Annexe 53 - LE RÉGIME JURIDIQUE DES PÉRIMÈTRES DE PROTECTION
Source : Service des
collectivités territoriales du Sénat, OPECST
1. L'obligation de protection des captages d'eau
Les collectivités locales sont responsables de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, « patrimoine commun de la nation », aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'environnement .
Aux termes de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau, l'institution de périmètres de protection immédiate et rapprochée est obligatoire pour tous les points de captages déclarés d'utilité publique. La seule exception vise les captages naturellement protégés, qui doivent cependant être reconnus d'utilité publique. La première loi sur l'eau du 6 décembre 1964 avait rendu l'établissement des périmètres de protection obligatoire, depuis, pour tout nouveau captage créé après la date de publication de la loi (le 12 décembre 1964, disposition reprise dans l'article L 20 du code de la santé publique) ; la seconde loi sur l'eau du 3 janvier 1992 s'appliquait cette fois à tous les captages. L'article 13-1 de la loi donnait un délai de cinq ans, soit jusqu'au 5 janvier 1997, pour la mise en place des périmètres.
L'absence de périmètres de protection peut engager la responsabilité du service de distribution d'eau potable, du maire de la commune d'implantation du captage, ou de l'Etat.
Les périmètres de protection sont au nombre de trois , selon l'article L. 1321-2 du code de la santé publique .
a) Le périmètre de protection immédiat.
Il s'étend généralement dans un rayon de quelques dizaines de mètres autour du point de captage. Les terrains concernés doivent nécessairement être acquis en pleine propriété par la commune . Toutefois, si certains des terrains visés dépendent du domaine de l'Etat, ils ne peuvent donner lieu qu'à une convention de gestion.
La commune peut choisir de recourir à l'expropriation ou à la cession amiable ou encore à l'échange de parcelles (à partir d'une réserve foncière, qui peut être celle de la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural - SAFER -).
Sur ce périmètre, les seules opérations autorisées sont liées à l'entretien des installations de prélèvement d'eau, de la clôture obligatoire et au maintien de la couverture herbacée sans pâturage, avec fauche et évacuation de l'herbe.
b) Le périmètre de protection rapprochée
Il couvre généralement une dizaine d'hectares autour et en amont hydraulique de l'ouvrage. L'objectif est de protéger le captage de la migration souterraine des substances polluantes.
Les activités, installations ou dépôts peuvent être réglementés ou interdits s'ils risquent de nuire à la qualité des eaux (épandage, labour, fertilisation).
Afin de faciliter la mise en oeuvre des prescriptions, les collectivités pourront utilement acquérir par expropriation pour cause d'utilité publique, ou par voie amiable, les terrains fonciers concernés, éventuellement à l'occasion d'une opération de remembrement.
Les exploitations agricoles dont le siège est situé dans un périmètre de protection déclaré d'utilité publique sont éligibles pour les travaux au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, cofinancé par l'Etat et l'Agence de l'eau.
c) Le périmètre de protection éloignée
L'instauration de ce périmètre est facultative . Elle doit permettre de renforcer la protection contre les pollutions permanentes ou diffuses. Le périmètre de protection éloignée correspond à la zone d'alimentation du point d'eau, et parfois même à l'ensemble du bassin versant.
2. La procédure et le financement de mise en
place des périmètres de protection
a) La procédure
La procédure de mise en place des périmètres de protection comprend une phase technique et une phase administrative. Les périmètres sont définis, après une étude hydrogéologique effectuée par un hydrogéologue agréé, et prescrits par une déclaration d'utilité publique . La procédure est décrite par une circulaire du 24 juillet 1990 (JO du 13 septembre 1990).
Comment mettre en place les périmètres de protection ?
- Délibération de la collectivité (commune ou établissement de coopération intercommunale) sollicitant la détermination d'un périmètre de protection.
- Etude préliminaire d'environnement comprenant l'inventaire de la pollution des sols et des points de pollutions potentielles sur le bassin d'alimentation du captage.
- Etude hydrogéologique comprenant trois volets : Caractéristiques hydrogéologiques du secteur, vulnérabilité de la nappe, inventaire des risques. Ces études sont réalisées par ou soumis à l'avis d'un hydrogéologue agréé désigné par hydrogéologue coordonnateur départemental.
- Proposition de périmètre. L'hydrogéologue donne un avis sur les limites du périmètre (périmètre de protection immédiat -PPI- périmètre de protection rapprochée- PPR-). Le PPI est autour du lieu de captage, mais l'hydrogéologue peut aussi déterminer des « satellites » de protection immédiate, disjoints du captage en cas de points d'infiltration clairement identifiés ( gouffre).
- Proposition de servitude comportant des interdictions (interdiction de forage, de création de plan d'eau, d'épandage dangereux...) et des servitudes (conditions de stockage de produits dangereux, condition d'épandage d'effluents agricoles, mise en conformité des installations d'assainissement...)
- Enquête publique ouverte par arrêté préfectoral. Elle comprend la désignation d'un commissaire enquêteur, l'envoi de notifications individuelles aux propriétaires concernés, l'enquête elle même, après affichage en mairie, et le rapport du commissaire enquêteur. Elle est complétée par des enquêtes parcellaires en cas de projet d'expropriation.
- Avis du conseil départemental d'hygiène (ou du conseil supérieur d'hygiène publique de France pour les captages les plus importants) sur les mesures de protection.
- Arrêté de déclaration d'utilité publique - DUP- instituant la protection et définissant les conditions d'autorisation d'utiliser l'eau.
- Inscription de la DUP aux hypothèques (aux frais de la commune). Cette inscription est obligatoire (article 36 du décret du 4 janvier 1955).
- Information individuelle de chaque propriétaire concerné, par la commune.
- Inscription des servitudes de la DUP en annexe du plan d'occupation des sols par arrêté du maire.
- Acquisition des terrains du PPI et mise en place de clôture.
- Application des servitudes du PPR. L'acquisition foncière n'est pas obligatoire, les servitudes sont sous le contrôle du juge, elles ne doivent pas être excessives (l'interdiction de construction est excessive)
- Éventuellement indemnisation des servitudes
- Suivi des servitudes sous le contrôle du juge (un
permis de construire ne précisant pas les conditions d'assainissement
dans une construction située dans le PPR constitue une erreur manifeste
d'appréciation) et des services déconcentrés de l'Etat.
Certaines communes ont également des services consacrés au
respect de la DUP.
b) Le financement
Il convient de distinguer les travaux et les compensations financières éventuelles.
- Concernant les travaux de protection, la création des périmètres de protection est aidée par les agences de l'eau . Aux subventions des agences (qui peuvent atteindre 60 % des travaux concernés), peuvent s'ajouter pour les communes rurales, les subventions du Fonds national pour le développement des adductions d'eau (FNDAE). Le département et la région peuvent également subventionner ces travaux.
- En revanche, les communes ne perçoivent aucune compensation financière. Dans la mesure où la préservation de l'eau et des points de captage est un devoir, une mission obligatoire , aucun mécanisme d'aide ne semble avoir été prévu, y compris pour les communes qui comptent plusieurs points de captage d'eau sur leur territoire et connaissent des conditions d'aménagement du territoire et de développement économique particulières.
Des difficultés surviennent notamment lorsque les unités de production se situent dans une commune différente de celle des points de captage. Il y a alors un décalage complet entre les contraintes imposées à une commune et les ressources financières qu'elle retire du prélèvement des eaux. Cette situation pourrait être améliorée lors de l'examen d'un prochain projet de loi sur l'eau.