B. UN PROJET DE LOI ORGANIQUE LARGEMENT INSPIRÉ DU CADRE LÉGAL EXISTANT TENTANT DE S'ADAPTER À LA SPÉCIFICITÉ DE L'ORIGINE DES CANDIDATS
1. Un dispositif largement inspiré d'expériences existantes
a) Les règles de recrutement et les conditions de nomination
• Le projet de loi organique impose une double condition d'âge aux candidats (article 41-17 nouveau de l'ordonnance statutaire) et pose trois conditions au recrutement des intéressés :
- les candidats, à l'instar de l'ensemble des candidats souhaitant accéder aux fonctions de magistrat quelle que soit la voie d'accès, doivent être de nationalité française, jouir de leurs droits civiques et être de bonne moralité, se trouver en position régulière au regard du service national, satisfaire aux conditions d'aptitude physique, et enfin être reconnus indemnes de toute affection donnant droit à un congé de longue durée 48 ( * ) ;
- les candidats doivent également obligatoirement justifier d'une expérience juridictionnelle en matière commerciale et pour cela avoir exercé les fonctions de juge élu soit d'un tribunal de commerce (premier alinéa de
l'article 41-17), soit d'un tribunal mixte de commerce situé outre-mer 49 ( * ) ou encore avoir exercé des fonctions d'assesseur élu d'un tribunal de grande instance situé en Alsace-Moselle 50 ( * ) (deuxième alinéa de l'article 41-17) pendant une durée minimum variant selon les diplômes obtenus.
Huit années d'exercice antérieur en qualité de juge consulaire sont exigées pour les candidats titulaires soit d'un diplôme sanctionnant une formation équivalente à quatre années d'études supérieures après le baccalauréat, d'origine nationale ou délivré par un Etat membre de la Communauté européenne et reconnu comme équivalent par le Garde des Sceaux, soit d'un diplôme d'un institut d'études politiques, soit du titre d'ancien élève d'une école normale supérieure. Une durée d'activité minimum plus longue, équivalente à douze années, est exigée si le candidat ne remplit pas ces conditions de diplôme.
- Une double limite d'âge minimale et maximale est également posée.
§ En premier lieu, les candidats doivent être âgés au minimum de plus de quarante ans . L'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a abaissé de quarante-cinq à quarante ans la condition d'âge fixée initialement par le projet de loi organique, qui correspondait à l'âge moyen des conseillers de cour d'appel 51 ( * ) , afin d'élargir le vivier des futurs candidats.
§ En second lieu, une limite d'âge maximale est fixée pour les candidats, ces derniers devant être âgés de moins de soixante ans . D'après l'exposé des motifs du projet de loi organique, cette condition d'âge, cumulée avec la durée d'exercice des fonctions de conseiller exerçant à titre temporaire fixée initialement à cinq ans, visait à être cohérente « avec la limite d'âge applicable actuellement aux magistrats professionnels » qui s'élève à soixante-cinq ans 52 ( * ) .
L'Assemblée nationale a allongé de cinq à sept ans la durée d'exercice des fonctions des conseillers de cour d'appel recrutés à titre temporaire 53 ( * ) , ce qui ne permettait pas aux candidats retenus âgés de plus de 58 ans de souscrire à la limitation d'âge prévue par l'ordonnance statutaire. Plutôt que d'abaisser l'âge des candidats susceptibles d'être recrutés, les députés ont en conséquence choisi d'écarter l'application aux conseillers exerçant à titre temporaire de la limite d'âge imposée aux magistrats professionnels 54 ( * ) .
- La justification d'une compétence et d'une expérience qualifiant particulièrement le candidat pour exercer des fonctions judiciaires est également requise.
• Les conditions de nomination (article 41-19 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958) sont identiques à celles des magistrats du siège 55 ( * ) . Il s'agit d'une procédure de nomination simplifiée par rapport aux modalités fixées pour les conseillers de cour d'appel en service extraordinaire 56 ( * ) et pour les magistrats exerçant à titre temporaire dans les tribunaux d'instance et de grande instance.
Ils sont nommés par décret du Président de la République sur proposition du Garde des Sceaux après avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège 57 ( * ) . Les projets de nomination émanant de la Chancellerie sont donc directement soumis au Conseil supérieur de la magistrature qui, d'après l'exposé des motifs, « aura communication de la liste des candidats et de leurs dossiers ».
• L'obligation de suivre une formation organisée par l'Ecole nationale de la magistrature préalablement à l'entrée en fonction des candidats admis est également posée.
• La durée d'exercice des fonctions de ces magistrats est fixée à sept ans non renouvelable. Cette durée s'établissait à cinq ans dans le projet de loi initial. Elle a été allongée par les députés, à l'initiative de M. Jean Codognès, rapporteur de la commission des Lois 58 ( * ) , cette durée ayant été jugée trop courte.
• Il est prévu qu'il ne peut être mis fin avant terme aux fonctions de conseiller de cour d'appel exerçant à titre temporaire qu'à la demande de l'intéressé ou pour des motifs disciplinaires (article 41-24 de l'ordonnance statuaire). Après la cessation de leurs fonctions, ils doivent s'abstenir de toute prise de position publique en relation avec les fonctions judiciaires exercées précédemment et sont soumis à une obligation de réserve.
* 48 L'ensemble de ces conditions est énuméré à l'article 16 de l'ordonnance statutaire auquel renvoie le présent article.
* 49 En vertu de l'article L. 921- 4 du code de l'organisation judiciaire, pour les départements d'outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion) et en vertu de l'article L. 932-23 et suivants du même code, s'agissant des territoires d'outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française), il existe des tribunaux mixtes de commerce présidés par un magistrat professionnel -le président du tribunal de grande instance ou de première instance- et composés de deux juges élus selon des modalités identiques à celles prévalant pour l'élection des juges consulaires en métropole.
* 50 Soulignons également qu'en vertu des articles L. 913- 1 à L. 913- 4 du code de l'organisation judiciaire, les compétences des tribunaux de commerce appartiennent aux chambres commerciales des tribunaux de grande instance situés dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, cette organisation particulière constituant un exemple de survivance du droit local.
* 51 Exposé des motifs du projet de loi organique n° 2546 - A.N - XI e législature - p. 4.
* 52 En vertu du premier alinéa de l'article 76 de l'ordonnance statutaire
* 53 Voir infra article 41-19, inséré par le présent projet de loi organique.
* 54 Par coordination avec ces dispositions, l'Assemblée nationale a d'ailleurs modifié l'article 41-20 relatif à la soumission de ces magistrats au statut de la magistrature (voir infra) afin de les exonérer de la limitation d'âge imposée aux magistrats professionnels (article 74 de l'ordonnance statutaire).
* 55 Article 28, alinéa 2 de l'ordonnance statutaire.
* 56 Par la loi organique du 19 janvier 1995 (article 4).
* 57 Cette procédure, qui existe déjà pour les conseillers et avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire, ne comporte pas de sélection préalable par la commission d'avancement.
* 58 Rapport A.N n° 2914-XI e législature de M. Jean Codognès, p. 30.