B. LE PROJET DE LOI INITIAL : DES DISPOSITIONS EN PARTIE NON CONFORMES A LA CONSTITUTION
1. Le volet institutionnel
a) La clause générale de compétence
Le projet de loi dispose que l'Assemblée de Corse règle par ses délibérations « les affaires de la Corse », alors que le droit en vigueur, conformément au droit commun de la décentralisation, indique que l'Assemblée de Corse règle par ses délibérations « les affaires de la collectivité territoriale de Corse » ( article premier ).
b) L'adaptation des lois et des règlements nationaux par la collectivité territoriale de Corse
Il est proposé de reconnaître à la collectivité territoriale de Corse un pouvoir d'adaptation des normes nationales : lois et règlements, dans le but de tenir compte des spécificités de l'île.
D'une part, l'Assemblée de Corse aurait la possibilité de prendre, dans un but d'intérêt général, les mesures d' adaptation de règlements pris pour l'application des lois dans les matières où la collectivité territoriale de Corse est compétente. Une réserve interdit à ces adaptations de remettre en cause les conditions essentielles d'application de lois organisant l'exercice d'une liberté publique.
Les adaptations apportées aux décrets pris pour l'application des dispositions législatives régissant ces matières devront être justifiées par la situation spécifique de la Corse, appréciée au regard de l'objet de la réglementation considérée.
En cas de modification ultérieure de la réglementation nationale, l'adaptation corse cesserait de produire effet au bout de six mois ( article premier 43 ( * ) ).
D'autre part, l'Assemblée de Corse pourra prendre des mesures d'adaptation dérogeant au droit commun des dispositions législatives applicables , lorsqu'elle estimerait que les dispositions législatives présentent, pour les compétences de la collectivité territoriale de Corse, des difficultés d'application liées aux spécificités de l'île.
Dans ce cas, l'Assemblée de Corse demanderait au Gouvernement que la loi lui confère l'autorisation d'adapter les dispositions législatives .
La loi fixerait les modalités de l'autorisation pour l'Assemblée de Corse de prendre ces mesures d'adaptation, par délibération, dans un but d'intérêt général et à titre expérimental .
Un rapport annuel du Gouvernement serait remis au Parlement.
Le préfet pourrait être entendu par l'Assemblée sur les suites que le Gouvernement entend donner aux avis et demandes ; cette communication donnerait éventuellement lieu à un débat sans vote.
Les délibérations portant mesures d'adaptation de dispositions législatives ou réglementaires seraient soumises au contrôle de légalité et publiées au Journal Officiel de la République française ( article premier 44 ( * ) ).
c) La dissolution des offices
Selon le projet de loi, la collectivité territoriale de Corse peut décider de supprimer un ou plusieurs offices, par délibération expresse en ce sens.
Dans ce cas, elle se substitue à l'office (ou à l'agence de tourisme) concerné et exerce les compétences qu'elle reprend au moyen d'une régie dotée ou non de la personnalité morale, et dotée de l'autonomie financière.
La continuité des missions exercées et des droits des personnels est assurée ( articles 40 à 42 ).
d) Les transferts de biens, de services et de personnels
De façon classique, à l'image des lois de décentralisation précédentes, le projet de loi prévoit que les agents et services de l'Etat qui participent à l'exercice des compétences transférées à la collectivité territoriale de Corse seront mis à disposition de celle-ci.
Le président du conseil exécutif pourra disposer des services en question et adresser directement aux chefs de service les instructions nécessaires.
Les services chargés exclusivement de la mise en oeuvre d'une compétence nouvellement attribuée à la collectivité territoriale de Corse seraient transférés à celle-ci.
L'Etat mettrait gratuitement à la disposition de la collectivité territoriale de Corse les biens meubles et immeubles qu'il utilise pour l'exercice des compétences qu'il lui transfère ( article 30 ).
Les agents de l'Etat (fonctionnaires et non titulaires), dont le service est transféré à la collectivité territoriale de Corse, seraient mis à sa disposition jusqu'à ce que leur situation statutaire soit définitivement réglée ( article 31 ).
Les fonctionnaires de l'Etat travaillant pour un service transféré pourraient opter pour le statut de la fonction publique territoriale . Les mêmes possibilités sont reconnues aux agents non titulaires. Les agents disposeront d'un délai d'un an pour exercer leur droit d'option ; à défaut, les fonctionnaires seront considérés comme ayant choisi le maintien de leur statut d'Etat, tandis que les non titulaires seront réputés avoir opté pour la qualité de non titulaire territorial. Des conditions d'intégration et de reclassement sont précisées pour les fonctionnaires ayant choisi la fonction publique territoriale ( articles 32 et 33 ).
D'autre part, le projet de loi prévoit le transfert à la collectivité territoriale de Corse de la propriété des biens attachés aux compétences qui lui sont dévolues : monuments historiques, sites archéologiques, ports et aérodromes, réseau ferré, équipements hydrauliques, forêts. Il s'agit là d'une innovation par rapport aux lois de décentralisation qui ne prévoient généralement qu'une mise à disposition de ces biens.
e) Les dispositions diverses
Parmi les diverses dispositions contenues dans le projet de loi figurent notamment la création d'une conférence de coordination des collectivités territoriales de Corse , présidée par le président du conseil exécutif, ainsi que l' augmentation de six à huit du nombre des conseillers exécutifs .
* 43 II du texte de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales proposé.
* 44 IV de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales proposé.