IV. LES 35 HEURES DANS LA FONCTION PUBLIQUE : UN PIÈGE POUR LE GOUVERNEMENT
Suite à l'échec, à la fin de l'hiver 2000, des négociations engagées avec les organisations syndicales en vue de parvenir à un accord-cadre national relatif à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans la fonction publique, le gouvernement avait renvoyé les négociations au niveau ministériel, et a publié un décret relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat 14( * ) , qui entrera en vigueur au 1 er janvier 2002.
Les principales dispositions du décret du 25 août 2000
Le
décret du 25 août 2000 définit les principes de la
réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat :
- la durée du travail effectif est fixée à 35 heures par
semaine dans les services et établissements publics administratifs de
l'Etat ainsi que dans les établissements publics locaux
d'enseignement ;
- le décompte du temps de travail est réalisé sur la base
d'une durée annuelle de travail effectif de 1.600 heures maximum,
étant précisé que cette durée annuelle peut
être réduite pour tenir compte des sujétions liées
à la nature des missions et à la définition des cycles de
travail qui en résultent ;
- l'organisation du travail doit respecter des garanties minimales, sauf
exception : lorsque l'objet même du service public en cause l'exige
en permanence, notamment pour la protection des personnes et des biens, et
lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient ;
- le travail est organisé selon des périodes de
référence dénommées cycles de travail, les horaires
de travail étant définis à l'intérieur du cycle,
qui peut varier entre le cycle hebdomadaire et le cycle annuel ; les
cycles de travail sont définis par arrêtés
ministériels, et peuvent être définis par service ou par
nature de fonction ; les conditions de mise en oeuvre de ces cycles et les
horaires de travail en résultant sont définis pour chaque service
ou établissement.
Le gouvernement a toutefois affirmé à plusieurs reprises,
notamment au Sénat lors de l'examen des crédits de la fonction
publique et de la réforme de l'Etat, que la réduction du temps de
travail dans la fonction publique serait réalisée à
effectifs constants.
Or, il semble que le gouvernement soit confronté à de très
grandes difficultés au cours de ces négociations, qui, pour
l'instant, n'ont abouti que dans deux ministères : celui de la
défense et celui de l'environnement. Par ailleurs, il devrait y avoir,
selon l'expression du ministre, «
un non accord non
conflictuel
», aux ministères de l'équipement et de
l'agriculture.
Ces négociations donnent lieu à des conflits sociaux,
précisément en raison du refus de la part du gouvernement
d'assortir la réduction du temps de travail de créations
d'emplois. Il est vrai que, de ce point de vue, le gouvernement s'est
placé lui-même dans une situation pour le moins paradoxale :
répéter à l'envi que les 35 heures créent beaucoup
d'emplois... sauf dans la fonction publique ! Il est vrai que le rapport
Roché sur le temps de travail dans les trois fonctions publiques avait
montré que le passage aux 35 heures demanderait, dans certaines
administrations, de travailler plus...
Pour sortir de ces difficultés, le gouvernement est donc
contraint :
- de s'affranchir de la réglementation qu'il a lui-même
édictée :
par exemple, au ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie, certains agents pourraient
bénéficier d'une durée annuelle de travail de
1.530 heures, voire de 1.420 heures (au lieu des 1.600 heures
prévues) ;
- de créer des emplois, malgré ses engagements
réitérés en sens contraire :
il a ainsi
prévu la création de 45.000 emplois sur trois ans dans la
fonction publique hospitalière, pour un coût de 1,52 milliard
d'euros (10 milliards de francs). Ainsi, les personnels hospitaliers de
nuit, qui sont déjà aux 35 heures, devraient progressivement
passer, d'ici au 1
er
janvier 2004, à une semaine de travail
de 32 heures 30, ce qui ne peut évidemment qu'inciter les syndicats de
la fonction publique à prendre ce cas en exemple pour en demander la
généralisation à l'ensemble des fonctionnaires soumis
à des sujétions professionnelles particulières.
Le passage aux 35 heures dans la fonction publique : présentation de la méthodologie
Les
agents de la fonction publique, comme les salariés du secteur
privé, bénéficieront de la réduction du temps de
travail et de son aménagement. Les modalités de mise en oeuvre de
cet objectif doivent néanmoins être adaptées aux
spécificités de chacun des secteurs de l'administration.
Dans la fonction publique, les objectifs sont d'abord le progrès social
et l'amélioration de la qualité du service, la perspective
d'élaboration de règles permettant de donner aux agents des
garanties utiles, ainsi que la promotion d'une politique de gestion des
ressources humaines rénovée, dans le cadre d'une mise en oeuvre
déconcentrée et décentralisée de
l'aménagement et de la réduction du temps de travail.
La réduction du temps de travail devant être effective au
1
er
janvier 2002, il importait de déterminer un
cadre national strict afin de permettre un traitement égal de l'ensemble
des fonctionnaires. C'est le sens du décret n° 2000-815 du
25 août 2000 relatif à l'aménagement et à
la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat.
Après une phase de diagnostics qui a permis à chaque
administration d'établir un état des lieux des pratiques
actuelles en matière de temps de travail, des négociations sont
en cours dans chaque département ministériel. Elles portent sur
l'ensemble des points évoqués ci-dessus et permettront
l'établissement d'un cadre national aussi consensuel que possible au
sein de chaque ministère, en vue de la mise en place d'un projet
d'aménagement et de réduction du temps de travail
répondant aux attentes des usagers de l'administration et des agents.
Plusieurs ministères sont parvenus à conclure un accord dans ce
cadre : après le ministère de la défense et celui de
l'aménagement du territoire et de l'environnement, les ministères
de l'éducation (personnels IATOS), de la jeunesse et des sports viennent
de conclure, ainsi que les services du Premier ministre.
Dans d'autres ministères (ministères de l'équipement, des
transports et du logement, de l'agriculture, de l'intérieur), le
dialogue n'a pas conduit à des accords formels mais les organisations
syndicales ont eu l'occasion d'apprécier le dispositif proposé
aux agents à l'issue des discussions. Le ministère de
l'économie et des finances a choisi la voie de l'expérimentation
et de l'anticipation, et environ deux tiers de ses agents appliquent
déjà le nouveau régime.
Source : ministère de la fonction publique et de la
réforme de l'Etat.