Rapport n° 172 (2002-2003) de M. Didier BOULAUD , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 12 février 2003
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INTRODUCTION
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CONCLUSION
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EXAMEN EN COMMISSION
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PROJET DE LOI
N° 172
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 12 février 2003 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant la ratification de l' accord de stabilisation et d' association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Croatie , d'autre part (ensemble huit annexes et six protocoles),
Par M. Didier BOULAUD,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. Robert Del Picchia, Guy Penne, Jean-Marie Poirier, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Ernest Cartigny, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, André Ferrand, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 251 , 373 et T.A. 69
Sénat : 135 ( 2002-2003)
Traités et conventions. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
L'Union européenne ne pouvait rester indifférente au délabrement engendré par plusieurs années de conflits sanglants entre les nations des Balkans.
La paix maintenant revenue, le temps est à la reconstruction politique, sociale et économique. C'est pour soutenir cette reconstruction qu'un nouveau type d'instrument, les accords de stabilisation et d'association (ASA) ont été définis en 2000, lors du Conseil européen de Feira, présidé par la France.
Deuxième signataire, après la Macédoine, d'un accord de ce type, la Croatie dispose d'atouts importants qu'il convient de valoriser.
I. L'AVÈNEMENT DE LA NATION CROATE S'EST EFFECTUÉ SUR LES DÉCOMBRES DE LA YOUGOSLAVIE BÂTIE PAR TITO
A. L'ÉTAT YOUGOSLAVE N'A PAS RÉSISTÉ À LA DISPARITION DE SON FONDATEUR
La Croatie a conquis son indépendance en 1991, au terme d'un bref, mais sanglant conflit avec les forces de la République fédérative de Yougoslavie. Cette accession à la souveraineté internationale a ravivé des tensions ancestrales fondées notamment sur la culture et la religion : la Croatie, en effet, a longtemps dépendu de l'Empire austro-hongrois, dont la tutelle était assez souple pour permettre à cette nation en devenir de développer un sentiment identitaire, conforté par l'appartenance à la religion catholique.
Les autres Etats réunis au terme de la deuxième guerre mondiale sous l'autorité sans faille de Josif Tito (lui-même croate) au sein de la République fédérative de Yougoslavie, différaient de la Croatie par une appartenance culturelle et religieuse relevant de la sphère orthodoxe (la Serbie), ou encore musulmane (Bosnie-Herzégovine, Kosovo), ces derniers ayant été longtemps dominés par l'Empire Ottoman. Le prestige et la légitimité que Tito avait acquis de son combat contre l'occupant allemand, puis de son indépendance relative au sein du bloc de l'Est, lui ont permis d'apaiser -ou d'étouffer- durant sa présidence et jusqu'à sa disparition en 1980, les tensions constitutives à cette région, résumées dans sa désignation traditionnelle de « poudrière des Balkans ».
La disparition de ce dirigeant charismatique, conjuguée à l'onde de choc provoquée par l'effondrement des gouvernements en place à l'Est à partir de 1989, ont eu raison de l'ensemble yougoslave.
Cette recomposition a, cependant, pris une forme particulièrement meurtrière dans cette région.
L'Europe, qui n'est pas restée insensible à ces convulsions, se devait d'appuyer le retour à la paix de l'ensemble balkanique.
B. L'INITIATIVE EUROPÉENNE POUR LES BALKANS OCCIDENTAUX VISE À SOUTENIR LA RESTAURATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DES ETATS DE LA RÉGION
La paix est aujourd'hui revenue dans cette zone, et la Croatie, en particulier, a déjà accompli de nombreux progrès en matière de reconstruction économique, de transition vers une économie de marché, et de mise en place d'un modèle politique pluraliste.
Pour appuyer cette évolution, l'Union européenne a lancé, lors du sommet de Zagreb (24/11/2000), sur l'initiative de la France, alors présidente de l'Union, le processus de stabilisation et d'association (PSA) à destination des cinq Etats des Balkans occidentaux que sont l'Albanie, la Macédoine, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, et la République fédérale de Yougoslavie (devenue au début du mois de février 2003 l'Etat de Serbie-Monténégro).
Ce processus repose sur l'idée que la perspective européenne, ouverte lors des Conseils européens de Cologne et de Feira (qui leur avait reconnu la qualité de « candidats potentiels à l'adhésion ») constitue le principal levier vis-à-vis des pays de la région. Il se traduit par la négociation et la conclusion d'Accords de Stabilisation et d'Association (ASA) et est accompagné d'un nouvel instrument communautaire, le programme CARDS 1 ( * ) (doté pour la période 2000-2006 de 4,65 Mds d'Euros), qui doit permettre d'accompagner et de conforter le processus de réformes. Ils bénéficient également de préférences commerciales asymétriques exceptionnelles.
Les pays des Balkans qui rejoignent le PSA s'engagent à respecter les conditionnalités politiques et économiques de l'Union européenne, qui recouvrent des conditions générales, applicables aux 5 Etats, concernant les réformes démocratiques (séparation des pouvoirs, indépendance des juges et des médias, loi électorale), le respect des droits de l'homme et des minorités, le retour des réfugiés et les réformes économiques. Elles recouvrent également des conditions particulières (coopération avec le TPIY, respect des accords de paix). Les pays de la région s'engagent également à coopérer entre eux, et à établir des conventions de coopération régionale (« prévoyant un dialogue politique, une zone régionale de libre-échange ainsi qu'une coopération étroite dans le domaine de la justice et des affaires intérieures »).
Chaque pays se voit définir un partenariat fixant les prochaines étapes dans la voie du rapprochement vers l'Union européenne.
Le 3 avril 2002, la Commission a précisé, dans son rapport annuel, l'état du processus, mettant en valeur les réformes effectuées (retour de la démocratie), mais aussi la fragilité des arrangements constitutionnels en Bosnie, RFY et ARYM 2 ( * ) , la corruption généralisée, la faiblesse des capacités administratives, un fort nationalisme, une société civile faible. Elle a souligné les progrès à effectuer, s'agissant de la coopération régionale et les difficultés à coordonner les différentes initiatives régionales. Elle a enfin dégagé deux orientations pour l'avenir, touchant à la poursuite des efforts de réforme et à l'organisation de réunions régulières (sous le nom de « processus de Zagreb »), au niveau ministériel, dans le suivi du sommet de Zagreb, afin de renforcer le dialogue politique et la coopération.
Il faut souligner que la Croatie est l'Etat le plus avancé sur la voie du processus de stabilisation et d'association, et un accord de stabilisation et d'association a ainsi été conclu entre l'Union européenne et ce pays le 29/10/2001. Il est en cours de ratification parmi les Quinze Etats membres de l'Union. Zagreb doit mettre en oeuvre l'accord dans une période de 6 ans. Les autorités croates ont déjà fait savoir qu'il ne leur faudrait que trois ans pour le mettre en oeuvre et espèrent déposer une demande d'adhésion à l'Union qui aboutirait en 2007. La Croatie souffre encore de problèmes en matière de capacités administratives et d'efficacité de la justice.
Depuis le lancement du PSA, un premier accord de stabilisation et d'association a été signé, le 9 avril 2001, avec la Macédoine.
Mais le stabilité interne de la Croatie fait d'elle le premier pays en état de bénéficier pleinement des dispositions contenues par l'ASA conclu entre elle-même et l'Union européenne le 29 octobre 2001.
II. LA CROATIE DISPOSE D'ATOUTS POUR SURMONTER LES SÉQUELLES DES RÉCENTS CONFLITS QUI ONT DÉCHIRÉ LES BALKANS
A. UNE FORTE VOLONTÉ DE S'ANCRER À L'UNION EUROPÉENNE
L'intérêt porté par la Croatie à l'appui apporté par l'ASA se signale par la promptitude de la ratification de l'accord, intervenue le 30 janvier 2002.
Au sein de l'Union européenne, quatre pays ont également procédé à cette ratification : l'Autriche (15 mars 2002, l'Irlande (6 mai 2002), le Danemark (8 mai 2002) et l'Espagne (4 octobre 2002).
Il faut rappeler que l'ouverture de négociations en vue d'un ASA dépendait du respect par la Croatie des conditions politiques et économiques fixées par l'Union européenne. Les évolutions politiques intervenues à la suite des élections législatives et parlementaires du début de l'an 2000 ont marqué un nouveau départ pour les relations bilatérales et ont abouti à l'adoption, par la Commission, le 24 mai 2000, d'un rapport favorable sur la négociation d'un ASA avec ce pays. L'accord a donc été conclu le 14 octobre 2001 entre le Commissaire européen aux relations extérieures, M. Christopher Patten, et le négociateur croate, M. Mimimca.
Cet accord constitue le premier lien contractuel global établi entre les communautés européennes et la République de Croatie.
Les crédits destinés à soutenir l'ASA sont les suivants :
La Croatie a bénéficié de 59 Meuros pour 2002, et recevra un total de 189 Meuros pour la période 2002-2004.
Pour 2002, les projets du programme CARDS pour la Croatie se sont concentrés sur : la stabilisation démocratique (16 Meuros), le développement économique et social (18 Meuros), la justice et les affaires intérieures (10 Meuros), la capacité administrative (12 Meuros) et l'environnement et les ressources naturelles (3 Meuros).
Les atouts et les faiblesses de la stabilisation politique et économique de la Croatie sont divers.
La situation politique a radicalement évolué avec l'élection à la Présidence de la République, en 2000, de Stépan Mesic, qui fut le dernier président en exercice de la Fédération yougoslave, en 1991. Sa carrière politique, comme sa personnalité ouverte contrastent avec la rigidité de Franjo Tudjman, auquel il a succédé après la disparition de ce dernier.
Aussi, en dépit d'un contexte social tendu, et pour permettre sa réintégration dans la communauté internationale, la Croatie s'efforce de réaliser un large programme de réforme institutionnelle et politique (démocratisation des institutions, lutte contre la corruption, indépendance des médias, coopération avec le TPIY). Le gouvernement a par ailleurs engagé une politique économique d'austérité marquée par la réduction de certaines prestations sociales, des salaires de la fonction publique et du nombre de fonctionnaires, touchant particulièrement les effectifs policiers et militaires, visant à limiter le déficit budgétaire. Celle-ci est mal perçue par la population, mais paraît devoir à terme porter ses fruits. Le rapport de la mission du FMI en Croatie (février 2002) dresse un tableau plus favorable que prévu en constatant pour 2001 une croissance de 4,2 % et une inflation réduite à 2,6 % (contre 4,5 % annoncés).
C'est dans cette perspective qu'un crédit « stand-by » de 146 millions de dollars a été accordé, le 3 février 2003, par le FMI à la Croatie sur une période de 14 mois. Ce crédit vise à soutenir le programme de réforme économique et financier entrepris par le gouvernement croate.
Il faut relever que la Croatie est la plus riche des républiques issues de l'ancienne Yougoslavie , après la Slovénie, avec un PIB/habitant de 4600 dollars et une structure du PIB assez proche de celle d'une nation industrialisée.
Les réformes structurelles n'ont , pour l'instant, que partiellement abouti. La plupart des 2600 entreprises publiques ont été privatisées, à l'exception notoire des plus grandes d'entre elles, notamment dans le secteur pétrolier, routier, électrique et des télécommunications. La réforme bancaire est insuffisante (sous-capitalisation, manque de transparence), et les dépenses publiques demeurent excessives au regard des recettes disponibles. Le seul domaine où les progrès sont substantiels est la libéralisation du commerce extérieur.
Au plan macroéconomique, il faut souligner que la situation demeure difficile : le ralentissement de la croissance a été brutal entre 1997 et 1999 (de 6,5 % à - 0,3 %) à cause de la crise du Kosovo et pour des raisons de gestion interne. La croissance s'est toutefois nettement redressée à partir de 2000 (3,5 % en 2000, 4 % en 2001) notamment grâce à une bonne saison touristique et à la vitalité de la consommation intérieure. Après une rechute de la croissance fin 2001, la croissance s'est redressée au premier trimestre 2002.
Cependant, des éléments positifs doivent être relevés, comme une volonté de normalisation des relations avec les Etats voisins, qui constitue un des impératifs de l'ASA.
La poursuite du rapprochement avec l'OTAN constitue également une priorité de la Croatie . Après l'adhésion, en mai 2000, au Partenariat pour la Paix, et son intégration au Plan d'Action pour l'Adhésion, une demande officielle d'adhésion a été formulée lors du sommet de Prague en novembre 2002.
B. DES RELATIONS BILATÉRALES ENCORE LIMITÉES
1. La situation économique
Du point de vue économique, l'encours des investissements français en Croatie reste modeste. Un accord de protection des investissements a néanmoins été signé le 3 juin 1996 à Zagreb ; il est entré en vigueur le 5 mars 1998. Les banques françaises sont peu exposées en Croatie. Leurs créances consolidées n'excèdent pas 3 % des créances bancaires étrangères sur le pays (les banques allemandes détiennent près de 40 % du total).
L'aide bilatérale française est récapitulée dans le tableau ci-dessous pour 1999, 2000, 2001 et 2002 (millions d'euros)
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
|
Crédits DGCID |
0,65 |
0,84 |
0,94 |
1,03 |
Crédits DCMD |
0,02 |
0,06 |
0,08 |
0,34 |
Crédits MINEFI (Fonds fiduciaire auprès de la BERD) |
0,08 |
|||
Crédits Ministère de l'Intérieur |
0,004 |
0,03 |
||
Total |
0,06 |
0,9 |
1,13 |
1,37 |
2. Les relations politiques
Les relations politiques se renforcent progressivement : la visite en France du Président Mesic, le 25 février 2003, en témoigne. Les entretiens entre les présidents Mesic et Chirac ont permis d'évoquer la récente signature par la Croatie, comme par les neuf autres pays du « groupe de Vilnius », d'une déclaration soutenant la position des Etats-Unis vis-à-vis de l'Irak, l'état de la coopération avec le TPIY, comme la volonté de la Croatie d'adhérer rapidement -la date de 2007 a été évoquée- à l'Union européenne.
Enfin, un accord de coopération, visant à un soutien technique et logistique à la police croate, est en cours de négociation entre les deux ministères de l'Intérieur.
CONCLUSION
Il est impératif que l'Union européenne soutienne résolument les pays des Balkans pour qu'ils surmontent les séquelles politiques, sociales et économiques laissées par les affrontements des années 1990. La Croatie est le pays le plus avancé dans cette voie, même si de nombreux progrès en matière de construction d'un véritable Etat de droit, et d'une réelle libéralisation de l'économie restent à effectuer.
L'outil européen que constitue l'accord de stabilisation et d'association est bien adapté à la situation actuelle de la Croatie, et ses effets positifs devraient permettre de renforcer ultérieurement les relations bilatérales avec la France.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du mercredi 12 février 2003.
Après la présentation du rapporteur, M. Xavier de Villepin a souhaité obtenir des précisions sur la place de cet accord dans les différentes étapes que ces pays devraient franchir avant d'être à même de présenter leur candidature à l'adhésion.
M. Robert Del Picchia s'est interrogé sur la date de la demande d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne.
M. André Dulait, président, a souligné que l'appui économique accordé aux pays signataires d'un tel accord de stabilisation et d'association passait notamment par un abaissement des droits de douane pour un certain nombre de produits exportés vers l'Union européenne.
En réponse, M. Didier Boulaud, rapporteur, a souligné que la conclusion d'un accord de ce type constituait une étape pour un nécessaire redressement politique et économique après les conflits qui ont déchiré les Balkans. Les dispositions du présent accord visent à accélérer ce nécessaire rattrapage.
En conclusion, la commission a adopté le présent projet de loi.
PROJET DE LOI
(Texte proposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Croatie, d'autre part (ensemble huit annexes et six protocoles), signé à Luxembourg le 29 octobre 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi 3 ( * ) .
* 1 Community Assistance for Reconstruction, Development and Stabilisation
* 2 Ancienne République yougoslave de Macédoine.
* 3 Voir le texte annexé au document Assemblée nationale n° 251 (Douzième législature).