E. FRAPPE DANS LA PROFONDEUR : UNE ACCENTUATION NOTABLE DE NOS CAPACITÉS
1. Un système de forces déterminant dans le nouveau contexte stratégique
Déjà soulignée à la suite du
conflit
du Kosovo, la
nécessité de pouvoir délivrer des frappes
précises, par tout temps et où que se situent les objectifs
,
a été pleinement illustrée lors de la réponse, en
Afghanistan, aux attaques terroristes du 11 septembre 2001, qui imposait de
réduire un adversaire peu visible sur un théâtre
d'opérations lointain.
Les priorités d'aujourd'hui diffèrent de celles de la guerre
froide : grâce aux nouvelles capacités de projection et de
mobilité, l'objectif principal consiste à frapper, si possible
par surprise, à l'intérieur du territoire hostile. Il n'y a plus
de « lignes ennemies », et les forces à
détruire s'appliquent à se mêler à des populations
civiles pour susciter la réprobation des opinions publiques des
puissances impliquées, en cas de dommages affectant les non-combattants.
C'est pourquoi les capacités de frappe dans la profondeur doivent
permettre la destruction d'objectifs précisément localisés
à l'intérieur d'un territoire qui ne peut être
considéré comme globalement ennemi. Ces frappes doivent pouvoir
être effectuées par tout temps et avec suffisamment de
précision pour limiter le plus possible les pertes humaines et
matérielles sur le territoire en cause, comme parmi les forces
armées qui interviennent.
La frappe dans la profondeur requiert des
moyens
diversifiés
: une capacité d'action aérienne
à partir de la terre ou à partir de la mer, afin de pouvoir agir
sur des théâtres éloignés, des armes de frappe
à longue distance et de précision qui s'affranchissent de
contraintes telles que la nuit ou le mauvais temps, une capacité
d'actions ponctuelles au sol dans la profondeur du dispositif adverse.
Cette capacité stratégique, essentielle à la
crédibilité de la France sur la scène internationale, par
le caractère effectif des actions armées qu'elle serait en mesure
de mener, si besoin était, n'est pas au niveau souhaitable au regard de
l'évolution des menaces et du potentiel qu'exige la conduite de telles
actions. Elle est affectée par l'indisponibilité
régulière du groupe aéronaval et par un potentiel
limité en armes de précision. Si elle demeure, avec celle des
britanniques, la plus importante en Europe, elle doit être
renforcée pour répondre à la dégradation de
l'environnement international et à l'émergence, loin de nos
frontières, de menaces pouvant gravement affecter notre
sécurité.
Les capacités américaines et britanniques de frappe à
longue distance
. Etats-Unis
La capacité de frappe des
Etats-Unis
est maximale dans tous les
domaines. Les forces aériennes basées à terre ou
embarquées disposent de plus de 4000 avions de combat capables de mener
des missions d'attaque au sol dont 210 à très long rayon d'action
du type B52, B1 ou B2.
Les armements mis en oeuvre sont performants, nombreux et variés et
permettent tous les types de frappes :
- bombes à guidage (GPS, laser) de précision métrique tout
temps, aux effets multiples : souffle, incendiaire, forte
pénétration, non-létal (bombe au graphite, micro ondes de
forte puissance) ;
- missiles de croisière, en service dans les 3 armées dont la
portée s'échelonne de 150 à 2000 kms.
Actuellement, 11 porte-avions nucléaires sont disponibles et plus de
1000 avions de combat peuvent être embarqués.
La capacité de suppression des défenses aériennes ennemies
(SEAD) repose sur une composante de brouillage offensif dans la totalité
du spectre électromagnétique et sur l'emploi d'un armement
dédié à base de missiles anti-radiation Harm. 120 avions
du type EA 6B « Prowler » sont spécialement
dévolus à cette mission. Ils sont en cours de modernisation et
devraient être remplacés à la fin de la décennie par
le EAF 18 « Growler » en cours de développement.
Les forces spéciales sont estimées à environ 46 000
hommes, instruits et équipés pour effectuer des missions
« non conventionnelles » en totale autonomie. Les
unités appartiennent aux 3 armées mais sont regroupées au
sein d'un commandement unique.
. Royaume-Uni
Globalement, la capacité britannique de frappe dans la profondeur est
comparable à celle de la France. Environ 350 avions de combat (Tornado,
Jaguar, Harrier) peuvent mettre en oeuvre un armement conventionnel à
base de bombes à guidage de précision ou de missiles de
croisière avec la récente mise en service du missile
« Storm Shadow », version britannique du Scalp EG
français. La capacité de tir de précision métrique
tout temps ne sera détenue qu'au milieu de la décennie.
Contrairement à la France, la Grande-Bretagne ne dispose pas de
véritable porte-avions mais de 3 porte-aéronefs sans catapultes
mettant en oeuvre des avions à décollage court et atterrissage
vertical du type Harrier. En revanche, sa flotte sous-marine est
équipée de missiles de croisière américains
à changement de milieu Tomahawk. En matière de SEAD, aucune
capacité de brouillage offensif n'a été
développée mais l'armée de l'air met en oeuvre le missile
antiradiation Alarm de conception nationale.
Les forces spéciales sont jugées équivalentes à
celles de la France (environ 1500 hommes) avec une capacité de
projection toutefois supérieure (hélicoptère lourds).
Le projet de loi de programmation engage ce renforcement de nos moyens
grâce à la décision de lancer en 2005 la construction d'un
second porte-avions, à la poursuite, sans nouveau retard, de la
livraison du Rafale, aux programmes d'armes de précision - missiles de
croisière ou armes guidées- et aux moyens nouveaux dévolus
aux forces spéciales.
Durant la période 2003-2008, les ressources prévues pour le
système de forces « frappe dans la profondeur » sont
les suivantes:
( en millions d'euros 2003)
|
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Total |
AP |
1 172 |
1 188 |
2 222 |
3 827 |
890 |
614 |
9 912 |
CP |
1 355 |
1 707 |
1 907 |
1 983 |
2 015 |
2 074 |
11 041 |
2. Le lancement d'un second porte-avions : le choix de la cohérence
L'admission au service actif du porte-avions Charles de
Gaulle,
en 2001, a permis d'améliorer très notablement notre
capacité d'action depuis la mer, mais depuis le désarmement
anticipé du Foch, en 2000, et vendu depuis au Brésil, la
permanence du groupe aéronaval n'est plus assurée.
Notre modèle d'armée comportait la livraison d'un second
porte-avions , sous réserve «
que les conditions
économiques le permettent
». Il a été
décidé de
lever cette hypothèque
et
d'inscrire
définitivement cet équipement à la liste de nos
capacités
. La commande du second porte-avions interviendra en 2005
pour une livraison à l'horizon 2014.
Cette décision, confortée par la démonstration du
rôle irremplaçable du groupe aéronaval lors de
l'opération Héraclès
18(
*
)
, vise également à mettre
fin à l'incohérence faisant de notre pays une puissance
« intermittente », dépourvues de ses
capacités de riposte et de frappe à partir de la mer durant
l'immobilisation pour entretien de son unique porte-avions (six mois en 2003,
dix-huit mois en 2006, la révision portant alors sur les
chaudières nucléaires).
Seul un second bâtiment, assurant la permanence du groupe
aéronaval, donne également toute sa cohérence à
l'investissement considérable déjà effectué pour la
construction du Charles-de-Gaulle et surtout pour l'acquisition d'un groupe
aérien embarqué composé de Rafale et d'avions de guet
Hawkeye.
FRAPPE DANS LA PROFONDEUR - PRINCIPAUX PROGRAMMES
Programmes |
Mission |
Coût global
|
Coût unitaire
|
CP 2003 -2008 |
Commandes et livraisons |
Industriel |
Coopération |
1 porte-avions |
Frappe dans la profondeur et maîtrise du milieu |
- |
Entre 1 600 et 3.2 selon l'architecture |
550 |
Commande en 2005, livraison avant 2014 |
A définir |
Envisagée avec le Royaume-uni |
60 avions de combat Rafale marine et 234 Rafale air |
Attaque au sol tout temps, supériorité aérienne, frappe nucléaire, appui feu rapproché, reconnaissance, ravitaillement en vol, assaut à la mer |
31.335 |
De 44,7 (monoplace air) à 57,8 (monoplace marine) |
8 471 |
31
Rafale marine commandés et 21 livrés de 2003 à 2008
|
Dassault-Aviation |
|
500 missiles de croisière SCALP-EG |
Neutralisation d'infrastructures par des frappes de précision métrique à longue portée |
786 |
0,85 |
411,1 |
500 missiles livrés de 2003 à 2007 |
MDBA/Bae |
Royaume-Uni, Italie, France |
250 missiles de croisière navals |
Frappe par missile de croisière depuis la mer (frégates et sous-marins) |
Entre 747 et 823 |
|
156,1 |
250 missiles commandés en 2006 pour des livraisons à partir de 2011 |
MBDA |
|
100 missiles anti-piste Apache |
Missile de croisière tout temps de précision décamétrique pour la neutralisation des pistes d'aérodrome |
675 |
1,61 |
63,6 |
Livraison des 45 derniers missiles en 2003 et 2004 |
MDBA |
|
3000 munitions guidées air-sol modulaires AASM |
Frappe à distance de sécurité et de précision métrique ou décamétrique |
408 |
de 0,8 (précision décamétrique) à 1,01 (précision métrique) |
221,4 |
Commande des 3000 munitions achevée en 2005 ; 1104 munitions livrées de 2005 à 2008 |
SAGEM. |
|
10 hélicoptères Cougar MK2-EC 725 |
Opérations spéciales ; recherche et sauvetage au combat |
307,8 |
27,6 |
316,7 |
10 livraisons de 2004 à 2006 |
Eurocopter |
|
Notre collègue André Boyer a
récapitulé, dans un rapport d'information paru en mai
2000
19(
*
)
, l'ensemble des raisons
qui conduisaient votre commission des affaires étrangères et de
la défense à plaider en faveur du lancement de la construction
d'un second bâtiment. Elle ne peut donc aujourd'hui qu'approuver
pleinement le choix du Président de la République et du
Gouvernement.
Le projet de loi de programmation affecte 550 millions d'euros de
crédits de paiement à compter de 2004 et jusqu'en 2008 pour
financer des études préalables. Le lancement de la
réalisation interviendrait en 2005 et nécessiterait, sur la
période de la programmation, environ 1,2 milliard d'euros
d'autorisations de programme.
L'échéance retenue pour la
mise en service
opérationnelle du bâtiment est fin 2014
au plus tard.
Dans ce cadre financier et chronologique, trois hypothèses sont à
l'étude :
soit la construction d'un autre porte-avions à
propulsion nucléaire
, bénéficiant des acquis,
adaptés et modernisés, de la construction du Charles-de-Gaulle et
disposant des avantages liés à ce type de propulsion (large
autonomie) ;
soit la construction d'un porte-avions à propulsion
classique
, dont la maintenance est moins contraignante, notamment en
durée d'immobilisation, mais qui ne bénéficie pas de
l'autonomie d'emploi, ni donc de « l'allonge »
découlant de la propulsion nucléaire.
Ce bâtiment
pourrait être construit soit de façon autonome, soit
-troisième hypothèse-
en coopération avec la
Grande-Bretagne
. Ce pays vient, en effet, de lancer les études
préalables à l'acquisition de deux porte-avions d'environ
50 000 tonnes pour en doter sa flotte, qui ne dispose pour l'heure que de
porte-aéronefs.
La phase d'études a été ouverte au sein du
ministère de la défense pour évaluer les
différentes options. La coopération éventuelle avec les
britanniques pourrait, en effet, prendre plusieurs formes, se limiter à
certains équipements ou porter sur l'ensemble de leur programme.
3. L'arrivée très attendue du Rafale
Notre parc d'avions de combat en ligne va progressivement évoluer avec l'entrée en service du Rafale, selon l'échéancier suivant :
Avions de combat |
2002 |
2003 |
2005 |
2008 |
2015 |
Rafale (Air) |
0 |
0 |
10 |
50 |
150 |
Mirage 2000-5 F |
30 |
30 |
30 |
30 |
30 |
Mirage 2000 C/B |
80 |
80 |
80 |
60 |
20 |
Mirage 2000 D |
60 |
60 |
60 |
60 |
60 |
Mirage 2000 N |
60 |
60 |
60 |
40 |
40 |
Mirage F1 CR |
40 |
40 |
40 |
40 |
0 |
Mirage F1 CT |
40 |
40 |
40 |
20 |
0 |
Mirage F1 C/B |
20 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Jaguar A |
20 |
15 |
0 |
0 |
0 |
Mirage IV P |
5 |
5 |
0 |
0 |
0 |
Total Armée de l'air |
355 |
330 |
320 |
300 |
300 |
Super Etendard modernisés |
29 |
29 |
29 |
10 |
- |
Rafale (Marine) |
9 |
9 |
9 |
28 |
40 |
Total Marine |
38 |
38 |
38 |
38 |
40 |
Total avions de combat |
393 |
368 |
358 |
338 |
340 |
La
cible définitive du programme Rafale est de 294 appareils, dont 234 pour
l'Armée de l'air (dont 139 biplaces) et 60 pour la Marine (dont 35
biplaces).
La Marine dispose, depuis la fin 2001, de 10 Rafale monoplaces au standard F1
(air-air).
Le développement du standard F2 a été lancé
à la fin de l'année 1998-pour une
mise en service en
2006
-, qui
équipera la première unité de
l'armée de l'air
, et les livraisons à venir pour renforcer la
marine. Ce standard permettra une polyvalence accrue, avec une
amélioration des capacités air-air du F1, et une
intégration des capacités air-sol incluant l'utilisation des
missiles Scalp et AASM
;
Le standard F3
(objectif de mise en service en 2009) intégrera
des capacités anti-navires, avec l'utilisation du missile air-mer AM 39
Exocet (pour la version marine), d'une nacelle de reconnaissance de nouvelle
génération, et de l'ASMP-A, qui permettra la frappe
nucléaire.
L'appareil, du fait de sa polyvalence, devra être à même
d'utiliser tous les armements modernes, dont les MICA et les
MIDE-Météor.
Le projet de loi de programmation affecte à ce programme les
financements suivants :
(en M€ 2003)
Programmes |
M€ |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Total 03-08 |
Rafale
|
AP |
706 |
930 |
1051 |
1 090 |
1 157 |
1 198 |
6 134 |
CP |
702 |
638 |
696 |
2 260 |
405 |
451 |
5 152 |
|
Rafale Marine |
AP |
265 |
248 |
136 |
950 |
185 |
43 |
1 807 |
CP |
250 |
313 |
363 |
448 |
471 |
463 |
2 308 |
Il faut souligner que l'effort financier sera plus soutenu de 2005 à 2008. Ces crédits permettront les commandes et les livraisons décrites dans cet échéancier :
|
|
<2003 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
Ult. |
||||||||||
Rafale Air |
C(1) |
36 |
46 |
0 |
0 |
48 |
0 |
0 |
104 |
||||||||||
L(2) |
3 |
0 |
5 |
10 |
13 |
14 |
15 |
174 |
|||||||||||
Rafale |
C |
25 |
13 |
0 |
0 |
18 |
0 |
0 |
4 |
||||||||||
Marine |
L |
10 |
0 |
0 |
0 |
6 |
6 |
7 |
31 |
(1) commandes
(2) livraisons
Les sommes affectées par le projet de loi au programme Rafale lui
permettront donc de prendre enfin une consistance critique, alors que son
évolution a été, jusqu'à présent, lente et
chaotique, faute de régularité dans les financements
prévus. Rappelons en effet que le développement a
été lancé en 1986 pour le moteur et 1988 pour la cellule,
le programme étant entré en phase de production en 1992, pour des
premiers vols d'appareils de série en 1998.
Au total, la société Dassault Aviation, chargée du
programme,
estime à 9 ans le retard subi
.
Les autres industriels engagés dans cette réalisation sont, pour
les moteurs, la Snecma ; pour les radars, le système optronique
secteur frontal (OSF), et les nacelles de reconnaissance nouvelle
génération : Thales ; et, pour le système de
contre-mesures Spectra : Thales et MBDA.
L'ampleur du programme Rafale a pâti de ces contretemps, financiers et
industriels, mais le strict respect des commandes et livraisons prévues
par le projet de loi permettra à nos forces de disposer d'appareils
moins nombreux, mais plus performants qu'aujourd'hui.
Les bénéfices attendus du Rafale, sous ses différents
standards, par l'armée de l'air et la marine, ne pourront être
pleinement pris en compte qu'avec un strict respect des sommes qui y sont
affectées par le présent projet de loi.
4. L'accès aux indispensables capacités des munitions de précision
En
l'espace d'une décennie,
l'utilisation des missiles et bombes de
précision s'est généralisée
et tend à
devenir l'une des caractéristiques des opérations militaires
modernes. Les munitions guidées représentaient en effet 35% des
armes délivrées lors des opérations du Kosovo, contre
moins de 10% lors de la guerre du Golfe. Au cours de la
campagne
d'Afghanistan
, la
part des munitions guidées
a
été porté à
85%
, ne laissant qu'un
rôle marginal aux autres types de munitions. Les Mirage et Super Etendard
français ont d'ailleurs exclusivement délivré des bombes
guidées laser.
Nos capacités en munitions de précision sont cependant
actuellement limitées
et l'on peut rappeler que l'insuffisance de
nos stocks avait imposé, lors des opérations du Kosovo en 1999,
l'achat d'urgence à un industriel américain, dans de mauvaises
conditions de coût, de bombes guidées laser.
En matière d'aviation de combat
, la mission d'attaque au sol
à longue distance est assurée par 1 escadron de
Jaguar (15
appareils)
, 2 escadrons de
Mirage F1CT (40 appareils)
et 3 escadrons
de
Mirage 2000-D (60 appareils)
pour l'armée de l'air, et par 2
flottilles de
Super Etendard modernisés
(
28 appareils
) pour la marine. Les Mirages F1CR (2 escadrons),
Mirage 2000-N (3 escadrons) et Mirage 2000-RDI (2 escadrons) ont
également une capacité air/sol, mais limitée (armement non
guidé) dans le cadre de leur mission secondaire. Quant groupe
aérien embarqué, il est tributaire de la disponibilité du
porte-avions « Charles de Gaulle », limitée en
moyenne à 60% du temps.
L'
armement
air/sol de précision
en service dans
l'armée de l'air et l'aéronavale est constitué du
missile AS30L
et des
bombes à guidage laser de
précision métrique
; il est utilisable de jour comme de
nuit, mais uniquement par beau temps.
Aucune capacité de tir de précision métrique tout temps
n'est disponible pour le moment. Le système d'armes du Mirage 2000D
(inertie+GPS) permet toutefois le tir par tous les temps de bombes lisses sur
coordonnées avec une précision de l'ordre de 50m.
Ces performances seront notablement améliorées par la future
nacelle Damoclès
au profit de la Marine
.
Cette nacelle de
désignation par laser sera équipée, pour effectuer ses
repérages et cibler ses objectifs, d'une caméra TV d'une
portée d'environ 25 km, avec un écran de report, installée
dans la cabine de pilotage. Cette nacelle permettra des missions de
reconnaissance, d'identification et d'illumination par laser de cibles, de jour
comme de nuit.
Son utilisation, qui se substituera progressivement à des
équipements moins performants, réduira la
vulnérabilité de l'équipement qu'elle équipera,
ainsi que les dommages collatéraux.
Enfin,
ce bilan est altéré par l'
absence de
capacité en matière de suppression des défenses
aériennes ennemies (SEAD)
, que ce soit par brouillage offensif, ou
armement spécialisé.
Un renforcement dans le domaine des munitions de précision est donc
nécessaire, car la polyvalence des Rafale ne trouvera sa pleine
utilité qu'avec une
gamme plus large d'armements performants, plus
précis et utilisables par tous temps
, adaptés à la
diversité des situations opérationnelles.
A cet égard, le projet de loi de programmation apporte d'incontestables
éléments de satisfaction, puisqu'il prévoit la mise en
service de
missiles de croisière
et de l'
armement air-sol
modulaire (AASM)
, qui offrira une capacité de tir de
précision tout temps sur coordonnées. Ces éléments
positifs doivent toutefois être nuancés dans la mesure où
la montée en puissance de nos capacités s'effectuera lentement,
renvoyant par exemple très au delà de 2008 la livraison du
missile de croisière naval.
a) L'armement air-sol modulaire (AASM)
Le
développement du contrat de réalisation du programme
d'armement air-sol modulaire (AASM)
a été notifié
en septembre 2000.
L'utilité de ce type d'armement, employé pour neutraliser ou
détruire les cibles terrestres a été mise en valeur par le
conflit du Kosovo. Son faible coût relatif en fait un complément
des missiles de croisière Scalp, dont les performances les
réservent à des objectifs plus difficiles à frapper.
L'AASM permet le tir à distance de sécurité (entre 15 et
50 km) de corps de bombes de 250 kg, avec une précision d'impact
décamétrique ou métrique.
Trois versions sont prévues:
décamétrique tout
temps
(guidage inertie et GPS),
métrique beau temps
(guidage
infrarouge) et
métrique tout temps
(guidage radar).
Les premières livraisons de la version décamétrique, qui
équiperont les Mirage 2000 D, ainsi que les Rafale, marine et air,
s'effectueront à compter de 2005.
La version métrique beau temps commencera à être
livrée à compter de 2007.
Quant à la version métrique « tout temps »,
sa réalisation débutera en 2005, avec une commande de 135
unités en 2007, livrables à partir de 2010.
Au total, il est prévu de disposer de 3.000 munitions, dont 2.000 pour
l'armée de l'air, et 1.000 pour la Marine. Ces 3.000 munitions seront,
pour 1452 d'entre elles, de précision décamétrique et,
pour 1548, de précision métrique. Leur réalisation est
confiée à la société SAGEM S.A.
Environ 220 millions d'euros seront consacrés à ce programme de
2003 à 2008.
b) Les missiles de croisière
.
Le
missile anti-piste Apache
Le
missile anti-piste Apache
,
qui vient d'entrer en dotation,
représente la première capacité tout temps dont se soit
dotée la France. La livraison du premier missile a été
effectuée en 2002 pour un objectif total de 100 en 2004.
L'Apache constitue l'armement tactique principal du Mirage 2000-D. C'est un
missile modulaire ayant pour mission la neutralisation, par tous les temps et
à une distance de sécurité de 140 km au maximum, de bases
aériennes par la destruction des pistes et des aires
bétonnées au moyen de sous-munitions à charges classiques.
Ce missile possède un système de navigation par inertie,
aligné sur l'avion lanceur et recalé en croisière à
la fois par GPS, corrélations d'altitude et d'images radar. Ces
caractéristiques lui permettent de réaliser des approches
autonomes à très basse altitude, en suivi de terrain
programmé ; son radar assure également la détection
et l'identification de l'objectif. Le missile emporte dix sous-munitions de
cratérisation de 50 kg.
Une soixantaine de millions d'euros en crédits de paiement restent
à affecter sur ce programme d'ici 2005.
. Le missile Scalp d'emploi général (EG)
La nouveauté technologiquement la plus en pointe est
présentée par le programme de
missile de croisière
à longue portée d'emploi général (Scalp EG)
.
Véritable arme de frappe dans la profondeur, il est affecté
à la neutralisation d'infrastructures, et équipera à la
fin de l'année 2003 les Mirage 2000-D, puis les Rafale F2 de la marine
et de l'armée de l'air à partir de 2006.
Les performances du Scalp-EG, qui a été développé
à partir du missile « Apache », sont en nette
progression au regard des possibilités de ce dernier.
Avec une précision d'impact métrique sur une cible qu'il
détecte et identifie par imagerie infrarouge, sa portée est de
plus de 400 km en vol à basse altitude (sans vent, et sans suivi de
terrain). Il peut également voler à très basse altitude
avec un suivi de terrain programmé. Il bénéficie d'une
faible signature radar.
Sur les 500 missiles prévus, 450 seront affectés à
l'armée de l'air et 50 à la marine.
Ce programme est développé en coopération avec le
Royaume-Uni, élargie à l'Italie en 1999, avec une commande de 200
missiles par ce pays.
Les premiers tirs de qualification se sont achevés en 2002, et les 500
livraisons prévues s'échelonneront de 2003 à 2007, sous la
maîtrise d'oeuvre industrielle de MDBA France.
. Le missile Scalp naval
La nécessité de diversifier les plate-formes de tir, pour couvrir
toutes les capacités en matière de frappe par missile, imposait
le développement d'un programme de missile naval.
Aussi a-t-il été décidé, en 2000, d'utiliser
l'acquis du Scalp-EG pour développer un programme de
missile de
croisière naval,
visant à conférer à notre
marine une capacité de frappe de cette nature à partir de
bâtiments de surface et de sous-marins.
Le missile Scalp naval devrait présenter des caractéristiques
analogues à celles du Scalp-EG (notamment une bonne précision de
navigation, et un système de guidage terminal autonome), avec une
portée supérieure, de l'ordre de 500 à 1 000 km.
Il est prévu de passer une commande de 250 missiles en 2006, ainsi que
de 50 dispositifs de changement de milieu en vue d'équiper les
sous-marins nucléaires d'attaque. L'objectif est d'équiper les
frégates à partir de 2011, et les sous-marins d'attaque
Barracuda, à partir de 2015. L'enveloppe prévue sur la loi de
programmation est de 156 millions d'euros en crédits de paiement.
Votre rapporteur renouvelle sa remarque suggérant l'étude des
possibilités d'avancer le calendrier de livraison du missile Scalp
naval. Nous disposerions ainsi plus tôt d'une capacité de frappe
à partir de la mer, très utile compte tenu des limitations qui
peuvent s'imposer aux actions aériennes, du fait de l'éloignement
éventuel des théâtres d'opération. En outre, une
accélération du calendrier du Scalp naval relancerait
l'intérêt d'une coopération européenne avec les pays
partenaires du programme Scalp-EG (Royaume-Uni et Italie), compte tenu
notamment des échéances d'équipement britanniques. Il
reste toutefois à examiner comment un tel calendrier resterait
compatible avec la mise au point de la version destinée à
équiper les sous-marins d'attaque, qui suppose vraisemblablement des
délais de développement plus importants.
5. Un appréciable renforcement des équipements des forces spéciales
Regroupées au sein du commandement des
opérations
spéciales (COS), les
forces spéciales
comptent environ 2
000 hommes issus des trois armées et répartis entre :
- des unités commandos (1 000 hommes du 1er RPIMA, 400 fusiliers marins
commandos des cinq commandos marine, 200 hommes du commando parachutiste de
l'air n°10) ;
- des formations aériennes spécialisées (
hélicoptères Puma et Cougar du détachement
opérations spéciales de l'aviation légère de
l'armée de terre, hélicoptères et avions de transport
spécialisés de l'armée de l'air).
Le 13
ème
régiment de dragons parachutistes (900
hommes) a été intégré cet été
à
la
nouvelle brigade des forces spéciales
« terre » créée le 1
er
juillet
2002
, qui se verra également transférer, avant
l'été 2003, un régiment de la 11
ème
brigade parachutiste.
À la suite des attaques terroristes du 11 septembre 2002, le
concept d'emploi des forces spéciales
a été
infléchi pour tenir compte de la probabilité accrue d'un
engagement au sein d'une éventuelle coalition, alors qu'il
n'était jusqu'à présent envisagé de ne les utiliser
que sous commandement national. Les opérations d'Afghanistan ont mis en
valeur l'
action des forces spéciales en liaison avec celle des avions
de combat
, voire des drones, notamment pour le guidage laser des frappes
aériennes. La nécessaire
complémentarité
, et
donc l'interopérabilité,
entre forces aériennes et
forces spéciales terrestres
est l'un des enseignements majeurs de
cette campagne.
Le projet de loi de programmation met l'accent sur un
renforcement des
capacités des forces spéciales
à travers deux axes
d'effort privilégiés : la mobilité tactique et
l'interopérabilité.
En ce qui concerne
la
mobilité tactique
,
les
aéronefs des forces spéciales
(environ douze
hélicoptères de manoeuvre, dix hélicoptères
d'appui, et deux avions de transport tactique)
doivent être
complétés
par
:
- la mise à disposition ponctuelle, par l'armée de l'air de deux
avions de transport tactique supplémentaires
;
- l'
acquisition de dix hélicoptères EC 725 Cougar MK2+
,
d'un rayon d'action de 300 km, et d'une capacité de transport d'une
quinzaine d'hommes ; 298,8 millions d'euros d'autorisations de programme
ont déjà été prévus par la loi de finances
rectificative pour 2001 dans cette perspective. Ces appareils disposent de
moyens de communication performants, ainsi que de dispositifs de protection et
de détection renforcés d'un armement de 12,7 mm et d'une
caméra thermique. Le contrat a été notifié fin
novembre 2002 et les livraisons s'échelonneront de 2004 à 2006.
Ils seront utilisés pour les opérations spéciales, la
recherche et le sauvetage au combat et les missions de contre-terrorisme
maritime.
- l'arrivée à partir de 2005 de
4 hélicoptères
d'appui et de protection Tigre
, aux capacités supérieures aux
Gazelle actuellement en service. Les Tigre pourront, ainsi, accompagner et
éclairer les raids héliportés.
En matière d'
interopérabilité
, les liaisons radio
et les moyens de transmission de données entre les forces
spéciales au sol et leurs hélicoptères ou avions
spécialisés seront modernisés, en veillant à
l'harmonisation des moyens des trois armées.
L'interopérabilité avec les forces américaines ou
alliées sera développée, grâce à des liaisons
entre les PC de théâtre des forces spéciales et ceux des
forces aériennes et l'acquisition de moyens de transmission portables ou
embarqués, compatibles avec les normes aéronautiques
alliées.