TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DE MME ÉLISABETH GUIGOU, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ
Réunie le mardi 30 octobre 2001, la commission a procédé à l'audition de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
Après avoir salué la présence de M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Nicolas About, président, a exprimé, tout d'abord, le souhait que les réponses au questionnaire complémentaire d'octobre des rapporteurs de la commission des Affaires sociales, mais également celles à leur questionnaire de juillet, soient communiquées dans les meilleurs délais. Il a observé en second lieu que 37 articles additionnels avaient été ajoutés aux 34 articles initiaux du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 à l'occasion de son examen en première lecture à l'Assemblée nationale. Il a précisé que 18 de ces articles additionnels avaient été adoptés à l'initiative du Gouvernement et que le total des seuls articles relatifs à l'assurance maladie était ainsi passé de 9 à 21. Il a constaté de surcroît que ces modifications affectaient les principaux agrégats du projet de loi.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a présenté les grandes lignes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 tel qu'issu de l'examen en première lecture de l'Assemblée nationale. Elle a tout d'abord mis en évidence l'équilibre retrouvé et consolidé des comptes du régime général, alors que ceux-ci accusaient un déficit cumulé de 265 milliards de francs sur la période 1993-1997. Elle a indiqué que ces excédents avaient été rendus possible grâce à une politique de l'emploi volontariste, favorisée par le retour de la confiance des Français résultant de la politique économique conduite par le Gouvernement. Elle a souligné, à cet égard, que la priorité du Gouvernement en faveur de l'emploi avait permis de réduire de plus d'un million d'unités le nombre de demandeurs d'emplois et avait, ainsi, un effet direct sur l'équilibre des comptes sociaux. Elle a ajouté que les allégements des cotisations sociales, dont les allégements « 35 heures » constituent un ensemble minoritaire (soit 34,6 milliards de francs sur un total de 102 milliards de francs en 2002), avaient eu un effet bénéfique sur l'emploi, à la différence des allégements accordés par le précédent Gouvernement.
Mme Elisabeth Guigou a également souligné que le Gouvernement avait développé la transparence des comptes sociaux, en assurant, notamment, le passage à la comptabilité en droits constatés en 2002. Elle a indiqué que cet effort de transparence s'était également concrétisé, s'agissant des politiques d'allégements des cotisations, par la création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC).
A ce sujet, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a confirmé que la créance des régimes de sécurité sociale sur le FOREC, constatée pour l'exercice 2000, serait bien imputée, conformément aux recommandations de la Cour des comptes, sur cet exercice. En revanche, pour 2001 et 2002, le FOREC sera équilibré car les allégements de cotisations sociales seront intégralement compensés aux régimes de sécurité sociale au moyen de recettes fiscales. Par ailleurs, le décret installant l'établissement public du FOREC est paru au journal officiel du 26 octobre 2001.
Mme Elisabeth Guigou a ensuite estimé que les transferts opérés par le gouvernement entre les branches du régime général étaient justifiés par la solidarité qui unit les générations. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 poursuivra ainsi le transfert à la branche famille, amorcé en 2001, des avantages familiaux de retraite actuellement assumés par le fonds de solidarité vieillesse (FSV). Dans la même logique, le Gouvernement a décidé de transférer vers le fonds de réserve des retraites (F2R) 5 milliards de francs prélevés sur les excédents passés de la branche famille.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a ensuite passé en revue les différentes dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 visant à améliorer la protection sociale des français. S'agissant de la politique familiale, elle a notamment évoqué la création d'un congé de paternité de deux semaines, la dotation supplémentaire de 1,5 milliard de francs au fonds d'investissement de la petite enfance et la progression de 6 milliards de francs sur 4 ans des moyens du fonds national d'action sociale de la CNAF pour développer les autres modes d'accueil de la petite enfance et les loisirs des jeunes. Elle a également évoqué les mesures prévues en ce qui concerne la prise en charge des accidents du travail et des maladies professionnelles et notamment la mise en place et le financement du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).
Mme Elisabeth Guigou a ensuite abordé les dispositions prises en faveur des retraités. Après avoir souligné que la branche vieillesse du régime général était désormais excédentaire, elle a indiqué que le Gouvernement proposait de revaloriser les pensions de retraite de 2,2 % alors que l'inflation prévisionnelle est de 1,5 %. Ce « coup de pouce » supplémentaire portera à 1,4 % le gain du pouvoir d'achat des retraités depuis 1997.
Concernant plus particulièrement l'avenir des retraites, Mme Elisabeth Guigou a ajouté que le débat à l'Assemblée nationale lui avait permis d'aborder la question générale de l'avenir des régimes de retraite par répartition. Elle a plus particulièrement insisté sur la nécessité de poursuivre la réflexion sur le départ à la retraite et le taux d'activité des personnes âgées de plus de 55 ans, en liaison avec les travaux du conseil d'orientation des retraites, qui remettra son premier rapport en décembre 2001. Dans un deuxième temps, des travaux complémentaires tels que la concertation sur les avantages familiaux des retraites ou la manière de prendre en compte les handicaps ou la pénibilité du travail pourront être effectués.
Mme Elisabeth Guigou a précisé que de nombreux députés l'avaient alertée, à l'occasion du débat de première lecture, sur la situation particulière des travailleurs âgés, ayant cotisé plus de 160 trimestres, tout en n'ayant pas atteint l'âge de 60 ans mais qui souhaitent légitimement pouvoir bénéficier de leur retraite. Elle a estimé qu'il convenait d'intégrer ce sujet dans la réflexion globale sur la réforme des retraites mais que ce choix méthodologique n'interdisait pas de rechercher une solution concrète à ce problème. Cette solution concrète, proposée à l'Assemblée nationale qui l'a adoptée, est la création d'une garantie de ressources, le « revenu équivalent retraite », permettant aux personnes les plus en difficulté de percevoir une allocation d'un montant compris entre 5.000 et 5.750 francs par mois, sans tenir compte des ressources du conjoint.
Par ailleurs, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a indiqué que le Gouvernement assurait la montée en charge du fonds de réserve des retraites (F2R). Elle a confirmé que ce fonds disposera bien en 2020 de plus de 1.000 milliards de francs de réserves et de 85 milliards de francs à la fin 2002, soit 20 milliards de francs de plus que ce qui avait été annoncé initialement par le Gouvernement en 2001. S'agissant plus particulièrement des recettes provenant des licences de téléphonie mobile de seconde génération, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a souligné que ces recettes seront entièrement affectées au fonds de réserve des retraites à compter de l'année 2001 et que la perte de recettes enregistrée, par rapport aux prévisions initiales, pour 2002 sera compensée par des recettes issues des privatisations.
Mme Elisabeth Guigou a ensuite abordé le « volet santé » du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
En matière hospitalière, la ministre a indiqué que le Gouvernement poursuivait ses efforts de modernisation de l'hôpital public pour assurer aux patients des soins de qualité. Après avoir rappelé les détails des mesures prises en ce domaine, elle a précisé que le Gouvernement avait décidé d'accompagner la réduction du temps de travail dans l'hôpital public par la création de 45.000 emplois sur trois ans (2002-2004). Elle a ajouté que le débat en première lecture à l'Assemblée nationale avait, en outre, permis de renforcer les moyens de fonctionnement et d'investissement de l'hôpital en assurant un complément de crédits non reconductible de 1 milliard de francs sur la dotation hospitalière, en renforçant les actions du fonds de modernisation des établissements de santé (FMES) pour le développement des projets sociaux et de l'investissement et en dégageant, sur le budget de l'Etat, une dotation supplémentaire de 1 milliard de francs au profit du fonds d'investissement et de modernisation de l'hôpital.
A cette occasion, Mme Elisabeth Guigou a remis à M. Nicolas About, président, le projet de répartition régionale de la dotation hospitalière. Elle a précisé que, soucieuse d'efficacité, elle avait choisi d'informer sans attendre les directeurs des agences régionales d'hospitalisation (ARH) de cette répartition en y conviant les présidents des commissions des affaires sociales des deux assemblées. Cette réunion, tenue le 29 octobre 2001, permettra ainsi aux administrations compétentes d'anticiper la préparation des nouvelles mesures définies en faveur de l'hôpital et de les mettre en oeuvre dès le vote de la loi de financement de la sécurité sociale.
S'agissant plus particulièrement des cliniques privées, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a indiqué que l'accord du 4 avril 2001 avait marqué la volonté du Gouvernement de prendre pleinement en compte leur situation économique et sociale. Elle a précisé qu'elle avait déjà engagé des discussions avec les représentants de la fédération de l'hospitalisation privée afin de trouver les moyens d'y apporter les réponses appropriées.
Evoquant ensuite la politique du médicament, Mme Elisabeth Guigou a souligné le taux de progression très rapide des dépenses correspondantes, soit plus 7,7 % en 2001, tout en réaffirmant la volonté du Gouvernement d'autoriser l'accès de tous les français aux innovations pharmaceutiques. Elle a, à ce sujet, rappelé les principales mesures prises par le Gouvernement.
En ce qui concerne la politique médico-sociale, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a rappelé que le Gouvernement poursuivait la mise en oeuvre des plans pluriannuels en faveur des personnes handicapées et du plan de médicalisation des établissements pour personnes âgées.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, Mme Elisabeth Guigou a indiqué que l'objectif national des dépenses d'assurance maladie pour 2002 (ONDAM) atteint 112,77 milliards d'euros (779,72 milliards de francs) en droits constatés, soit une progression de 3,9 % par rapport aux dépenses de 2001. Cet ONDAM se décompose en quatre éléments principaux, soit un objectif de 4,8 % pour les hôpitaux, de 4,8 % également pour les établissements médico-sociaux, de 3,5 % pour les cliniques privées et enfin, un objectif des dépenses de soins de ville fixé à 3 %.
A ce sujet, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a fait le point sur la rénovation du système conventionnel de soins de ville engagée par le Gouvernement, et fondée sur les treize propositions rendues publiques par le Gouvernement. Elle a précisé que certaines de ces propositions seront définies dans le projet de loi sur les droits des malades et que d'autres sont inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s'agit de la mise en place de dispositifs d'appui à l'installation afin de prendre en compte les difficultés que rencontrent le recrutement, le maintien et le remplacement de médecins et d'infirmiers dans certaines zones rurales, de la mise en place de financement pérenne et d'une harmonisation des procédures au niveau régional pour soutenir le développement des réseaux de soins, et de la création d'un mécanisme de rémunération pour le développement des gardes libérales.
Enfin, Mme Elisabeth Guigou a présenté les propositions du Gouvernement visant à rénover le cadre conventionnel entre les caisses de sécurité sociale et les professionnels de santé. Elle a notamment indiqué que, dans le cadre de ses engagements conventionnels rénovés, le recours aux lettres-clés « flottantes » pourrait ne plus s'appliquer et qu'un amendement du Gouvernement, voté par l'Assemblée nationale, fournit le cadre de ces évolutions.
M. Alain Vasselle, rapporteur sur les équilibres généraux, a souhaité obtenir une mise à jour écrite des comptes prévisionnels du régime général pour 2001 et 2002, tels qu'ils ressortent des mesures nouvelles adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture. Il a également souhaité savoir si l'intégration, dans les allégements « 35 heures », du précédent dispositif spécifique d'allégement de cotisations prévu lors de l'embauche d'un premier salarié fournissait des avantages équivalents aux entreprises concernées. Il s'est, en outre, interrogé sur le caractère provisoire de cet allégement en faveur de l'embauche d'un premier salarié qui devrait expirer le 31 décembre 2003. M. Alain Vasselle a, enfin, souhaité savoir si la majoration des recettes du FOREC résultant de l'augmentation des minima de perception des droits sur le tabac, introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, à l'initiative de sa commission, avait été « anticipée » dans les prévisions de recettes du projet de loi initial de financement de la sécurité sociale pour 2002.
En réponse, Mme Elisabeth Guigou a indiqué que les renseignements écrits demandés par M. Alain Vasselle lui seraient communiqués dans les meilleurs délais. S'agissant par ailleurs de l'intégration des allégements de cotisations pour l'embauche d'un premier salarié dans le cadre général des allégements « 35 heures », elle a indiqué que le nouveau dispositif était comparable au précédent et que la date du 31 décembre 2003 pourrait être éventuellement reportée si le Parlement en décidait ainsi. En ce qui concerne l'augmentation des minima de perception des droits sur le tabac, et après un échange de vues auquel ont notamment participé MM. Nicolas About, président, Alain Vasselle, Gilbert Chabroux et Bernard Cazeau , Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a indiqué que la recette correspondante avait bien été anticipée dans les prévisions de recettes du projet de loi de financement, mais que le support juridique nécessaire était désormais constitué par l'article 6 bis dudit projet.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a évoqué l'article 26 A nouveau adopté par l'Assemblée nationale, qui élève les plafonds de ressources de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) pour les chômeurs de moins de soixante ans ayant épuisé leurs droits et justifiant d'au moins quarante années de cotisations, et augmente le montant de l'allocation spécifique d'attente (ASA). Il a demandé pourquoi le Gouvernement n'était-il pas intervenu par décret, l'ensemble des mesures relevant du pouvoir réglementaire. Il s'est interrogé sur le coût de ces mesures, pour l'organisme chargé de les prendre en charge et sur la présence de cet article en loi de financement de la sécurité sociale.
Enfin, faisant état des recettes encaissées par le Fonds de réserve des retraites, qui s'élèvent à 25 milliards de francs au 23 octobre 2001, il s'est interrogé sur la prévision affichée par le Gouvernement pour fin 2002, soit 85 milliards de francs.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a noté que l'article 26 A résultait d'un amendement adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Elle a considéré que cet article était un premier pas pour satisfaire une revendication légitime, tendant à accorder une pension à toute personne bénéficiant de quarante années de cotisations, même si elle n'a pas atteint l'âge de soixante ans. Elle a observé que qu'une telle revendication ne pourrait être prévue, compte tenu de son coût, que dans le cadre d'une réforme générale des retraites. Elle a indiqué que le financement de l'article 26 A, dont le coût est évalué à 350 millions de francs pour 2002, serait à la charge du budget de l'emploi, par l'intermédiaire du fonds de solidarité. Elle a précisé qu'une telle mesure nécessiterait une modification du projet de loi de finances, et n'affectait pas l'équilibre de la branche vieillesse, mais qu'il était normal que cette disposition soit présente dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, puisque ce support législatif avait initié ce débat.
S'agissant du fonds de réserve pour les retraites, elle a indiqué que le montant des encaissements était à la fin 2000 de 21 milliards de francs, auxquels il était nécessaire d'ajouter 8,3 milliards de francs d'excédents du FSV et de la CNAV, 9,4 milliards de francs de produits résultant des Caisses d'épargne, 14,8 milliards de francs de produits du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, 5 milliards de francs d'excédents de la CNAF, 2 milliards de francs de produits financiers et les recettes issues de la vente des licences UMTS et des privatisations, pour aboutir fin 2002 au montant de 85 milliards de francs.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur sur la famille, s'est fait l'écho de l'émotion des différentes associations familiales en ce qui concerne les prélèvements prévus sur les excédents de la branche famille par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Il s'est demandé si ces prélèvements avaient fait l'objet d'une concertation préalable entre ces associations et le Gouvernement.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , lui a répondu que les transferts financiers en cause, qui avaient bien fait l'objet d'une information des associations concernées, étaient rendus possible par les nouveaux excédents dégagés par la branche famille et que ces excédents permettaient désormais de financer une politique appropriée en faveur des familles.
M. Alain Joyandet, rapporteur des finances sociales à la commission des finances, s'est ensuite interrogé sur les raisons susceptibles d'expliquer le dépassement systématique de l'ONDAM par rapport aux prévisions initiales. Il a également souhaité savoir comment le Gouvernement entendait compenser au fonds de réserve des retraites le manque à gagner résultant de la diminution du produit attendu des recettes des licences de téléphonie mobile de seconde génération.
En réponse, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a indiqué que le dépassement de l'ONDAM n'était pas dû à une quelconque erreur de calcul mais reflétait une « tendance lourde », commune à l'ensemble des pays développés, à l'augmentation continue et rapide des dépenses de santé. Elle a toutefois estimé utile et nécessaire de se fixer un objectif national en la matière, afin de pouvoir lutter efficacement contre les gaspillages et a rappelé, à ce sujet, les mesures prises par le Gouvernement en matière de politique du médicament. S'agissant, par ailleurs, des recettes qui seront versées au fonds de réserve des retraites au titre des licences de téléphonie mobile de seconde génération, elle a indiqué que le montant correspondant atteindrait 8 milliards de francs en 2001 et 8 milliards de francs en 2002 complétés, cette année-là, par 8 milliards de francs de recettes de privatisation.
M. Jean-Pierre Fourcade s'est étonné de la contradiction entre, d'une part, la modicité de la progression des dépenses de la branche famille prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 et, d'autre part, la récente reprise de la natalité française.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , lui a répondu que l'objectif des dépenses de la branche famille pour 2002 avait été fixé sur la base d'éléments objectifs et compte tenu des moyens financiers disponibles.
M. Alain Vasselle, rapporteur , a jugé paradoxal que l'assurance maladie, qui était la branche déficitaire du régime général, se voit ponctionnée à un double titre pour assurer le financement des « 35 heures » : par les 8 milliards de francs de recettes qu'elle abandonnait au FOREC et par la charge financière -10 milliards de francs en année pleine- qu'elle allait supporter au titre des emplois créés dans les hôpitaux.
Constatant que le Gouvernement avait décidé d'abonder le Fonds de modernisation des établissements de santé (FMES) en 2002 d'un milliard de francs et de confier à celui-ci la mission de financer les dépenses de fonctionnement et d'investissement des établissements de santé, il a souhaité savoir pourquoi le Gouvernement n'avait pas choisi, plus simplement, d'augmenter d'un milliard de francs l'enveloppe des hôpitaux au sein de l'ONDAM 2002. Il s'est interrogé sur la signification que pouvait revêtir un fonds chargé de financer l'ensemble des dépenses hospitalières et qui faisait donc double emploi avec la dotation globale. Il s'est demandé s'il n'y avait pas là un risque de parcellisation du financement des établissements hospitaliers, dont le fonctionnement courant devrait, en toute logique, être uniquement assuré par la dotation globale. Il a souhaité savoir si les établissements privés participant au service public hospitalier étaient susceptibles de bénéficier des moyens supplémentaires accordés aux hôpitaux.
M. Alain Vasselle, rapporteur, a demandé si une rallonge du même type était envisagée pour les cliniques privées, qui connaissaient elles aussi des difficultés croissantes. Observant que l'article 10 A voté par l'Assemblée nationale laissait pour le moment subsister le mécanisme des lettres-clés flottantes, il a souhaité que le Gouvernement précise ses intentions, s'agissant du cadre conventionnel et du système de régulation des dépenses de soins de ville qu'il envisageait d'instituer.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a fait valoir que si l'assurance maladie restait effectivement déficitaire de 13 milliards de francs en 2002, après le vote par l'Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce déficit était beaucoup moins accentué qu'en 1996 où il avait alors atteint 35 milliards de francs. Elle s'est dite favorable à une fongibilité des différentes branches de la sécurité sociale, estimant qu'il n'était pas justifié que certaines branches conservent en quelque sorte des « cagnottes ».
Evoquant les moyens supplémentaires accordés aux hôpitaux, elle a expliqué que l'augmentation de la dotation globale hospitalière en 2001 visait à assurer un financement immédiat des besoins prioritaires. Elle a indiqué que l'élargissement des missions du fonds pour la modernisation des établissements de santé (FMES), qui pourrait désormais financer les investissements, permettrait d'assurer un financement aux opérations qui n'étaient aujourd'hui pas éligibles au Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux (FIMHO), telles que des mesures urgentes en faveur de la sécurité. Elle a souligné que cet effort permettrait notamment d'augmenter le nombre de places dans les écoles d'infirmières.
Mme Elisabeth Guigou s'est refusée à envisager un alignement des efforts en faveur des cliniques sur ceux consentis aux hôpitaux publics. Elle a fait observer que les cliniques étaient des structures de droit privé détenues par des actionnaires. Elle a considéré que les difficultés que connaissaient aujourd'hui certaines cliniques provenaient des faibles rémunérations accordées par celles-ci à leurs infirmières, rémunérations parfois inférieures de 20 à 30 % à celles versées dans les hôpitaux. Elle a relevé que la rémunération des médecins était en revanche supérieure dans les cliniques privées.
M. Nicolas About, président , a jugé cette approche un peu réductrice et a considéré que les problèmes des cliniques privées ne pouvaient s'expliquer par des choix salariaux qui seraient plus favorables aux médecins qu'aux infirmières. Il a jugé dangereux d'opposer ainsi médecins et infirmières travaillant au sein des mêmes structures privées et s'est inquiété des surenchères des hôpitaux publics tendant à débaucher dans les cliniques privées les infirmières dont ils ont besoin.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a souligné que les difficultés des cliniques privées étaient réelles et que le Gouvernement les prenait en compte.
M. Alain Vasselle a estimé qu'en laissant s'accentuer l'écart existant aujourd'hui entre l'hospitalisation publique et l'hospitalisation privée, on prenait le risque de voir disparaître un certain nombre de cliniques privées, ce qui poserait un problème sanitaire majeur dans certaines zones. Il a souligné que les hôpitaux n'étaient pas en mesure de faire face au surcroît de demandes qu'entraînerait la disparition de ces cliniques. Il a ajouté qu'outre les questions de salaires, les infirmières disposaient dans les hôpitaux du statut de la fonction publique hospitalière, bien plus avantageux que celui résultant de la convention collective applicable aux cliniques privées.
M. Gilbert Chabroux, regrettant que la majorité de la commission des affaires sociales se focalise à l'excès sur le financement du FOREC, s'est félicité des nombreuses mesures positives mises en oeuvre par le Gouvernement en matière sanitaire et sociale. Il a ainsi estimé qu'il convenait d'évoquer les véritables questions qui se posent à la Nation en ce domaine, telles la lutte contre le tabagisme ou la dérive des dépenses de médicaments. Enfin, il a jugé nécessaire de rappeler l'ampleur des déficits constatés au cours de la période 1993-1997, qui contraste avec l'amélioration des comptes sociaux constatée depuis lors.
M. Roland Muzeau s'est félicité des avancées obtenues, à l'occasion du débat en première lecture à l'Assemblée nationale, et grâce à l'intervention du groupe communiste, en faveur de l'hôpital public. Il a toutefois estimé que l'ensemble des problèmes n'était pas encore résolu de manière satisfaisante. Par ailleurs, il s'est interrogé sur la sollicitude manifestée par la majorité sénatoriale en faveur des cliniques privées, la revendication d'une aide publique au profit de ces établissements lui paraissant peu compatible avec la conception la plus communément admise du libéralisme économique. Enfin, il a souhaité connaître les mesures prises par le Gouvernement afin de limiter la hausse de dépenses des médicaments avant de souligner que l'évolution prévue de l'ONDAM, soit une progression de 4,8 %, s'avérait finalement modique si l'on en retranchait les 1,2 % prévus au titre du financement des 35 heures à l'hôpital.
M. Bernard Cazeau s'est interrogé sur les mesures prévues afin de permettre à notre pays de rattraper son retard d'équipements en scanners et en appareils d'imagerie médicale.
Après avoir salué les appréciations positives formulées par M. Gilbert Chabroux, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a notamment fourni les réponses suivantes :
- s'agissant de la lutte contre la dérive des dépenses de médicaments, un effort particulier, notamment en matière d'information du grand public, sera prochainement engagé en faveur de la prescription des médicaments génériques. Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit d'adapter les règles de prescription en conséquence ;
- la maîtrise des dépenses de santé devrait être également assurée dans le cadre du nouveau dispositif conventionnel organisé sur la base de treize propositions du Gouvernement ;
- le Gouvernement, conscient des difficultés rencontrées par les établissements d'hospitalisation privée, entend ne pas négliger ce secteur dont le niveau d'aide ne pourra pas toutefois être strictement aligné sur celui de l'hôpital public qui supporte des charges spécifiques, propres à sa mission ;
- l'ouverture des taux d'attribution et la définition de nouvelles procédures décentralisées devraient permettre à notre pays de rattraper son retard en matière d'équipements en scanners et en appareils d'imagerie médicale.
Après s'être félicité des décisions prises par le Gouvernement en faveur des hôpitaux, M. André Vantomme a souhaité savoir si celui-ci envisageait des efforts supplémentaires à l'avenir.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que le Gouvernement entendait poursuivre la démarche de péréquation entre les régions afin de résorber progressivement les inégalités régionales. Elle a précisé qu'elle avait confié à l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) la mission de réfléchir sur une éventuelle poursuite de cette politique.
M. Nicolas About, président, a remercié la ministre du temps qu'elle avait bien voulu consacrer à répondre aux nombreuses interrogations des rapporteurs et des commissaires.