N° 152
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 décembre 2001 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1), sur la proposition de résolution présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Jacques OUDIN sur le Livre vert sur l' avenir de la politique commune de la pêche (n° E 1711) ,
Par M. Alain GÉRARD,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Jean-Marc Pastor, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Bernard Piras, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Detraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kerguéris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.
Voir le numéro :
Sénat : 97 (2001-2002)
Union européenne. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat a été saisi, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, du « Livre vert » de la Commission européenne qui propose des évolutions profondes de la Politique commune de la pêche (PCP). Le 21 novembre 2001, M. Jacques Oudin a présenté, au nom de la Délégation pour l'Union européenne, une proposition de résolution n°97 relative à ce Livre vert.
Publié par la Commission européenne le 20 mars 2001, le Livre vert sur l'avenir de la Politique commune de la pêche (PCP) répond à la nécessité de réformer la PCP à l'horizon 2002, d'abord en raison de l'échéance du règlement de base n° 3760/92 du 20 décembre 1992, mais aussi du fait de son incapacité à atteindre l'objectif d'une exploitation durable des ressources. Les défis que doit relever la Politique commune de la Pêche (élargissement de l'Union Européenne, mondialisation, considérations environnementales...) imposent également une réforme, indépendamment des faiblesses internes du système.
La Commission européenne a ouvert un large débat en vue de la révision de la Politique Commune de la Pêche et recueille jusqu'au 31 décembre 2001 les réactions de toutes les parties intéressées au Livre vert qu'elle a publié.
A ce titre, votre Commission des Affaires économiques, à laquelle la Délégation pour l'Union européenne a renvoyé la proposition de résolution présentée par M. Jacques Oudin, a souhaité se prononcer avant cette échéance, afin que le Gouvernement connaisse la position du Sénat, en amont des négociations à venir sur les textes que la Commission européenne proposera en 2002.
Reconnaissant la lucidité dont témoigne, sur plusieurs points, le bilan sévère que dresse le Livre vert, elle déplore également les difficultés à endiguer la surpêche, les défaillances du processus décisionnel, les insuffisances de la surveillance et du contrôle, un résultat économique et social décevant et une articulation délicate entre la politique extérieure de la pêche et la politique de développement durable.
Toutefois, les propositions du Livre vert sont loin de la satisfaire pleinement.
Plusieurs sujets d'interrogation l'embarrassent, relatifs tant à la manière de hiérarchiser les objectifs assignés à la PCP qu'à la façon d'appréhender la dimension environnementale de cette politique.
Quelques pistes ouvertes par le Livre vert méritent, quant à elles, d'être approfondies : le renforcement et l'amélioration de la politique de conservation de la ressource par les totaux admissibles de captures et autres mesures complémentaires ; la nécessité d'assurer un contrôle équitable et harmonisé des règles communautaires, peut-être par la « communautarisation » de ce contrôle ; la mise en place des conditions d'une meilleure qualité et d'une sécurité sanitaire pour les produits de la mer.
Toutefois, le Livre vert inquiète votre Commission des affaires économiques, comme d'ailleurs les professionnels de la pêche, pour trois raisons : la priorité y reste accordée à un encadrement brutal de la flotte, puisque la nécessité de réduire de 40 % la capacité de la flotte y est expressément évoquée, alors que ce système a fait la preuve de son inefficacité et de ses effets pervers et déstructurants. En outre, le Livre vert néglige la dimension sociale de la pêche, et notamment son rôle essentiel dans l'aménagement du territoire des Etats- membres. Enfin, il remet en cause, en termes voilés, la politique d'accords de pêche que mène la Communauté européenne avec les pays tiers, alors que ces accords représentent une opportunité importante pour les pêcheurs communautaires, et notamment français.
C'est pour ces raisons que votre commission a adopté la proposition de résolution jointe au présent rapport, qu'elle vous demande d'adopter.
I. LA POLITIQUE COMMUNE DE LA PÊCHE À LA VEILLE D'UNE RÉFORME NÉCESSAIRE
A. ORIGINE ET PRINCIPES DE L'ACTUELLE POLITIQUE COMMUNE DE LA PÊCHE (PCP)
1. La PCP : une des premières compétences communautaires exclusives
Dès 1957, le Traité de Rome instituant la Communauté européenne a prévu, en son article 38 (devenu l'article 32 après l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam), que les règles du marché commun s'appliquaient aux produits de la pêche au même titre qu'aux produits agricoles.
La politique commune de la pêche (PCP) a été conçue comme centralisée, au point que la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) l'a reconnue dès 1976, dans l'arrêt Kramer, comme l'une des rares actions qui, avec la politique agricole commune ou encore avec la politique commerciale, relevaient de la compétence exclusive de la Communauté européenne.