II. LA FRANCE ET LE RÉGIME INTERNATIONAL DES GARANTIES DE NON-PROLIFÉRATION
Dans le domaine nucléaire, la France a souscrit à diverses obligations internationales .
Une part importante d'entre elles résultent du traité Euratom , signé par le France en 1957 et auxquels doivent adhérer tous les pays membres de l'Union européenne. Ce traité institue en particulier un contrôle de sécurité visant à s'assurer que dans tous les Etats-membres, les minerais, les matières brutes et matières fissiles spéciales ne sont pas détournées des usages auxquels leurs utilisateurs ont déclaré les destiner. La France est aussi liée par les accords conclus entre Euratom et les Etats-Unis, l'Australie et le Canada et qui concernent les transferts de matières ou d'équipements ainsi que les échanges d'information. La France a également conclu trois accords bilatéraux avec l'Australie, le Japon et la Suisse .
En ce qui concerne les garanties internationales de non-prolifération, on sait que la France n'a adhéré au TNP qu'en 1992, mais que dès la conclusion de ce traité, en 1968, elle avait déclaré qu'elle agirait comme si elle l'avait signé 6 ( * ) . Par ailleurs, son statut d'Etat doté d'armes nucléaires ne lui faisait aucune obligation de soumettre aux contrôles de l'AIEA les matières nucléaires qu'elle détenait.
C'est donc sur une base volontaire , et en vue de soutenir la politique de non-prolifération, que la France a accepté d'appliquer successivement sur son territoire un certains nombre d' accords signés avec l'AIEA .
A. L'ACCORD DE GARANTIES DE 1978
A l'image des accords souscrits par les quatre autres Etats dotés d'armes nucléaires, l'accord de garanties souscrit par la France n'a pas une portée générale et préserve les matières nucléaires ou installations relevant des activités à vocation militaire.
1. Les lignes directrices de l'accord de garanties de 1978
L'accord de garanties souscrit par la France présente un caractère trilatéral , la Communauté européenne de l'énergie atomique étant partie à l'accord. Il fallait en effet tenir compte du contrôle de sécurité d'Euratom pour éviter tout double emploi des activités de garanties (duplication des déclarations comptables, des renseignements descriptifs, des inspections etc...) 7 ( * ) .
L'accord entre la France, l'AIEA et Euratom a été signé le 27 juillet 1978 et il est entré en vigueur le 12 septembre 1981.
Comme on l'a précisé, il a été souscrit sur une base volontaire, en vue d'encourager l'acceptation des garanties de l'AIEA par le plus grand nombre d'Etats non dotés d'armes nucléaires. Toutefois les coopérations nucléaires engagées par la France ou Euratom avec des pays tiers rendaient l'application des garanties de l'AIEA obligatoires pour les matières nucléaires importées de ces pays (Canada, Australie, Etats-Unis, Japon, Suisse).
L'accord de garanties de 1978 implique l' acceptation des garanties de l'AIEA sur des matières nucléaires que la France désigne dans des installations ou parties d'installations figurant sur une liste établie par elle. Les installations ou parties d'installations ainsi que les matières nucléaires affectées aux besoins de la défense, qu'elles soient liées à la fabrication d'armes nucléaires ou non, comme les activités concernant la propulsion navale, échappent à l'application des garanties.
Le mécanisme retenu pour l'application des garanties de l'AIEA en France repose sur un système d'équivalence .
En effet, les matières nucléaires soumises aux garanties étant dispersées dans la plupart des installations nucléaires françaises, il a été convenu que l'AIEA appliquerait ses garanties à des installations dont les stocks représenteraient en quantité et en qualité au moins l'équivalent des stocks juridiquement soumis aux garanties. Ces installations, actuellement au nombre de quatorze, constituent ce que l'on appelle le « gazomètre » .
Lorsque des matières nucléaires appartenant à l'inventaire légal, et donc juridiquement soumises aux garanties, sont détenues dans des installations autres que celles du « gazomètre », des matières équivalentes leur sont substituées dans ce dernier, de sorte qu'en permanence une quantité égale ou supérieure de matières nucléaires, des différentes catégories et qualité définies (uranium appauvri, naturel ou enrichi, plutonium, thorium) y sont soumises aux garanties de l'AIEA, conformément aux engagements pris.
Le service d'application des contrôles internationaux (SACI) est chargé, au sein de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), d'établir l'état des stocks soumis aux garanties de l'AIEA à la fin de chaque mois et de le comparer avec ceux détenus dans les installations dites du « gazomètre » afin de vérifier que les conditions d'équivalence sont respectées. Il notifie également à l'AIEA les transferts de matières nucléaires à partir ou vers des installations du « gazomètre ».
Ouvertes aux contrôles de l'AIEA , les installations du « gazomètre » comprennent notamment les usines de retraitement de La Hague, les zones de stockage de matières nucléaires de Pierrelatte, des usines de fabrication de combustible et des réacteurs de recherche. En revanche, les installations présentant un caractère mixte, civil et militaire, comme l'usine d'enrichissement d'uranium Eurodif, utilisée également pour les besoins de la défense, ne sont pas concernées par les inspections de l'AIEA.
Les quatorze installations concernées par l'accord de garanties couvrent la large gamme des matières détenues en France et relevant de l'accord. La comptabilité des matières nucléaires dans ces installations est transmise à l'AIEA, qui a choisi de n'inspecter parmi elles que les piscines de stockage des combustibles usés de l'usine de retraitement de La Hague et la zone d'expédition de l'usine Melox de fabrication des combustibles à oxyde mixte uranium-plutonium (MOX) à Marcoule.
Il faut signaler que la France a souscrit en mars 1984 et en novembre 1992 à deux instructions de l'AIEA (INFCIRC/207 et INFIRC/415) en vertu desquelles elle s'engage à informer l'AIEA de tout transfert, à partir ou vers une installation française autre que celles du « gazomètre », d'une quantité de matières supérieures au kilogramme effectif à destination ou en provenance d'un Etat non doté d'armes nucléaires. Elle s'est également engagée via Euratom à informer l'AIEA tous les mois des importations et exportations de concentrés miniers d'uranium, et semestriellement de la production de concentrés miniers d'uranium.
* 6 Au moment de la conclusion du TNP, le représentant permanent de la France auprès des Nations-Unies a fait, le 23 juin 1968, la déclaration suivante : « La France, pour sa part, (...) se comportera dans l'avenir, dans ce domaine, exactement comme les Etats qui décideraient d'y adhérer. Aucun doute n'existe certainement à cet égard dans l'esprit de personne ».
* 7 Le traité EURATOM du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique institue un contrôle de sécurité destiné à vérifier que les matières nucléaires ne sont pas détournées à d'autres fins que celles auxquelles elles sont destinées. De ce fait, Euratom est co-signataire des accords de garanties souscrits auprès de l'AIEA par les pays membres de la Communauté. Ces accords organisent la coopération entre l'AIEA et Euratom.