B. TRANSITION ENTRE LE STATUT DE SALARIÉ ET CELUI D'ENTREPRENEUR (TITRE II)
Aujourd'hui, 70 % des créateurs ou repreneurs d'entreprises sont des salariés. Pourtant, le passage du statut de salarié à celui d'entrepreneur comporte des risques importants, qui ne permettent pas toujours aux intéressés de concrétiser leur projet de manière constructive et sereine. C'est pourquoi, les six articles initiaux du titre II du projet de loi pour l'initiative économique, complétés par trois articles additionnels introduits par l'Assemblée nationale, proposent de faciliter cette transition à travers plusieurs mesures tendant à améliorer le statut des salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise et à améliorer leur environnement statutaire, financier et social.
1) Les mesures visant à aménager les relations entre les salariés créateurs d'entreprise et leur employeur
Actuellement, le code du travail n'est pas adapté à la situation du salarié qui souhaite créer ou reprendre une entreprise. Afin de lui permettre de concrétiser son projet en le libérant, sous certaines conditions destinées à protéger l'employeur et à garantir l'activité de l'entreprise, d'entraves liées à son statut de salarié, les articles 7, 9 et 9 bis nouveau visent à aménager les relations de travail entre le salarié biactif et son employeur. Ces aménagements portent sur :
- les clauses du contrat de travail : l' article 7 propose une levée des clauses d'exclusivité figurant dans certains contrats de travail afin d'autoriser le salarié, sous réserve d'une obligation de loyauté, à initier un projet de création ou de reprise d'entreprise tout en restant salarié, et ce, pendant un an, éventuellement prorogé en cas de recours au temps partiel ;
- le temps de travail : l' article 9 modifie les règles actuelles relatives au congé et accorde au salarié un nouveau droit au temps partiel pour création ou reprise d'entreprise . Il encadre les modalités de cet aménagement du temps de travail en le soumettant à des conditions portant tant sur l'ouverture (ancienneté, limitation de la durée) que sur l'exercice de ces droits (obligation d'information de l'employeur, possibilités pour l'employeur de différer ou de refuser l'aménagement demandé). Parallèlement, il prévoit des dispositions tendant à permettre une réorganisation de l'entreprise par la définition d'un régime d'heures complémentaires et la fixation des modalités du retour du salarié, ainsi que la nature des sanctions à l'encontre de l'employeur qui ne respecterait pas les nouveaux droits du salarié.
En contrepartie, l' article 9 bis étend les possibilités de recours au contrat à durée déterminée et à l'intérim pour remplacer le salarié bénéficiant d'un passage provisoire à temps partiel pour création ou reprise d'entreprise.
En outre, les députés ont souhaité lever les incertitudes pénales qui pèsent aujourd'hui sur les entreprises en matière de sous-traitance. Opérant un retour à la philosophie de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, que la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail avait remise en cause, l' article 12 bis , introduit par l'Assemblée nationale, rétablit la présomption simple de non salariat au profit du travailleur indépendant régulièrement immatriculé. L'objectif de cette disposition est de préciser exactement dans quelles conditions le juge peut être éventuellement conduit à requalifier des contrats de sous-traitance en contrats de travail et à établir la dissimulation de travail salarié. Votre commission spéciale approuve tout particulièrement cette mesure propre à garantir la stabilité juridique des relations entre donneur d'ouvrage et sous-traitant. En outre, les députés ont souhaité l'étendre aux relations contractuelles liant un donneur d'ouvrage à une société régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés.
Au titre des améliorations à apporter pour faciliter la transition entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur, votre commission spéciale vous propose, dans un article additionnel après l'article 12 bis , de permettre les transferts d'épargne d'assurance-vie accumulée dans un contrat groupe pour salariés sur un contrat groupe souscrit par une association de non-salariés.
2) Les mesures tendant à alléger les cotisations sociales de certains créateurs d'entreprise
- l' exonération pendant un an des cotisations sociales dues par les salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise au titre de cette nouvelle activité ( article 8 ) : partant du constat que le salarié créateur d'entreprise dispose d'une couverture sociale au titre de son activité salariée, et que les cotisations sociales appelées au titre de sa nouvelle activité peuvent lourdement peser sur la viabilité de son projet entrepreneurial, l'article 8 prévoit de l'en exonérer pendant sa première année d'activité, sous certaines limites et conditions (plafond de revenus ou de rémunérations, durée d'activité salariée préalable et postérieure à la création ou à la reprise).
Constatant que l'Assemblée nationale a, par l'adjonction d'un article 8 bis , étendu ce dispositif d'exonération temporaire aux créateurs d'entreprise couverts par le régime social de leur conjoint ou de leur concubin , votre commission spéciale, par souci d'équité, vous propose à l'article 8 de l'étendre de manière générale à tout créateur ou repreneur d'entreprise disposant d'une couverture sociale, à un titre ou à un autre, et, en conséquence, de supprimer l'article 8 bis ;
- le calcul prorata tempori s des cotisations d'assurance maladie et maternité des entrepreneurs occasionnels non salariés non agricoles ( article 12 ) : cette mesure a pour objet de limiter la dissimulation d'activité temporaire ou saisonnière résultant du montant, parfois déconnecté de la réalité des revenus réalisés, du seuil minimal actuel de cotisation annuelle exigé des entrepreneurs occasionnels. Tout en approuvant le principe de cette disposition, votre commission spéciale estime à la fois équitable et de nature à favoriser l'activité de ces petits entrepreneurs occasionnels de remplacer ce palier forfaitaire annuel, dont le niveau peut être excessivement élevé par rapport aux revenus dégagés par l'activité, par une cotisation annuelle calculée sur le bénéfice réel de l'intéressé.
3) La création du contrat d'accompagnement
Une entreprise sur deux échoue avant cinq ans. De l'avis de tous les porteurs de projets, l'accompagnement joue un rôle indispensable dans la consolidation des choix des créateurs et repreneurs d'entreprises et la pérennisation de leurs entreprises. Organisées ou non en réseaux, associations, chambres de métiers, chambres de commerce et d'industrie, boutiques de gestion, ce sont près de 3.000 structures qui maillent le territoire français pour offrir un panel de services avant et après la création ou la reprise de l'entreprise. Afin de renforcer l'implantation et de sécuriser le cadre juridique dans lequel elles opèrent, les articles 10 et 11 du projet de loi proposent la création d'un contrat d'accompagnement, auquel les pouvoirs publics peuvent apporter leur concours.
L' article 10 fixe un cadre contractuel dans lequel porteurs de projets et accompagnateurs peuvent collaborer à la création d'une entreprise, pendant une année, renouvelable deux fois. Les droits et les devoirs des parties contractantes sont précisés par des dispositions visant à assurer la transparence des comptes et l'autonomie des statuts. A cet égard, l'Assemblée nationale a supprimé la responsabilité légale de l'accompagnateur à l'égard des tiers pour les dommages causés par le bénéficiaire à l'occasion du programme d'accompagnement après l'immatriculation de la société, et prévu que la responsabilité de l'accompagnateur ne pourrait être engagée dans cette circonstance que si le contrat d'accompagnement le prévoit. Favorable à cette limitation, votre commission spéciale vous propose de l'étendre en matière d'engagements : il lui semble en effet que seule une mention expresse au contrat peut conduire les accompagnateurs à être solidairement engagés, notamment financièrement, avec le bénéficiaire après l'immatriculation de la société. A défaut d'un tel dispositif, elle craint que les personnes morales se refusent à s'engager dans un processus d'accompagnement en raison des risques importants qu'elles prendraient : il lui paraît essentiel que ces risques soient assumés uniquement si la personne morale concernée y consent, et qu'elle l'indique alors dans le contrat d'accompagnement.
A cet article 10, votre commission spéciale a par ailleurs procédé à diverses modifications rédactionnelles, dont deux méritent d'être particulièrement citées : l'extension du contrat d'accompagnement à la reprise d'entreprise ( ( * )1), qui mérite tout autant, en particulier au regard de son intérêt au plan économique, d'être favorisée et encouragée, et la substitution, au terme « préparation » , du mot « formation » , qui précise davantage la nature du programme que le créateur s'engage à suivre dans le cadre du contrat d'accompagnement.
Lorsque le projet accompagné présente un intérêt qui rencontre les priorités des pouvoirs publics, l' article 11 donne à l'Etat et aux collectivités publiques la possibilité de mobiliser des aides financières ou logistiques , au titre de l'accompagnement. Il organise par ailleurs la protection des bénéficiaires des contrats contre le chômage, les risques couverts par les assurances sociales et les accidents du travail.
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Sous ce titre II, votre commission spéciale vous propose par ailleurs d'insérer un article additionnel après l'article 9 bis étendant aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle les dispositions du code du travail autorisant les entreprises industrielles à organiser le travail en continu sous réserve d'un accord collectif. Il s'avère en effet qu'à la suite d'une récente décision jurisprudentielle, cette législation ne paraît pouvoir être mise en oeuvre dans ces trois départements qu'à la condition que le législateur prévoie explicitement leur applicabilité par dérogations aux dispositions du code professionnel local. Le maintien de règles d'organisation datant des lois impériales prussiennes du début du siècle dernier étant, notamment, de nature à créer des difficultés pour trouver un repreneur en cas de cession d'une entreprise, il convient donc d'adapter en la matière le droit local alsacien-mosellan aux dispositions applicables dans le reste du pays.
* (1) Cette mention complémentaire est aussi apportée par votre commission spéciale aux articles 7, 9 et 11 du projet de loi.