadre de la refonte globale du code de
l'organisation judiciaire.
Votre commission souhaite vivement que la loi
relative aux experts judiciaires fasse partie des textes appelés
à être intégrés dans ce code.
Article 39
(art. 1er de la loi n° 71-498 du 29 juin
1971
relative aux experts judiciaires)
Choix des experts par les
juges
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 1
er
de la loi du
29 juin 1971 relative aux experts judiciaires dispose que
«
les juges peuvent, en matière civile, désigner en
qualité d'expert toute personne de leur choix sous les seules
restrictions prévues par la loi ou les règlements
».
La solution retenue par cet article est différente de celle qui
prévaut en matière pénale. L'article 157 du code de
procédure pénale prévoit en effet que les experts sont
choisis sur les listes dressées par le bureau de la Cour de cassation ou
les cours d'appel. Le choix d'un expert hors des listes ne peut être fait
qu'à titre exceptionnel, par décision motivée.
Le présent article tend à apporter plusieurs modifications
à l'article 1
er
de la loi du 29 juin 1971,
sans remettre en cause le principe de la possibilité pour le juge de
choisir comme expert toute personne de son choix.
En premier lieu, le projet de loi tend à supprimer la mention :
«
en matière civile
» du texte de
l'article 1
er
de la loi du 29 juin 1971. Il convient
de rappeler que les listes d'experts ont d'abord été
prévues en matière pénale et que le principe d'une
obligation de choix des experts sur les listes dressées par le bureau de
la Cour de cassation et les cours d'appel a alors été retenu.
Dans ces conditions, lorsque a été élaborée la loi
du 29 juin 1971, le législateur, retenant le principe de libre
choix de l'expert par le juge, a précisé qu'il ne s'appliquerait
qu'en matière civile.
Les listes d'experts prévues par le code de procédure
pénale et celles prévues par la loi de 1971 sont désormais
les mêmes. La mention «
en matière
civile
» n'apparaît plus d'aucune utilité dès
lors que l'article 1
er
de la loi de 1971 prévoit que le
libre choix du juge s'applique «
sous les seules restrictions
prévues par la loi ou les règlements
». Dans ces
conditions, la suppression de la mention «
en matière
civile
» ne remet pas en cause les règles
spécifiques qui s'appliquent en matière pénale tout en
permettant de faire apparaître clairement que la loi de 1971 concerne
l'ensemble des experts judiciaires, qu'ils soient désignés par le
juge pénal ou par le juge civil.
En second lieu, le texte proposé pour l'article 1
er
de
la loi du 29 juin 1971 tend à prévoir que les juges
peuvent désigner toute personne de leur choix «
pour
procéder à des constatations, leur fournir une consultation ou
réaliser une expertise
». Le texte actuel prévoit
simplement que le juge peut désigner toute personne de son choix
«
en qualité d'expert
».
La modification proposée a pour objet de prendre en compte les
dispositions du nouveau code de procédure civile, issu pour l'essentiel
de décrets de 1975 et 1981. Le sous-titre II du titre VII du livre
premier de ce code est consacré aux mesures d'instruction. Le
chapitre V de ce sous-titre concerne les «
mesures
d'instruction exécutées par un technicien
».
Contrairement au code de procédure pénale, qui ne connaît
que l'expertise, le nouveau code de procédure civile mentionne plusieurs
types de «
mesures
d'instruction exécutées
par un technicien
». Ainsi, l'article 232 de ce code dispose
que «
le juge peut commettre toute personne de son choix pour
l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une
expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un
technicien
».
D'autres articles du nouveau code de procédure civile apportent des
précisions sur la nature de chacune de ces mesures :
- l'article 249 prévoit que «
le juge peut
charger la personne qu'il commet de procéder à des constatations.
Le constatant ne doit porter aucun avis sur les conséquences de fait ou
de droit qui peuvent en résulter
» ;
- l'article 256 précise que «
lorsqu'une question
purement technique ne requiert pas d'investigations complexes, le juge peut
charger la personne qu'il commet de lui fournir une simple
consultation
» ;
- enfin, l'article 263 dispose que «
l'expertise n'a
lieu d'être ordonnée que dans le cas où des constatations
ou une consultation ne pourraient suffire à éclairer le
juge
».
Le présent article tend à prendre en compte dans la loi de 1971
relative aux experts judiciaires la diversité des mesures que le juge
peut demander à un technicien d'exécuter.
*
Il
convient de noter que le projet de loi ne remet pas en cause la liberté
pour le juge de désigner toute personne de son choix pour
réaliser une expertise, qu'elle figure ou non sur une liste d'experts.
Une telle solution peut être discutée.
Ce principe de la liberté de choix des experts souffre des exceptions
importantes :
- en matière pénale, les experts sont nécessairement
choisis sur les listes dressées par le bureau de la Cour de cassation ou
par les cours d'appel. Le choix d'experts ne figurant pas sur ces listes ne
peut être fait qu'à titre exceptionnel et par une décision
motivée ;
- l'article 16-12 du code civil prévoit que
«
sont seules habilitées à procéder à
des identifications par empreintes génétiques les personnes ayant
fait l'objet d'un agrément dans des conditions fixées par
décret en Conseil d'Etat. Dans le cadre d'une procédure
judiciaire, ces personnes doivent en outre être inscrites sur une liste
d'experts judiciaires
»
;
- les expertises médicales prévues par le code de la
sécurité sociale sont nécessairement
réalisées par un expert figurant sur l'une des listes
prévues par la loi du 29 juin 1971 lorsque l'expert est
désigné par le directeur départemental des affaires
sanitaires et sociales ; le choix de l'expert n'est libre que lorsqu'il
est effectué d'un commun accord par le médecin traitant et le
médecin-conseil.
- la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades a
prévu l'établissement, par une commission nationale, d'une liste
nationale d'experts en accidents médicaux. Ces experts ne peuvent
être choisis que parmi ceux qui figurent sur l'une des listes
dressées par les cours d'appel en application de la loi du
29 juin 1971. Pour la mise en oeuvre de la nouvelle procédure
d'indemnisation des accidents médicaux - non judiciaire -,
définie par la loi du 4 mars 2002, seuls les experts figurant
sur la liste nationale d'experts en accidents médicaux peuvent
être désignés par les commissions régionales de
conciliation et d'indemnisation ;
Compte tenu de ces nombreuses exceptions à la liberté du choix de
l'expert, il est possible de se demander si le législateur ne devrait
pas poser le principe d'une obligation pour le juge de choisir les experts sur
une liste.
Dès lors que les conditions d'inscription sur les listes deviennent
plus rigoureuses, qu'un contrôle plus strict sera exercé sur les
experts, il ne serait pas anormal que les juges soient contraints, davantage
que par le passé, de recourir aux experts inscrits sur les listes.
Néanmoins, poser un principe général et absolu pourrait
présenter de graves inconvénients. Ainsi, il peut arriver
qu'aucun expert ne soit inscrit dans une spécialité.
Sans interdire au juge de recourir à des experts ne figurant pas sur
une liste, votre commission estime souhaitable qu'en matière civile,
comme en matière pénale, le juge soit tenu de motiver sa
décision de recourir à un expert non inscrit sur une liste. Une
telle disposition ayant vocation à figurer dans le
nouveau code
de procédure civile, de nature réglementaire, votre commission ne
propose pas d'amendement sur ce point.
Votre commission vous propose d'
adopter l'article 39 sans
modification
.
Article 40
(art. 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971
relative aux
experts judiciaires)
Etablissement des listes
d'experts
Le
présent article tend à modifier substantiellement
l'article 2 de la loi du 29 juin 1971 relative aux experts
judiciaires, qui définit les conditions d'établissement des
listes d'experts.
1. Le droit actuel
Dans sa rédaction actuelle, l'article 2 de la loi du
29 juin 1971 précise simplement : «
Il est
établi chaque année, pour l'information des juges, une liste
nationale, dressée par le bureau de la Cour de cassation, et une liste,
dressée par chaque cour d'appel, des experts en matière
civile
».
Précisons que la liste nationale n'a pas pour objet de recenser des
experts ayant vocation à être désignés par la Cour
de cassation (celle-ci ne désigna pas d'experts puisqu'elle ne tranche
que des questions de droit), mais de permettre à l'ensemble des
juridictions le souhaitant de désigner des experts n'exerçant pas
dans le ressort de la cour d'appel où est traitée une affaire.
Les modalités d'établissement des listes sont définies par
le décret n° 74-1184 du 31 décembre 1974
relatif aux experts judiciaires. Ce décret énumère tout
d'abord les conditions que doivent remplir les personnes souhaitant figurer sur
une liste d'experts. Ainsi, une personne physique ne peut être inscrite
sur une liste que si elle a exercé pendant un temps suffisant une
profession ou une activité en rapport avec sa spécialité,
si elle n'exerce aucune activité incompatible avec l'indépendance
nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise, si
elle n'a pas été l'auteur de faits ayant donné lieu
à condamnation pénale pour agissements contraires à
l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs...
Le décret de 1974 définit dans ses articles 6 à 24 la
procédure d'inscription sur les listes dressées chaque
année par le bureau de la Cour de cassation ou les cours d'appel :
- en ce qui concerne les listes établies par les cours d'appel, les
demandes d'inscription, accompagnées des renseignements
nécessaires, relatifs notamment aux titres et diplômes du
candidat, doivent être adressées avant le 1
er
mars
de chaque année au procureur de la République près le
tribunal de grande instance dans le ressort duquel le candidat exerce son
activité professionnelle ou possède sa résidence. Le
procureur de la République instruit la demande et recueille tous
renseignements sur le mérite de la demande. Il transmet ensuite le
dossier, pour avis de l'assemblée générale de leur
juridiction respective, au président du tribunal de grande instance,
ainsi qu'aux présidents des tribunaux de commerce et aux
présidents des conseils de prud'hommes, si de telles juridictions
existent dans son ressort. Au mois de septembre, le procureur de la
République transmet le dossier avec les avis des assemblées
générales au procureur général qui en saisit le
premier président de la cour d'appel aux fins d'examen par
l'assemblée générale de la cour. L'assemblée
générale de la cour d'appel dresse la liste des experts au cours
de la première quinzaine du mois de novembre. Il convient de noter que
lorsque la cour comporte plus de cinq chambres, l'assemblée
générale peut se réunir en une formation restreinte
où sont représentées toutes les chambres de la cour ;
- en ce qui concerne la liste établie par le bureau de la Cour de
cassation, une demande d'inscription ne peut en principe être
formulée que par des personnes justifiant d'une inscription depuis au
moins trois années consécutives sur une des listes
dressées par les cours d'appel. Néanmoins, à titre
exceptionnel, le bureau de la Cour de cassation peut inscrire un candidat qui
ne remplit pas la condition d'inscription sur une liste établie par une
cour d'appel ou la condition d'âge prévoyant qu'un expert ne peut
figurer sur une liste après 70 ans. Les demandes sont
adressées au procureur général près la Cour de
cassation qui instruit la demande. Le bureau de la Cour de cassation dresse la
liste nationale des experts au cours de la première quinzaine du mois de
décembre.
Une fois inscrit sur une liste dressée par une cour d'appel ou sur la
liste dressée par le bureau de la Cour de cassation,
un expert n'est
pas tenu de renouveler chaque année sa demande
, l'organisme
chargé de l'établissement de la liste devant examiner la
situation de chaque expert précédemment inscrit, pour s'assurer
qu'il continue à remplir les conditions requises.
Cette procédure d'établissement des listes d'experts est
critiquée, parfois par les experts eux-mêmes. Devant la mission
d'information de votre commission des Lois sur les métiers de la
justice, M. Jean-Bruno Kerisel, vice-président de la
Fédération nationale des compagnies d'experts près les
cours d'appel et les tribunaux administratifs, déclarait :
«
Les experts sont désignés au travers d'une
assemblée générale de cour d'appel, qui est d'ailleurs
assez opaque. Nous souhaiterions, là aussi, plus de transparence et que
les personnes soient désignées en fonction de leurs
capacités à répondre aux problèmes (...)
«
Aujourd'hui, à Paris, on compte mille candidats pour
quarante postes. Or les juges ne connaissent pas ces futurs experts. En tant
que président de l'ensemble des compagnies parisiennes d'experts, j'ai
assisté durant six ans aux prestations de serment des experts. En de
telles occasions, on se pose des questions sur la qualité des personnes
destinées à représenter le juge dans les réunions
d'expertise ! Le juge devrait rencontrer les experts stagiaires afin de
pouvoir, ensuite, constituer un corps d'expertise de
qualité.
»
De fait, le contrôle exercé avant l'inscription des experts sur
les listes apparaît assez formel, en particulier en ce qui concerne les
personnes déjà inscrites sur une liste. Le renouvellement de
l'inscription est en pratique quasi-automatique.
Le présent article a pour objet de modifier cette situation en
réformant les conditions d'inscription sur les listes établies
par les cours d'appel et le bureau de la Cour de cassation.
2) Le dispositif proposé
Le présent article tend à modifier et à compléter
l'article 2 de la loi du 29 juin 1971, relatif à
l'établissement des listes d'experts.
Le
paragraphe I
du texte proposé pour l'article 2 de
la loi du 29 juin 1971 prévoit qu'il est établi pour
l'information des juges une liste nationale des experts judiciaires
dressée par la Cour de cassation et une liste des experts judiciaires
dressée par chaque cour d'appel.
Le texte proposé présente deux différences par rapport au
texte actuel de l'article 2.
En premier lieu, il ne prévoit plus que les listes sont établies
«
chaque année
». Le projet de loi
prévoit en effet, dans les paragraphes suivants du texte proposé
pour l'article 2 de la loi de 1971, que les experts seront
désormais inscrits pour une durée supérieure à un
an, mais que la réinscription nécessitera l'examen d'une nouvelle
candidature.
En second lieu, le texte proposé n'évoque plus les
«
experts en matière civile
» comme le texte
actuel, mais les «
experts judiciaires
». La
suppression de la référence à la matière civile est
justifiée par le fait que les listes d'experts en matière civile
et les listes d'experts en matière pénale sont désormais
les mêmes.
Le terme d'experts judiciaires ne figure jusqu'à présent que dans
le titre de la loi de 1971 et non dans son dispositif. Il est possible de se
demander s'il est opportun d'évoquer dans la loi l'expression
«
liste des experts judiciaires
». Le code de
procédure pénale mentionne les experts, sans plus de
précision, cependant que le nouveau code de procédure civile
évoque les techniciens. L'article 3 de la loi du 29 juin 1971, que
le présent projet de loi ne modifie pas, prévoit que les experts
inscrits sur une liste ne peuvent faire état de leur qualité que
sous la dénomination d'expert agréé par la Cour de
cassation ou d'expert près la cour d'appel.
En toute rigueur, l'expert judiciaire est celui qui est désigné
par le juge dans une affaire, qu'il soit ou non inscrit sur une liste, par
opposition aux experts que peuvent s'adjoindre les parties.
Néanmoins, l'emploi du terme «
experts
judiciaires
» pour désigner les experts inscrits sur les
listes dressées par les juridictions est désormais
généralement admis. Cette expression est abondamment
employée dans le décret de 1974 et dans la circulaire du
2 juin 1975 relative aux «
modalités
d'application des textes concernant les experts judiciaires
».
Dans ces conditions, il n'est pas anormal de consacrer dans la loi le terme
d'expert judiciaire qui a donné son nom à la loi du
29 juin 1971.
Le
paragraphe II
du texte proposé pour
l'article 2 de la loi du 29 juin 1971 définit de
nouvelles modalités d'inscription sur les listes dressées par les
cours d'appel. Jusqu'à présent, la loi ne prévoyait que le
caractère annuel de l'établissement des listes, les
modalités d'inscription étant renvoyées au décret.
Le dispositif proposé prévoit tout d'abord que l'inscription
initiale sur la liste dressée par la cour d'appel est faite, dans une
rubrique particulière,
à titre probatoire, pour une
durée de deux ans
. Il s'agit d'une évolution importante par
rapport au droit actuel. La période probatoire pourrait en effet
permettre d'évaluer la compétence de l'intéressé
avant d'envisager une inscription pour une durée plus longue.
A l'issue de la période probatoire, l'inscription sur la liste serait
décidée «
après évaluation de
l'expérience de l'intéressé ainsi que de la connaissance
qu'il a acquise des principes directeurs du procès et des règles
de procédure applicables aux mesures d'instruction confiées
à un technicien
». L'inscription serait prononcée
pour une
durée de cinq ans renouvelable
. Ces dispositions
apparaissent particulièrement importantes. Il est fréquent, en
effet, que les experts soient critiqués non pour leur insuffisance dans
la discipline qu'ils exercent, mais pour leur méconnaissance des
règles de la procédure judiciaire.
Ainsi, comme le déclarait devant la mission de votre commission des lois
sur les métiers de la justice M. Jean-Bruno Kerisel,
vice-président de la Fédération nationale des compagnies
d'experts près les cours d'appel et les tribunaux administratifs, il
n'est pas rare que certains experts omettent de respecter le principe du
caractère contradictoire de la
procédure
:« Certains médecins des
hôpitaux chargés d'une mission d'expertise convoquent le malade,
c'est-à-dire le demandeur, mais ne convoquent pas le défendeur.
Le contradictoire n'étant pas respecté, le rapport va
évidemment au panier
».
Il est donc particulièrement bienvenu que le projet de loi impose la
vérification par les cours d'appel de l'expérience de
l'intéressé ainsi que de la connaissance qu'il a acquise des
principes directeurs du procès et des règles de procédure
applicables aux mesures d'instruction confiées à un technicien.
Il est toutefois possible de s'interroger sur la manière dont cette
évaluation sera conduite. La procédure actuelle
d'établissement des listes, avec les multiples consultations
d'assemblées générales de juridictions qu'elle
prévoit, ne permet pas un tel contrôle. En outre, il n'est pas
certain que le contrôle des candidatures par les seuls magistrats soit
pleinement efficace. Certaines listes d'experts, prévues par des textes
spécifiques, sont établies après consultation d'un
collège associant l'autorité de nomination et des experts. Il en
est notamment ainsi pour la désignation des experts en diagnostic
d'entreprise.
Dans ces conditions, votre commission vous propose, par un
amendement
,
de compléter les dispositions proposées pour prévoir
qu'à l'issue de la période probatoire, la décision de la
cour d'appel est prise après avis d'une commission composée de
représentants des juridictions et d'experts, la composition de la
commission et ses conditions d'intervention étant définies par
décret en Conseil d'Etat.
Votre commission vous propose également d'évoquer la
« réinscription » de l'intéressé
plutôt que son « inscription » à propos de la
décision prise par la cour d'appel à l'issue de la période
probatoire. En effet, le paragraphe IV du texte proposé pour l'article 2
de la loi de 1971 prévoit que la décision de refus de
«
réinscription
» sur une liste est
motivée. S'il n'est pas anormal que la décision de refus
d'inscription sur une liste probatoire ne soit pas motivée, il
paraît en revanche nécessaire qu'une éventuelle
décision de refus prise à l'issue de la période probatoire
soit motivée. Il apparaît donc préférable d'employer
le terme de «
réinscription
» à propos
de cette décision.
Enfin, dans un souci de clarté, votre commission vous propose de
préciser que
les réinscriptions ultérieures, pour une
durée de cinq années, sont soumises à l'examen d'une
nouvelle candidature
.
Cette précision figure en effet dans l'exposé des motifs du
projet de loi, mais pas dans le dispositif, alors qu'il s'agit d'une
évolution importante et nécessaire par rapport au droit actuel.
Le
paragraphe III
du texte proposé pour l'article 2 de
la loi du 29 juin 1971 concerne l'inscription sur la liste nationale
des experts judiciaires. Il prévoit que nul ne peut faire l'objet d'une
inscription initiale sur la liste nationale des experts judiciaires, à
sa demande, s'il n'a été préalablement inscrit, pendant
une durée minimale fixée par décret en Conseil d'Etat, sur
une liste d'experts dressée par une cour d'appel. L'inscription initiale
sur la liste nationale serait faite pour une durée de dix ans
renouvelable.
Actuellement, l'inscription sur la liste nationale des experts judiciaires
établie par le bureau de la Cour de cassation ne donne lieu à
aucune disposition législative spécifique. L'article 11 du
décret du 31 décembre 1974 relatif aux experts
judiciaires prévoit que nul ne peut figurer sur la liste nationale des
experts s'il ne justifie de son inscription depuis au moins trois années
consécutives sur une des listes dressées par les cours d'appel. A
titre exceptionnel, le bureau de la Cour de cassation peut inscrire sur la
liste un candidat qui ne remplit pas cette condition, ou la condition
d'être âgé de moins de 70 ans. Le nombre des experts
ainsi inscrits pour chaque spécialité ne peut dépasser le
cinquième du nombre total des experts figurant dans cette
spécialité sur la liste nationale.
Après l'adoption du présent projet de loi, l'obligation d'avoir
été inscrit sur une liste de cour d'appel pour pouvoir être
inscrit sur la liste nationale ne souffrira plus d'exceptions. Cette
évolution mérite d'être approuvée dès lors
qu'elle garantira que l'expérience de l'intéressé et sa
connaissance des principes directeurs du procès auront été
évaluées avant l'inscription sur la liste nationale des experts
judiciaires.
Par un
amendement
, votre commission vous propose d'apporter plusieurs
précisions au texte du projet de loi. Elle vous propose de fixer dans la
loi à
trois années consécutives
la durée
d'inscription sur une liste de cour d'appel nécessaire pour être
inscrit sur la liste nationale des experts judiciaires. Dès lors que la
condition d'inscription sur une liste de cour d'appel a désormais
vocation à être mentionnée dans la loi, il apparaît
préférable que la durée soit également fixée
par la loi. La durée de trois ans actuellement prévue par le
décret de 1974 apparaît opportune car elle impliquera que le
candidat ait fait l'objet d'une inscription initiale sur une liste de cour
d'appel puis d'une réinscription pour cinq ans après
évaluation de son expérience et de ses connaissances.
Votre commission vous propose également de
ramener de dix ans
à sept ans la durée d'inscription sur la liste nationale
en
précisant que la réinscription, pour la même durée,
est soumise à l'examen d'une nouvelle candidature. Il apparaît
justifié de prévoir une durée d'inscription sur la liste
nationale plus longue que la durée d'inscription sur les listes de cours
d'appel, dès lors que l'inscription sur la liste nationale ne peut
intervenir qu'après une durée minimale d'inscription sur une
liste de cour d'appel. Toutefois, la durée de dix ans proposée
dans le projet de loi apparaît excessive. En dix ans, la situation d'un
expert peut évoluer considérablement et il apparaît
souhaitable qu'un examen d'une nouvelle candidature intervienne plus tôt.
Par ailleurs, d'après les informations communiquées à
votre rapporteur, les experts sont rarement inscrits jeunes sur la liste
nationale. La durée de dix ans prévue par le projet de loi
pourrait conduire le bureau de la Cour de cassation à ne pas
réinscrire certains experts au motif qu'ils atteindraient la limite
d'âge de 70 ans avant l'expiration de la nouvelle période de
dix ans. Dans ces conditions, une périodicité de sept ans
paraît plus appropriée.
Le
paragraphe IV
du texte proposé pour
l'article 2 de la loi du 29 juin 1971 prévoit que la
décision de réinscription sur l'une des listes dressées
par le bureau de la Cour de cassation ou par les cours d'appel est
motivée. Actuellement, les décisions de refus d'inscription ou de
réinscription ne sont pas motivées. Cette solution a
été approuvée par la Cour de cassation.
Dans un arrêt du 14 mai 1985, celle-ci a en effet estimé
que «
quand elle dresse la liste des experts judiciaires,
l'assemblée générale de la cour d'appel procède en
tant que formation collégiale de l'ordre judiciaire et qu'en
conséquence, elle n'a pas à appliquer, pour ses décisions,
les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 qui ne concerne que les
actes administratifs
».
Le présent projet de loi tend donc à renforcer les garanties
offertes aux candidats à l'inscription sur les listes.
Votre commission vous soumet un
amendement
tendant à corriger une
erreur matérielle.
Votre commission vous propose d'
adopter l'article 40 ainsi
modifié
.
Article additionnel après l'article 40
(art. 3 de la loi
n° 71-498 du 29 juin 1971
relative aux experts
judiciaires)
Dénomination des experts inscrits sur une
liste
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 3 de la loi du 29 juin 1971
dispose notamment que les personnes inscrites sur l'une des listes
instituées par l'article 2 de la loi de 1971 ou par
l'article 157 du code de procédure pénale ne peuvent faire
état de leur qualité que sous la dénomination :
«
d'expert agréé par la Cour de
cassation
» ou «
d'expert près la cour
d'appel de ...
». Dès lors que le présent projet de
loi prévoit la disparition de toutes les dispositions qui cantonnaient
l'application de la loi de 1971 à la matière civile, il
apparaît souhaitable de faire disparaître toute
référence aux listes instituées par le code de
procédure pénale. Les listes sont désormais les
mêmes en matière civile et en matière pénale. Ces
listes sont clairement instituées par la loi de 1971 et non plus par
l'article 157 du code de procédure pénale.
Votre commission vous soumet un
amendement
tendant à
insérer un article additionnel afin de supprimer la
référence au code de procédure pénale dans
l'article 3 de la loi du 29 juin 1971.
Article 41
(art. 5 de la loi n° 71-498 du 29 juin
1971
relative aux experts judiciaires)
Radiation des
experts
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 5 de la loi du 29 juin 1971
prévoit tout d'abord que l'expert déjà inscrit sur une des
listes d'experts n'a pas à renouveler chaque année sa demande
d'inscription.
Il précise en outre que la radiation d'un expert inscrit peut être
prononcée en cours d'année, après que
l'intéressé, qui peut se faire assister par un avocat, aura
été appelé à formuler ses observations en cas :
- d'incapacité légale ;
- de faute professionnelle grave ;
- de condamnation pour faits contraires à l'honneur, à la
probité et aux bonnes moeurs.
Le présent article tend à réécrire
entièrement cet article.
Le texte proposé pour l'article 5 de la loi du
29 juin 1971 ne prévoit plus l'absence d'obligation pour les
experts inscrits de présenter une nouvelle candidature chaque
année, ce qui est logique dès lors que les experts seront
désormais inscrits pour plusieurs années (deux ans puis cinq ans
sur les listes de cour d'appel, dix ans (sept ans selon la proposition de votre
commission) sur la liste nationale).
Le texte proposé prévoit que la radiation d'un expert figurant
sur une liste peut être prononcée :
- à la demande de l'expert ;
- en cas d'incapacité légale, l'intéressé, le
cas échéant assisté d'un avocat, entendu ou appelé
à formuler ses observations ;
- en cas de faute disciplinaire.
Ces dispositions modifient substantiellement le droit existant. Le texte
proposé prévoit ainsi une radiation à la demande de
l'expert. Jusqu'à présent, ce cas n'était pas
mentionné parmi les motifs de radiation. L'article 17 du
décret du 31 décembre 1974 relatif aux experts
judiciaires prévoit que : «
Au cas où l'expert
demande son retrait de la liste pour des causes exclusives de toute faute
disciplinaire, ou si ce retrait est rendu nécessaire par des
circonstances de fait telles que l'éloignement prolongé, la
maladie ou des infirmités graves et permanentes, le premier
président de la cour d'appel ou de la Cour de cassation peut, à
titre provisoire et en cours d'année, décider le retrait de la
liste
».
La mention de la demande de l'expert parmi les cas de radiation peut être
discutée. La notion de radiation a une connotation disciplinaire
indéniable. En outre, une exclusion de la liste à la demande de
l'expert ne devrait pas avoir les mêmes conséquences qu'une
radiation pour des motifs disciplinaires. Le projet de loi tient compte de
cette différence en prévoyant que la radiation d'un expert de la
liste nationale « pour cause d'incapacité légale ou de
faute disciplinaire » emporte de plein droit sa radiation de la liste
de cour d'appel.
Cependant, la suppression de la distinction entre le retrait et la radiation
pourrait avoir des conséquences fâcheuses. Ainsi, la loi du
4 mars 2002 relative aux droits des malades prévoit qu'un
expert radié de l'une des listes prévues par la loi du
29 juin 1971 est de plein droit radié de la liste nationale
des experts en accidents médicaux
185(
*
)
. Si une telle solution apparaît
pleinement justifiée en cas de radiation disciplinaire, serait-il normal
qu'un expert demandant à être écarté d'une liste de
cour d'appel parce qu'il déménage dans une autre région
soit de ce fait radié de la liste nationale des experts en accidents
médicaux ?
Par un
amendement
, votre commission vous propose de modifier le texte
proposé afin de maintenir la distinction existant entre les cas de
retrait et les cas de radiation.
Le texte proposé remplace la notion de faute professionnelle grave par
celle de faute disciplinaire. Le contenu de la faute disciplinaire est
défini par l'article 43 du présent projet de loi, qui
prévoit notamment que : «
Toute contravention aux lois
et règlements relatifs à sa profession ou à sa mission
d'expert, tout manquement à la probité ou à l'honneur,
même se rapportant à des faits étrangers aux missions qui
lui sont confiées, expose l'expert qui en serait l'auteur à des
poursuites disciplinaires
».
Le texte proposé pour l'article 5 de la loi du
29 juin 1971 prévoit enfin que la radiation d'un expert de la
liste nationale pour cause d'incapacité légale ou de faute
disciplinaire entraîne de plein droit sa radiation de la liste de cour
d'appel. En revanche, un décret en Conseil d'Etat déterminerait
les conditions dans lesquelles un expert susceptible d'être radié
pour cause d'incapacité légale ou de poursuites pénales ou
disciplinaires peut être provisoirement suspendu et fixerait les
règles de procédure applicables à la radiation de la liste
nationale d'un expert radié d'une liste de cour d'appel.
Ainsi, la radiation de la liste nationale entraînerait de plein droit
la radiation de la liste de cour d'appel, mais l'inverse ne serait pas
vrai
. Il ne s'agit que d'une confirmation du droit actuel.
L'article 29 du décret du 31 décembre 1974
prévoit en effet que la radiation d'un expert de la liste nationale
emporte de plein droit sa radiation de la liste de cour d'appel. Au contraire,
en cas de radiation d'un expert d'une liste de cour d'appel, la décision
de radiation est transmise au procureur général près la
Cour de cassation, qui la transmet avec ses réquisitions au premier
président de la Cour de cassation, afin que le bureau de la Cour de
cassation statue.
Une telle dissymétrie n'apparaît pas justifiée, sinon par
une volonté, inappropriée en l'espèce, de marquer la
prééminence de la Cour de cassation sur les cours d'appel. Les
procédures de radiation conduites par les cours d'appel sont
contradictoires. Elles peuvent donner lieu à un recours et même
à un pourvoi en cassation, contrairement aux décisions de
radiation de la liste nationale, qui ne peuvent donner lieu qu'à un
recours unique. Dans ces conditions, il apparaît souhaitable que la
radiation d'une liste de cour d'appel emporte de plein droit radiation de la
liste nationale. Votre commission vous soumet un
amendement
en ce sens.
Elle vous propose d'
adopter l'article 41 ainsi modifié.
Article 42
(art. 6 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971
relative aux
experts judiciaires)
Serment des
experts
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 6 de la loi du 29 juin 1971
dispose que lors de leur inscription, les experts prêtent, devant la cour
d'appel du ressort de leur domicile, serment d'accomplir leur mission, de faire
leur rapport et de donner leur avis en leur honneur et conscience. Il
prévoit que ce serment les dispensera de celui prévu à
l'article 308 du code de procédure civile pendant la durée
de leur inscription.
Le présent article tend à actualiser cette disposition. Il
supprime la référence au serment prévu par
l'article 308 du code de procédure civile. Cet article de l'ancien
code de procédure civile a en effet été abrogé par
un décret du 17 décembre 1973.
Le texte proposé pour l'article 6 précise que les experts
prêtent serment lors de leur inscription
initiale
sur une liste
dressée par une cour d'appel. De fait, il n'apparaît pas
indispensable que le serment soit renouvelé lors de chaque demande de
réinscription.
En revanche, le texte proposé ne contient aucune disposition sur les
conséquences d'une radiation. Une personne radiée pour un motif
disciplinaire devrait logiquement prêter de nouveau serment si elle est
de nouveau inscrite sur une liste par la suite. Votre commission vous soumet un
amendement
complétant le texte proposé pour prévoir
qu'il n'y a lieu à renouvellement du serment qu'en cas de radiation.
Il convient de noter que le texte du serment effectivement prononcé par
les experts n'est pas celui qui figure aujourd'hui dans la loi de 1971. En
effet, le législateur a prévu des textes différents en
matière pénale et en matière civile.
L'article 6 de la loi de 1971 prévoit que les experts prêtent
serment d'accomplir leur mission, de faire leur rapport et de donner leur avis
en leur honneur et conscience.
L'article 160 du code de procédure pénale dispose que les
experts prêtent serment d'apporter leur concours à la justice en
leur honneur et en leur conscience.
Dans ces conditions, pour éviter toute difficulté,
l'article 20 du décret du 31 décembre 1974 a
prévu que les experts prêteraient serment d'apporter leur concours
à la justice, d'accomplir leur mission, de faire leur rapport et de
donner leur avis en leur honneur et en leur conscience. Ainsi, les
prescriptions de la loi de 1971 et du code de procédure pénale
sont satisfaites. Reconnaissons cependant qu'un tel dispositif n'est pas un
modèle de rigueur juridique. Par un article additionnel après
l'article 43, votre commission vous proposera de modifier le code de
procédure pénale, afin qu'une seule formule de serment figure
dans les textes législatifs.
Votre commission vous propose d'
adopter l'article 42 ainsi
modifié.
Article additionnel après l'article 42
(art. 6-1 de la loi n°
71-498 du 29 juin 1971
relative aux experts judiciaires)
Expertises aux
fins d'analyse des empreintes
génétiques
L'article 6-1 de la loi du 29 juin 1971,
inséré dans cette loi par la loi n° 94-653 du
29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, prévoit
que sont seules habilitées, en matière judiciaire, à
procéder à l'identification d'une personne par ses empreintes
génétiques, les personnes inscrites sur les listes
instituées par la loi de 1971 et ayant fait l'objet d'un agrément
dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
La loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la
sécurité intérieure vient de modifier
l'article 706-56 du code de procédure pénale, relatif au
fichier des empreintes génétiques, pour prévoir que les
analyses d'empreintes effectuées au cours de la procédure
pénale devraient être faites par des personnes
agréées, mais pas nécessairement par des personnes
inscrites sur les listes d'experts. Afin d'éviter une contradiction
formelle entre le code de procédure pénale et la loi de 1971,
votre commission vous propose, par un
amendement
, d'insérer un
article additionnel
dans le projet de loi pour mentionner dans
l'article 6-1 de la loi de 1971 l'exception (prévue par
l'article 706-56 du code de procédure pénale) à
l'obligation d'analyse des empreintes génétiques par un expert
figurant sur une liste.
Article 43
(art. 6-2 et 6-3 nouveaux de la loi n° 71-498 du 29 juin
1971
relative aux experts judiciaires)
Procédure disciplinaire et
responsabilité civile
Le présent article tend à insérer dans la loi du 29 juin 1971 deux nouveaux articles 6-2 et 6-3, respectivement relatifs à la procédure disciplinaire applicable aux experts et aux conditions d'engagement de leur responsabilité civile.
Article 6-2 nouveau de la loi du 29 juin 1971
Procédure
disciplinaire
Dans sa
rédaction actuelle, la loi de 1971 ne contient aucune disposition
relative à la procédure disciplinaire applicable aux experts.
Elle prévoit simplement la radiation de l'expert en cas de faute
professionnelle grave ou de condamnation pour des faits contraires à
l'honneur ou à la probité.
Le texte proposé pour l'article 6-2 nouveau tend à
définir les conditions d'engagement de la responsabilité
disciplinaire des experts et à élargir la liste des peines
disciplinaires encourues.
Le texte proposé prévoit que toute contravention aux lois et
règlements relatifs à sa profession ou à sa mission
d'expert, tout manquement à la probité ou à l'honneur,
même se rapportant à des faits étrangers aux missions qui
lui ont été confiées, expose l'expert qui en serait
l'auteur à des poursuites disciplinaires.
Cette rédaction est la même que celle qui figure à
l'article 183 du décret du 27 novembre 1991 organisant la
profession d'avocat. Le dispositif proposé est plus précis que
celui qui figure dans les textes actuellement applicables aux experts. Ainsi,
la loi de 1971 prévoit simplement la radiation en cas de condamnation
pour des faits contraires à l'honneur ou à la probité. Le
décret du 31 décembre 1974 prévoit dans son
article 26 que : «
Commet notamment une faute
professionnelle grave l'expert qui n'accepte pas, sans motif légitime,
de remplir sa mission ou qui ne l'exécute pas dans des délais
prescrits après mise en demeure
». Les dispositions
proposées par le projet de loi sont plus complètes. La mention
des contraventions aux lois et règlements relatifs à la
profession ou à la mission de l'expert permettra de couvrir les cas de
faute professionnelle grave actuellement mentionnés par le décret
du 31 décembre 1974.
Le texte proposé précise que la radiation de l'expert ne fait pas
obstacle aux poursuites si les faits qui lui sont reprochés ont
été commis pendant l'exercice de ses fonctions. Une telle
disposition, qui figure également dans les textes relatifs aux avocats,
aux officiers publics et ministériels ou aux administrateurs
judiciaires, a pour but d'éviter que certains experts ne puissent plus
être poursuivis parce qu'ils ne figurent plus sur la liste, à leur
demande, à la suite d'une incapacité légale ou d'une
précédente procédure disciplinaire. Votre commission ayant
décidé de maintenir la distinction entre le retrait de la liste
et la radiation vous propose, par un
amendement
, de prévoir que
le retrait ne fait pas obstacle aux poursuites disciplinaires à
l'encontre d'un expert pour des faits commis pendant l'exercice de ses
fonctions.
En ce qui concerne les peines disciplinaires qui peuvent être
prononcées à l'encontre des experts, le décret du
31 décembre 1974 ne prévoit que la radiation avec
interdiction de solliciter une nouvelle inscription avant l'expiration d'un
délai de trois ans.
Le projet de loi tend à définir une véritable
échelle des sanctions pour permettre une appréciation plus
individualisée des situations par l'autorité disciplinaire. Aux
termes du projet de loi, les sanctions disciplinaires seraient
désormais :
- l'avertissement ;
- la radiation temporaire, dans la limite de la durée d'inscription
restant à courir ;
- la radiation avec privation définitive du droit d'être
inscrit sur une des listes ou le retrait de l'honorariat.
Une telle extension de l'échelle des peines était
particulièrement nécessaire. Cependant, la radiation temporaire
dans la limite de la durée d'inscription restant à courir
pourrait s'avérer d'un usage malaisé, même s'il
apparaît logique, dès lors que les experts seront désormais
inscrits pour une durée limitée sur les listes d'experts, de
prévoir une telle disposition. Si la durée d'inscription restant
à courir est très faible, l'autorité disciplinaire n'aura
qu'un choix limité entre une radiation définitive et une
radiation pour quelques semaines ou quelques mois. Dans ces conditions, votre
commission vous propose, par un
amendement
, de prévoir que la
radiation temporaire peut être prononcée
pour une durée
maximale de trois ans et non pour la durée d'inscription restant
à courir
, afin d'élargir encore la gamme des sanctions
utilisables par l'autorité disciplinaire.
Votre commission vous propose également, par un
amendement
, de
compléter le texte proposé pour prévoir qu'un expert
radié à titre temporaire doit, s'il souhaite être de
nouveau inscrit sur une liste, effectuer une nouvelle période
probatoire. L'amendement précise également que l'inscription sur
la liste nationale d'un expert précédemment radié n'est
possible que s'il a de nouveau été préalablement inscrit
pendant trois années consécutives sur une liste de cour d'appel.
En ce qui concerne le déroulement de la procédure disciplinaire,
le texte proposé pour l'article 6-2 de la loi du 29 juin 1971
prévoit simplement que les poursuites sont exercées devant
l'autorité ayant procédé à l'inscription, qui
statue en commission de discipline. Il précise également que les
décisions en matière disciplinaire sont susceptibles d'un recours
devant la Cour de cassation ou la cour d'appel, selon le cas.
Ces règles sont conformes au droit actuel. L'article 27 du
décret du 31 décembre 1974 prévoit en effet que
la radiation d'un expert inscrit est décidée par l'organisme qui
a procédé à l'inscription, à l'initiative, selon le
cas, du premier président de la cour d'appel ou du procureur
général près cette cour, ou bien à celle du premier
président de la Cour de cassation ou du procureur général
près cette cour.
L'article 28 précise pour sa part que l'assemblée
générale de la cour d'appel ou le bureau de la Cour de cassation,
après avoir fait recueillir les observations de l'expert, le convoque,
si elle le juge utile, et statue après avoir entendu le ministère
public. Il dispose en outre que l'assemblée générale de la
cour d'appel peut se réunir en formation restreinte.
En ce qui concerne les recours, l'article 35 du décret prévoit
que lorsqu'une mesure de retrait, de suspension provisoire ou de radiation est
intervenue, l'expert qui a été radié ou a fait l'objet
d'une suspension provisoire et, dans tous les cas, le procureur
général peuvent faire un recours soit devant la cour d'appel,
s'il s'agit d'un retrait, d'une suspension provisoire ou d'une radiation d'une
liste de cour d'appel, soit devant la Cour de cassation, s'il s'agit d'un
retrait, d'une suspension provisoire ou d'une radiation de la liste nationale.
Aux termes de l'article 36 du décret, le recours est examiné
selon le cas par la première chambre de la cour d'appel ou la
première chambre civile de la Cour de cassation.
Il convient de noter que ce mécanisme de recours, que le projet de loi
ne modifie pas, présente quelques singularités.
En premier lieu, les décisions de retrait, de suspension ou de radiation
peuvent donner lieu à un recours devant la cour d'appel ou devant la
cour de cassation selon qu'est en cause une liste de cour d'appel ou la liste
nationale. En revanche, les autres décisions prises par les organismes
chargés de l'établissement des listes (en particulier les
décisions de refus de réinscription) ne peuvent donner lieu
qu'à un recours devant la Cour de cassation, quelle que soit la liste en
cause.
En deuxième lieu, le mécanisme de recours crée une
inégalité entre les experts. Les experts de cour d'appel peuvent
en effet former un recours devant la cour d'appel puis, éventuellement,
un pourvoi en cassation. Au contraire, les experts de la liste nationale, qui
forment leurs recours devant la Cour de cassation, ne peuvent pas ensuite
former un pourvoi.
Néanmoins, il est difficile d'imaginer une autre solution. Il serait en
effet singulier que les décisions du bureau de la Cour de cassation
soient soumises à l'appréciation d'une cour d'appel. Votre
commission ne propose donc pas de modification sur ce point.
Le texte proposé prévoit enfin qu'un décret en Conseil
d'Etat fixera notamment les règles de procédure applicables
à l'instance disciplinaire.
Article 6-3 de la loi du 29 juin 1971
Responsabilité civile des
experts
Le texte
proposé pour l'article 6-3 de la loi du 29 juin 1971
précise que l'action en responsabilité dirigée contre un
expert pour des faits se rapportant à l'exercice de ses fonctions se
prescrit par dix ans à compter de la fin de sa mission.
Rappelons qu'aucun texte ne définit le régime de
responsabilité civile des experts.
La Cour de cassation, dans le silence des textes, a affirmé avec
constance que la responsabilité de l'expert ne peut être
recherchée que sur un plan délictuel ou quasi-délictuel
par application des articles 1382 et 1383 du code civil.
A titre d'exemple, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi d'un expert
qui, à la suite d'une erreur de dactylographie, avait
évalué à 30 % au lieu de 3 % l'incapacité
permanente partielle d'une victime d'un accident de la circulation,
entraînant de ce fait une surévaluation de l'indemnité mise
à la charge de l'assureur de l'auteur du dommage. Condamné au
versement de dommages-intérêts, l'expert soutenait que
«
les rapports des experts, lorsqu'ils sont homologués par
les juges, s'incorporent aux jugements et arrêts ; que, parties
intégrantes de ces derniers, ils ne peuvent engager la
responsabilité de leurs auteurs que dans les mêmes conditions
où les jugements et arrêts pourraient engager la
responsabilité des juges eux-mêmes (...)
».
La Cour de cassation a rejeté cette argumentation en observant
«
qu'à défaut de toute disposition contraire, la
responsabilité personnelle d'un expert judiciairement
désigné, à raison de fautes commises dans
l'accomplissement de sa mission, est engagée conformément aux
règles de droit commun de la responsabilité
civile
»
186(
*
)
.
Compte tenu de cette situation, le régime de prescription de l'action en
responsabilité civile contre un expert est défini par
l'article 2270-1 du code civil, issu de la loi du 5 juillet 1985
tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents
de la circulation et à l'accélération des
procédures d'indemnisation. Cet article, qui s'applique en toutes
matières et non seulement dans le domaine des accidents de la
circulation, dispose notamment que «
les actions en
responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans
à compter de la manifestation du dommage ou de son
aggravation
».
Le texte proposé pour l'article 6-3 de la loi du
29 juin 1971 maintient la prescription par dix ans de l'action en
responsabilité dirigée contre un expert, mais précise que
la
durée de dix ans commence à compter de la fin de la mission
de l'expert
.
Votre commission approuve cette évolution. Il n'apparaît pas
souhaitable que la responsabilité d'un expert puisse être
recherchée des décennies après l'exécution de sa
mission, au motif que le dommage qu'avait causé son expertise ne serait
apparu que tardivement.
D'après les informations recueillies par votre rapporteur, il semble que
les mises en cause de la responsabilité civile des experts demeurent peu
nombreuses.
Votre commission vous propose d'
adopter l'article 43 ainsi
modifié
.
Articles additionnels après l'article 43
(art. 157, 160 et 162 du
code de procédure pénale)
Expertise en matière
pénale
Par
trois articles additionnels, votre commission vous propose de modifier
certaines dispositions du code de procédure pénale relatives aux
expertises, notamment pour prendre en compte les dispositions du présent
projet de loi modifiant la loi du 29 juin 1971 relative aux experts
judiciaires.
- L'article 157 du code de procédure pénale prévoit
notamment que les experts sont choisis parmi les personnes physiques ou morales
qui figurent soit sur une liste nationale établie par le bureau de la
Cour de cassation, soit sur une des listes dressées par les cours
d'appel, le procureur général entendu. Le texte précise
que les modalités d'inscription et de radiation sur ces listes sont
fixées par un règlement d'administration publique.
Cette rédaction s'explique par le fait que cet article 157 est
antérieur à la loi du 29 juin 1971. Désormais, il n'existe
plus de listes distinctes en matière civile et en matière
pénale. Les listes d'experts sont établies sur le fondement de la
loi du 29 juin 1971 et non sur le fondement de l'article 157 du code de
procédure pénale. Le règlement d'administration publique
auquel renvoie l'article 157 du code de procédure pénale est en
fait le décret du 31 décembre 1974 destiné à
permettre l'application de la loi du 29 juin 1971. Le présent projet de
loi consacre cette évolution en supprimant dans la loi de 1971 les
dispositions laissant entendre que cette loi ne s'appliquerait qu'en
matière civile.
Par un
article additionnel
, votre commission vous propose de modifier
l'article 157 du code de procédure pénale pour tenir compte de
cette évolution, afin que cet article renvoie à la loi du 29 juin
1971, devenue le seul fondement de l'élaboration des listes d'experts.
- Lors de leur inscription sur une liste, les experts sont tenus de
prêter serment. Or, la loi du 29 juin 1971 et le code de procédure
pénale prévoient des
textes de serment différents
.
Aux termes de l'article 6 de la loi du 29 juin 1971, les experts prêtent
serment «
d'accomplir leur mission, de faire leur rapport et de
donner leur avis en leur honneur et conscience
». Aux termes de
l'article 160 du code de procédure pénale, les experts
prêtent serment «
d'apporter leur concours à la
justice en leur honneur et en leur conscience
».
Dans la mesure où les experts peuvent être désignés
tantôt en matière pénale, tantôt en matière
civile, le pouvoir réglementaire a surmonté cette
différence en prévoyant dans le décret du 31
décembre 1974 que les experts prêteraient serment
«
d'apporter leur concours à la justice, d'accomplir leur
mission, de faire leur rapport et de donner leur avis en leur honneur et en
leur conscience
».
Une telle situation n'est pas pleinement satisfaisante. Par un
article
additionnel
, votre commission vous propose de modifier l'article 160 du
code de procédure pénale, afin qu'il renvoie à la loi du
29 juin 1971 en ce qui concerne le texte du serment prononcé par les
experts. Ainsi, un seul texte de serment demeurera en vigueur. Votre commission
vous soumet également un amendement insérant un
article
additionnel
pour opérer une coordination dans l'article 162 du code
de procédure pénale.
Article additionnel après l'article 43
(art. L. 813-1 et L. 813-2 du
code de commerce)
Régime d'inscription sur les listes des experts
en diagnostic d'entreprise
La loi
n°85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires,
mandataires-liquidateurs et experts en diagnostic d'entreprise a prévu
un régime spécifique d'inscription des experts en diagnostic
d'entreprise sur les listes d'experts judiciaires. Ces dispositions figurent
actuellement au chapitre III du livre huitième du code de commerce.
L'article L. 813-1 du code de commerce prévoit que les experts en
diagnostic d'entreprise peuvent être choisis par les juges sur les listes
établies en application de l'article 2 de la loi du 29 juin 1971
relative aux experts judiciaires. Il prévoit également que chaque
cour d'appel procède à l'inscription des experts de cette
spécialité sur avis d'une commission créée par
l'article L. 812-2 du code de commerce, qui a pour mission première
d'établir la liste des personnes habilitées à exercer les
fonctions de mandataire judiciaire. L'inscription sur les listes de cour
d'appel des experts en diagnostic d'entreprise est valable trois ans, l'expert
pouvant renouveler sa demande à l'issue de ce délai.
L'article L. 813-2 du code de commerce définit une procédure de
radiation des listes spécifique aux experts en diagnostic d'entreprise.
La radiation peut en effet être opérée sur demande ou
après avis de la commission chargée de donner un avis au moment
de l'inscription.
Par un
article additionnel
, votre commission vous propose de supprimer
ces dispositions. Le présent projet de loi tend à modifier
substantiellement les règles d'inscription sur les listes de l'ensemble
des experts judiciaires. Il prévoit notamment l'inscription des experts
pour une durée limitée. Votre commission a en outre
proposé la création d'une commission chargée de donner un
avis sur les candidatures.
Dans ces conditions, le maintien d'un régime spécifique aux
experts en diagnostic d'entreprise ne paraît plus présenter
d'intérêt.