N° 173
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 16 janvier 2002 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la proposition de résolution présentée par M. Marcel DENEUX au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du Règlement, sur les textes E-1882, E-1890, E-1891, E-1892 et E-1894 concernant l'application d'accords entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud relatifs au commerce des vins et au commerce des boissons spiritueuses,
Par M. Marcel DENEUX,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Jean-Marc Pastor, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Bernard Piras, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Detraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kerguéris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.
Voir le numéro :
Sénat : 169 (2001-2002)
Union européenne |
INTRODUCTION
La Commission des Affaires économiques est saisie d'une proposition de résolution, renvoyée par la Délégation du Sénat pour l'Union européenne et relative à plusieurs projets d'accords dans le domaine du commerce des vins et des spiritueux entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud.
Ces projets d'accord s'inscrivent dans la droite ligne de l'accord de commerce signé le 11 octobre 1999 avec l'Afrique du Sud, à propos duquel votre Commission avait adopté une proposition de résolution, sur le fondement d'un rapport réalisé par notre collègue Gérard César. A l'époque, l'échec des négociations dans plusieurs domaines, dont celui des vins et spiritueux, avait conduit à prévoir la conclusion d'accords séparés ultérieurement.
Après plusieurs années de discussions difficiles, un consensus a été trouvé entre les deux parties, formalisé par un protocole d'accord signé le 25 juin 2001. Ce protocole a donné lieu à la rédaction de quatre projets d'accords, qui traitent respectivement :
- du commerce des vins entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud ;
- du commerce des spiritueux entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud ;
- du contingent tarifaire applicable à l'importation de vins sud-africains par l'Union européenne ;
- de la date d'entrée en vigueur de ces accords, fixée, de manière anticipée, au 1 er janvier 2002.
Ces textes prévoient l'attribution par l'Union européenne d'un contingent d'importations exonérées de droits de douanes pour un volume, fixé initialement à 35,3 millions de litres, qui sera progressivement augmenté, ainsi que d'une aide de 15 millions d'euros pour la restructuration de l'industrie viti-vinicole sud-africaine. Ces avantages sont accordés en contrepartie de l'engagement de l'Afrique du Sud de respecter les dénominations européennes, telles que les indications géographiques protégées, et, en particulier, de renoncer à l'utilisation, très répandue dans ce pays, des termes « porto » et « sherry ».
La proposition de résolution soumise à votre examen souligne, à juste titre, les insuffisances de la protection conférée par ces projets d'accord aux dénominations européennes au regard de l'importance des avantages octroyés à l'Afrique du Sud. Elle constate qu'ils s'inscrivent implicitement dans une logique d'aide au développement économique.
Dans un contexte marqué par une concurrence internationale de plus en plus vive et par une pénétration croissante des vins dits du Nouveau Monde sur les marchés des pays de l'Union européenne, de tels accords, qui visent à faciliter les importations européennes de vins, risquent de ne pas contribuer à l'amélioration de la situation de notre viticulture.
Certes, la viticulture sud-africaine est encore en restructuration, dès lors que sa modernisation et son ouverture aux marchés internationaux, concomitantes de la fin de l'ère de l'apartheid, sont relativement récentes.
Il ne fait pourtant aucun doute qu'elle est appelée à devenir de plus en plus compétitive, grâce à son engagement en faveur de la qualité, à ses faibles coûts de production et à l'existence d'une stratégie volontariste de promotion des exportations.
C'est pourquoi votre Commission des affaires économiques a tenu à renforcer les réserves émises par la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, en complétant la proposition de résolution que celle-ci lui a transmise.
I. LE SECTEUR VITICOLE EN AFRIQUE DU SUD
A. LA VITICULTURE SUD-AFRICAINE : UN SECTEUR EN PLEINE ÉVOLUTION
Avec 7,5 millions d'hectolitres de vins produits en 2000, soit 3 % de la production mondiale, l'Afrique du Sud se situe au sixième rang mondial des pays producteurs de vins. A titre de comparaison, la France, premier pays viticole mondial, a produit cette même année près de 60 millions d'hectolitres de vins et spiritueux.
Un vignoble dont la taille est stable, mais dont la composition évolue
La taille relativement modeste -105 000 hectares- du vignoble sud-africain, vingtième vignoble mondial, souligne a contrario le bon niveau de rendement de ses vignes. Celles-ci bénéficient de la douceur du climat, de type méditerranéen, qui prévaut dans la région du Cap, où se concentre une grosse partie de la production.
L'étendue du vignoble a peu progressé ces dix dernières années, puisque la surface totale plantée en vignes atteignait déjà 100 000 hectares en 1990. Il existe toutefois de réelles perspectives d'extension, en particulier en direction de terrains actuellement occupés par des arbres fruitiers, dès lors que la culture de la vigne apparaît aujourd'hui plus rentable.
Le vignoble sud-africain connaît, en revanche, une restructuration destinée à améliorer la qualité des vins produits.
La tendance des dix dernières années fait apparaître un remplacement des cépages blancs, encore largement majoritaires en Afrique du Sud, par des cépages rouges, qui permettront une production plus conforme à la demande internationale. Cette évolution s'accompagne d'une augmentation de la part des cépages nobles, tels que le cabernet sauvignon, le merlot, le chardonnay, au détriment des variétés locales comme le chenin blanc.
Enfin, une attention particulière est accordée au développement de la production sous appellations d'origine. En 1973, l'Afrique du Sud s'est, en effet, dotée d'un système d'appellations d'origine, fondé sur le lieu de vinification. Dans ce dispositif, les producteurs peuvent utiliser l'appellation de leur domaine pour des vins élaborés à partir de raisins ne provenant pas uniquement du vignoble de ce domaine, pourvu qu'ils soient vinifiés sur celui-ci. La part des vins d'origine dans l'ensemble de la production sud-africaine de vins, en augmentation continue, est passée de 16 % en 1994 à près de 34 % en 2000.
Une structure de production qui se modernise
Le réveil de la viticulture sud-africaine coïncide avec la fin de l'apartheid et l'ouverture de l'économie de ce pays aux marchés internationaux.
Jusqu'en 1992, la filière viti-vinicole sud-africaine était étroitement réglementée. Une grosse coopérative agissant pour le compte de l'Etat, la Kooperatieve Wijnbouwers Verenging, dite KWV, achetait aux producteurs leurs excédents à des prix de soutien et détenait le monopole des exportations.
Depuis cette date, cette filière a été libéralisée et soumise à un impératif de modernisation sous l'effet de la loi du marché.
Elle se compose de 4.500 exploitations, dont la plupart sont regroupées en 70 coopératives qui assurent les quatre cinquièmes de la production, et de 350 caves coopératives. Très concentrée, la commercialisation des vins et spiritueux est aux mains de deux sociétés, dont l'ancienne coopérative KWV, présentes tant sur le marché domestique qu'à l'exportation.
Parallèlement ont été mis en place des organismes professionnels ou para-publics qui soutiennent l'installation et la formation des exploitants, des sommeliers, des oenologues, mais également la recherche et les transferts de technologies.