II. DES ORIENTATIONS AMBITIEUSES MAIS RÉALISTES POUR INVERSER LA TENDANCE
Le présent projet de loi traduit la priorité accordée par le gouvernement à la sécurité.
Il ne se contente pas de prévoir l'allocation de moyens humains et financiers supplémentaires aux forces de sécurité. Il donne des orientations permettant de mieux utiliser les moyens existants et entre dans une logique novatrice d'évaluation de la performance de l'action conduite.
Comprenant six articles, il ne comporte que peu de dispositions directement normatives.
A travers les deux premiers articles renvoyant à de volumineuses annexes, il décrit les orientations de la politique de sécurité intérieure et la programmation financière correspondante pour les années 2003-2007.
Les dispositions législatives nécessaires à la mise en oeuvre de ces orientations devraient faire l'objet d'un projet de loi annoncé pour l'automne.
L'article 3 comprend cependant un important dispositif normatif de nature à faciliter et à accélérer la réalisation de certaines opérations immobilières de la police et de la gendarmerie nationales et également de la justice.
Le projet comporte en outre quelques dispositions jugées urgentes.
A. DE NOUVELLES ORIENTATIONS FORTES
L'article premier renvoie à l'annexe I qui fixe les grandes orientations de la politique de sécurité intérieure et retrace les moyens juridiques nouveaux qui devraient permettre une lutte plus efficace contre l'insécurité. Plusieurs points méritent d'être soulignés.
1. Une nouvelle architecture institutionnelle d'ensemble donnant un rôle élargi aux élus locaux
L'annexe décrit la nouvelle architecture institutionnelle mise en place. A côté des instances étatiques de décision à l'échelon national ou départementale, seront créées des instances locales de concertation associant les élus locaux.
a) Les instances étatiques de décision
Les orientations de la politique de sécurité données, au niveau national, par le Conseil de sécurité intérieure (CSI) et le ministre chargé de la sécurité intérieure seront déclinées à l'échelon local par les conférences départementales de sécurité.
• Le Conseil de sécurité intérieure
Traduisant l'importance accordée aux questions de sécurité, le décret n° 2002-890 du 15 mai 2002 a placé le Conseil de sécurité intérieure sous la présidence du chef de l'État. Ce conseil comprend, outre le Premier ministre et le ministre de la sécurité intérieure, le garde des sceaux, le ministre de la défense, le ministre de l'économie et des finances, le ministre du budget et le ministre chargé de l'outre-mer. D'autres ministres peuvent être appelés à y siéger en fonction de l'ordre du jour.
Le secrétaire général du CSI est nommé par le Président de la République et placé auprès de lui (4 ( * )) .
• La conférence départementale de sécurité
Le CSI et le ministère de l'intérieur seront prolongés, à l'échelon territorial, par des conférences départementales de sécurité qui auront pour objectif de décliner au niveau local les orientations générales de la politique de sécurité.
Ces conférences départementales viennent d'ailleurs d'être instituées par le décret n° 2002-999 du 17 juillet 2002 relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance.
Aux termes de ce décret, la conférence départementale de sécurité est présidée conjointement par le préfet et le procureur de la République (un procureur de la République désigné par le procureur général en cas de pluralité de tribunaux de grande instance). Elle comprend, en outre, les responsables départementaux de la police, de la gendarmerie nationale, de l'éducation nationale, des administrations financières et de l'administration du travail et de l'emploi. Elle peut, en tant que de besoin, associer à ses travaux d'autres administrations et entendre des experts.
Elle se réunit au moins une fois par trimestre.
Elle a un rôle de décision, de coordination et d'évaluation des politiques.
Elle est ainsi chargée de mettre en oeuvre dans le département les orientations et les décisions du gouvernement en matière de sécurité intérieure, d'assurer la cohérence de l'action des services de l'État, d'animer la lutte contre l'économie souterraine et les violences urbaines, de tenir les tableaux de bord de l'activité des services et d'évaluer les actions entreprises, de suivre les activités des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance créés par le même décret et d'établir un rapport sur la situation de la délinquance à l'attention du conseil départemental de prévention.
b) Les instances associant les élus locaux
L'annexe précise que « l'ancrage des forces de sécurité dans la démocratie locale » sera assuré grâce à la mise en place de conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Elle ajoute que ces conseils locaux conduiront, en matière de prévention de la délinquance, une action de proximité en coordination avec le conseil départemental de prévention. Ces deux conseils ont d'ailleurs été créés par le décret n° 2002-999 du 17 juillet 2002.
• Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance
Aux termes du décret du 17 juillet 2002, le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) est créé à l'initiative d'un conseil municipal. Plusieurs communes peuvent créer un conseil intercommunal, associant le cas échéant un établissement public de coopération compétent en matière de prévention de la délinquance.
Le conseil est placé sous la présidence du maire ou d'un maire ou, le cas échéant, sous celle du président de l'EPCI membre.
Il comprend, outre le préfet et le procureur de la République, des élus locaux, des représentants des administrations de l'État et des représentants des associations, organismes et professions concernés par les questions de sécurité.
Il se réunit au moins deux fois par an à l'initiative de son président et, de droit, à l'initiative du préfet ou de la majorité de ses membres.
Il est un lieu d'information et d'organisation de la coopération entre les différents intervenants dans le domaine de la sécurité et de la prévention.
En matière de lutte contre l'insécurité, il favorise l'échange d'informations avec les services de l'État auprès desquels il retranscrit les attentes des populations. Il est en retour informé régulièrement des statistiques et de l'évolution de la délinquance dans le ressort territorial.
Au titre de la prévention, il dresse le constat des actions de prévention et définit les objectifs et les actions coordonnées dont il suit l'exécution.
Il constitue ainsi l'enceinte normale d'élaboration, de mise en oeuvre et d'évaluation des contrats locaux de sécurité.
Il se substitue donc aux comités de suivi des contrats locaux de sécurité et aux conseils communaux de prévention de la délinquance institués en 1983 et relevant du décret n° 92-343 du 1 er avril 1992.
Son action est conduite en coordination avec celle du conseil départemental de prévention.
• Le conseil départemental de prévention
Aux termes du décret du 17 juillet 2002, un conseil départemental de prévention est obligatoirement créé dans chaque département, sous la présidence du préfet.
Le président du conseil général et le procureur de la République (ou, en cas de pluralité, un procureur de la République désigné par le procureur général) en sont vice-présidents.
Le conseil comprend, en outre :
- des conseillers généraux et des présidents de conseils locaux de sécurité et de prévention ou, à défaut, des maires, désignés par le préfet ;
- des magistrats, dont le président du tribunal de grande instance, un juge des enfants et un juge de l'application des peines ;
- des représentants des services de l'État désignés par le préfet, dont des représentants de la police et de la gendarmerie, de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'administration pénitentiaire, ainsi que des représentants des services du département désignés par le président du conseil général ;
- des personnalités qualifiées désignées conjointement par le préfet et le président du conseil général.
Il se réunit au moins deux fois par an.
Il examine chaque année un rapport sur l'état de la délinquance dans le département qui lui est adressé par la conférence départementale de sécurité et il est informé deux fois par an par le préfet des travaux menés par cette conférence.
Il fait toute proposition et encourage les initiatives en matière de prévention et d'aide aux victimes.
Il dresse chaque année un bilan de l'activité des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
A Paris, il est créé un Conseil parisien de sécurité et de prévention de la délinquance. Des conseils pourront en outre être créés dans les arrondissements parisiens pour assurer le suivi des contrats de sécurité d'arrondissement.
• Le droit à l'information des maires
Lors de la discussion du projet de loi sur la sécurité quotidienne, à l'automne dernier, le Sénat avait insisté sur la nécessité pour les maires d'obtenir un véritable droit à l'information en matière de sécurité. Il avait en effet considéré comme anormal que le maire apprenne dans la presse certains événements intervenus dans sa commune et que son information dépende de la qualité de ses relations personnelles avec les responsables des services de sécurité. Le texte de l'annexe organise une information périodique sur la délinquance dans la commune au sein du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance mais n'apporte pas de précision sur le droit permanent à l'information des maires.
Le décret du 17 juillet 2002 précise cependant que, indépendamment de l'existence d'un conseil local de sécurité et de prévention, les maires sont informés sans délai des actes graves de délinquance commis dans leur commune et qu'ils sont informés au moins une fois par an de l'ensemble des moyens mis en oeuvre par l'Etat dans la commune.
Les élus locaux se verront ainsi dotés d'un véritable droit à l'information sur les questions de sécurité et ils participeront aux politiques de prévention.
Ils ne seront cependant pas dotés d'un pouvoir de commandement opérationnel des forces de sécurité.
Sur proposition du gouvernement, l'Assemblée nationale a détaillé la composition et les missions des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, annonçant ainsi certaines dispositions figurant dans le décret du 17 juillet 2002. Elle a précisé, en outre, que seraient examinées les conditions dans lesquelles les compétences de ces conseils pourraient être étendues, une mission étant confiée à cet effet à un élu.
Il était peu question des polices municipales dans le projet de loi. L'Assemblée nationale a précisé, sur proposition de la commission des Lois, que seraient recherchés les moyens de renforcer l'action des polices municipales .
* ( 4 ) M. Philippe Massoni a été nommé secrétaire général du CSI le 18 mai 2002.