EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
DE
L'ORGANISATION ET DES COMPÉTENCES DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE
DE CORSE
Article additionnel avant l'article
premier
Définition des spécificités de la
collectivité territoriale de Corse
Votre commission spéciale vous soumet un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article premier, afin de définir les spécificités susceptibles de justifier les adaptations au droit commun au bénéfice de la collectivité territoriale de Corse.
La rédaction que vous propose votre commission spéciale s'inspire très largement de celle déjà votée par le Sénat en 1982, lors des travaux préparatoires de la loi du 2 mars 1982, portant statut particulier de la région de Corse 50 ( * ) .
L'énumération proposée n'est pas exhaustive, mais elle reprend ce que les uns et les autres s'accordent à reconnaître comme les caractéristiques particulières de la collectivité territoriale de Corse. Ces caractéristiques sont de trois ordres : géographique, historique et culturel. Elles justifient une adaptation du droit commun, notamment en matière économique et sociale.
Tel est le sens de cet article additionnel que votre commission spéciale vous propose d'adopter.
CHAPITRE PREMIER
DU RÉGIME JURIDIQUE DES
ACTES
DE L'ASSEMBLÉE DE CORSE
Article premier
(art. L. 4424-1 et L. 4424-2
du code
général des collectivités territoriales)
Attributions
de l'Assemblée de Corse
Adaptation des lois et des
règlements
Cet article tend à reconnaître à la collectivité territoriale de Corse un pouvoir d'adaptation des normes nationales dans le but de tenir compte des spécificités de l'île.
Cet article traite des points suivants :
- les attributions de l'Assemblée de Corse (clause générale de compétence) ;
- le pouvoir de proposition de modification des lois (III) ou des règlements (I) ;
- le pouvoir réglementaire « propre »de la collectivité territoriale de Corse (II) et son pouvoir réglementaire d'application des lois ;
- le pouvoir d'adaptation législative (IV) ;
- la consultation de la collectivité territoriale de Corse (V), la présentation par le préfet des suites données (VI), la publication au Journal Officiel (VII).
A. ATTRIBUTIONS DE L'ASSEMBLÉE DE CORSE
1° Le droit existant : la clause générale de compétence
Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 4424-1 du code général des collectivités territoriales dispose que l'Assemblée de Corse « règle par ses délibérations les affaires de la collectivité territoriale de Corse et contrôle le conseil exécutif. Elle vote le budget, arrête le compte administratif, adopte le plan de développement et le schéma d'aménagement de la Corse ».
Cette rédaction, issue de l'article 25 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 51 ( * ) portant statut de la collectivité territoriale de Corse, est conforme au droit commun de la décentralisation 52 ( * ) .
2° Le projet de loi initial
Selon l'exposé des motifs du projet de loi, l'article L. 4424-1 proposé ne ferait que reprendre l'énoncé des compétences générales actuellement dévolues à l'Assemblée de Corse.
Tel n'est pas le cas, puisque cet article introduit une innovation majeure, en indiquant que l'Assemblée de Corse règle par ses délibérations « les affaires de la Corse » .
Par ailleurs, il opère une coordination avec le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse, prévu à l'article 12 du projet de loi.
3° Un glissement sémantique délibérément confirmé à l'Assemblée nationale
En séance publique à l'Assemblée nationale, l'amendement tendant à rétablir le droit existant a été écarté par la commission des Lois, au motif que, si cette compétence pouvait paraître symbolique, elle n'en était pas moins importante, et était cohérente avec l'accroissement des compétences de la collectivité territoriale de Corse, sans pour autant remettre en cause la compétence générale de l'Etat. Le Gouvernement s'est lui aussi opposé à ce rétablissement, en s'appuyant sur l'avis du Conseil d'Etat qui n'avait pas disjoint cette disposition, et en assurant que « l'article ne remet aucunement en question les compétences des autres collectivités en Corse ».
4° La position de votre commission spéciale : le refus de l'anticipation de la « phase 2004 » et de la tutelle de la collectivité territoriale de Corse sur les autres collectivités
Votre commission des Lois s'oppose à l'idée que l'Assemblée de Corse règle seule les affaires de la Corse , comme le laisse entendre la rédaction du présent paragraphe, au mépris tant des compétences reconnues aux conseils municipaux et aux conseils généraux pour régler les affaires locales, que de celle de l'Etat.
Elle s'élève de plus contre le sort réservé par le présent projet de loi aux départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse, ainsi qu'aux communes. Ces collectivités sont « les oubliées » de la démarche de Matignon.
L'interdiction d'une tutelle d'une collectivité locale sur une autre a un fondement constitutionnel : l'article 72 de la Constitution dispose que les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus. En conséquence, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de lois qui introduiraient une telle tutelle 53 ( * ) .
L'interdiction de la tutelle d'une collectivité sur une autre est ainsi un des principes fondamentaux de la décentralisation . L'article L. 1111-3 du code général des collectivités territoriales dispose que « la répartition des compétences entre les communes, les départements et les régions ne peut autoriser l'une de ces collectivités à établir ou exercer une tutelle, sous quelque forme que ce soit, sur une autre d'entre elle ».
En conséquence, votre commission spéciale vous soumet un amendement tendant à rétablir la rédaction de droit commun.
B. ADAPTATION DES LOIS ET DES RÈGLEMENTS
I. PROPOSITIONS DE MODIFICATION OU D'ADAPTATION DES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES
1° Le droit en vigueur : un pouvoir de proposition renforcé en 1991
Les deux derniers alinéas de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction actuelle, permettent à l'Assemblée de Corse, de sa propre initiative ou à la demande du conseil exécutif, ou de celle du Premier ministre, de présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d'élaboration concernant les compétences, l'organisation et le fonctionnement de l'ensemble des collectivités territoriales de Corse, ainsi que toutes dispositions législatives ou réglementaires concernant le développement économique, social et culturel de la Corse. Ces propositions sont adressées au président du conseil exécutif qui les transmet au Premier ministre.
Ces dispositions sont issues de l'article 26 de la loi du 13 mai 1991 54 ( * ) , qui reprenait lui-même, en le complétant, l'article 27 de la loi du 2 mars 1982.
2° Un dispositif dont l'application s'est révélée peu satisfaisante, faute de réponse adaptée de la part du Gouvernement
En dix ans, au titre de l'article 26 de la loi du 13 mai 1991, cinq délibérations de l'Assemblée de Corse ont visé à demander au Gouvernement de modifier des mesures réglementaires afin de les adapter à la situation particulière d'île. Par ailleurs, seize autres, proposant des modifications législatives, seront exposées au paragraphe III du présent article. Interrogé par votre rapporteur sur les suites réservées à ces cinq demandes, le Gouvernement a fait savoir que :
- la délibération n° 92-65 AC du 17 juillet 1992 visait à la modification des dispositions réglementaires en matière de nominations dans les administrations, afin de donner la priorité , à compétences égales, aux originaires et conjoints d'originaires du territoire de Corse . Aucune suite n'a été donnée ;
- la délibération n° 95-15 AC du 20 février 1995 visait à classer les communes de Corse en « zone zéro » pour l'indemnité de résidence des fonctionnaires . Un décret du 1 er avril 1995 55 ( * ) répond à cette demande ;
- la délibération n° 97/77 AC du 18 juillet 1997 visait à déroger à la partie réglementaire du code rural, afin de lutter contre la prolifération des lapins en Balagne . Un forte mortalité des lapins de mai à juillet 1997 et un programme du préfet de Corse permettant notamment le classement du lapin en Balagne comme nuisible ont ramené les effectifs à un niveau moins dommageable pour l'environnement ;
- la délibération n° 99/37 AC du 29 avril 1999 tendait à modifier les textes qui régissent le concours national d'entrée à l'IUFM , afin d'instaurer une épreuve obligatoire de langue corse ;
- la délibération n° 01/11 AC du 1er février 2001 tendant à prévoir par décret la fixation du régime indemnitaire des agents de la collectivité territoriale de Corse par référence au régime applicable aux agents des administrations centrales de l'Etat. Le 10 avril 2001, le président du conseil exécutif de Corse a été informé que les délibérations de l'Assemblée de Corse modifiant en ce sens le régime indemnitaire des agents de la collectivité territoriale de Corse était entaché d'illégalité . La procédure est en cours devant le tribunal administratif de Bastia.
Ainsi, deux des cinq propositions de l'Assemblée de Corse n'ont pas reçu de réponse de la part du Gouvernement. Toutefois, il est permis de se demander si, compte tenu de leur contenu, elles n'appelaient pas une certaine réserve (préférence locale, « corsisation des emplois »).
3° Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Le I de l'article L. 4424-2 proposé par le projet de loi initial reprenait sans le modifier le droit existant .
L'Assemblée nationale a décidé de présenter le pouvoir de proposition de l'Assemblée de Corse en deux paragraphes, afin de distinguer selon qu'il s'exerce en matière législative ou réglementaire.
Le I de l'article L. 4424-2 adopté par l'Assemblée nationale reprend les termes du projet de loi initial concernant le domaine réglementaire. Comme le V du projet de loi initial le prévoyait, les propositions de l'Assemblée de Corse sont adressées au président du conseil exécutif qui les transmet au Premier ministre et au représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse. Par rapport au droit existant, est ajoutée la transmission au préfet des propositions adoptées par l'Assemblée de Corse.
Interrogé par votre rapporteur, le Gouvernement a fait savoir que la transmission au préfet « supprime toute ambiguïté quant à un éventuel lien privilégié que la transmission de ces propositions pourrait faire naître entre le Gouvernement et la collectivité territoriale ».
4° La position de votre commission spéciale
Votre commission spéciale estime que le pouvoir de proposition de l'assemblée de Corse mériterait d'être conforté.
Toutefois, elle souligne que la solution consistant à enjoindre au Gouvernement d'apporter une réponse aux demandes de l'Assemblée de Corse a déjà été écartée comme inconstitutionnelle .
La loi du 2 mars 1982 portant statut particulier de la région de Corse prévoyait déjà que le Premier ministre accuse réception de ces propositions dans les quinze jours et fixe le délai dans lequel il leur apportera une réponse au fond. Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel en 1991.
Dans sa décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991, le Conseil constitutionnel a considéré que « le législateur ne saurait, sans excéder la limite de ses pouvoirs, enjoindre au Premier ministre de donner une réponse dans un délai déterminé à une proposition de modification de la législation ou de la réglementation, émanant de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale . » En conséquence, il a jugé que la disposition de l'article 26 faisant obligation au Premier ministre de se justifier sur la suite à donner à une proposition de modification de la législation ou de la réglementation émanant de l'Assemblée de Corse, devait être déclarée contraire à la Constitution.
Votre commission spéciale souhaite que le Gouvernement s'engage en séance publique à apporter une réponse aux demandes et propositions émises par l'Assemblée de Corse.
Elle ne vous soumet qu' un amendement formel, tendant à réunir en un seul paragraphe les dispositions du I et du III du texte adopté par l'Assemblée nationale.
II. AFFIRMATION DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE
1°. Le droit existant : le pouvoir réglementaire des collectivités locales est résiduel
Avant d'examiner au fond les dispositions du projet de loi et le vote de l'Assemblée nationale sur le pouvoir réglementaire de la collectivité territoriale de Corse, votre rapporteur tient à rappeler l'état du droit positif existant concernant le pouvoir réglementaire sous la Vème République.
Le pouvoir réglementaire désigne la faculté de prendre des mesures générales et impersonnelles à caractère exécutoire.
Les termes mêmes de la Constitution du 4 octobre 1958 énoncent que, sous réserve des prérogatives propres du Président de la République, le Premier ministre détient le pouvoir réglementaire de droit commun.
En pratique néanmoins, d'autres autorités se sont vu attribuer un pouvoir réglementaire dans des limites précisément définies :
- les ministres, préfets, autorités délibérantes des collectivités locales et des directeurs des établissements publics ;
- certaines autorités administratives indépendantes ;
- certaines personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public, comme les ordres professionnels, les fédérations sportives ou les sociétés gérant un service public industriel et commercial.
Toutefois, ce constat appelle deux réserves :
- d'une part, il ne saurait être question de placer ces différents détenteurs du pouvoir réglementaire sur le même plan . La distinction doit être faite selon que ces autorités tiennent leur pouvoir réglementaire de la Constitution, de la loi, ou de solutions jurisprudentielles ;
- d'autre part, chaque autorité investie du pouvoir réglementaire l'exerce dans les limites de ses attributions .
LES DETENTEURS DU POUVOIR REGLEMENTAIRE
1. Le Premier ministre et le Président de la République 56 ( * ) Selon l'article 21 de la Constitution, « le Premier ministre (...) assure l'exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires. ». En vertu l'article 13, le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des ministres 57 ( * ) et nomme aux emplois supérieurs de l'Etat. Le Premier ministre et le Président de la République sont investis du seul pouvoir réglementaire méritant la qualification de général : il leur permet d'édicter des règlements en toutes matières (non réservées à la loi) et pour toute l'étendue du territoire national . 2. Le refus du pouvoir réglementaire des ministres en tant que membres du Gouvernement Le deuxième alinéa de l'article 21 de la Constitution dispose que le Premier ministre peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres, ce qui inclut la possibilité d'une délégation de son pouvoir réglementaire 58 ( * ) . Mais le Conseil d'Etat n'a jamais accepté de reconnaître le principe de la détention du pouvoir réglementaire par les ministres 59 ( * ) . Cette non-détention est compensée par le fait qu'une loi ou un décret peut investir un ministre du pouvoir réglementaire (arrêté ministériel), par le pouvoir de prendre des directives et par le fait qu'ils sont associés à l'élaboration des décrets réglementaires qu'ils contresignent et dont il leur appartient de provoquer l'édiction. 3. Les autorités administratives indépendantes
Le Conseil constitutionnel a affirmé à plusieurs
reprises que les articles 21 et 13 de la Constitution
«
confèrent au Premier ministre, sous réserve
des pouvoirs reconnus
au Président de la République, l'exercice du pouvoir réglementaire à l'échelon national ; si elles ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité publique autre que le Premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en oeuvre une loi, c'est à la condition que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu . » Ce considérant de principe a fondé la reconnaissance du pouvoir réglementaire des autorités administratives indépendantes : Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) 60 ( * ) et Autorité de régulation des télécommunications (ART) 61 ( * ) , ou des institutions publiques personnalisées telles la Banque de France 62 ( * ) . La compétence ainsi reconnue au CSA ne saurait s'exercer que dans le respect des règles essentielles posées par le législateur et des principes généraux fixés par décret en Conseil d'Etat. Dans l'exercice de ses compétences, il est, à l'instar de toute autorité administrative, soumis à un contrôle de légalité 63 ( * ) . De même, la compétence réglementaire reconnue à l'ART par la loi doit s'exercer dans le respect des dispositions du code des postes et télécommunications et de ses règlements d'application, et sous le contrôle du ministre chargé des télécommunications. 4. Le pouvoir réglementaire des chefs de service Les chefs de service, notamment les ministres 64 ( * ) , les préfets, les maires, les présidents des conseils généraux et régionaux et les directeurs des établissements publics, détiennent un pouvoir réglementaire. Ils peuvent ainsi réglementer la situation des agents placés sous leurs ordres 65 ( * ) ou prendre des mesures réglementaires à destination des usagers des services. Toutefois, deux limites s'imposent : les règlements que les chefs de service peuvent édicter (arrêté ou circulaire à caractère réglementaire, ne peuvent tendre qu'au « bon fonctionnement » de l'administration placée sous leur autorité. La légalité de ces mesures est subordonnée à l'existence d'un vide dans l'ordonnancement juridique que le chef de service pourra combler 66 ( * ) , et au respect des normes de niveau supérieur. Il est de jurisprudence constante qu'un pouvoir réglementaire ne peut être attribué à un établissement public ou à un organisme privé chargé d'une mission de service public qu'en vertu d'une délégation expresse consentie à leur profit par la loi ou le règlement. Deux conditions de fond limitent ce pouvoir : l'organisme titulaire de la délégation ne peut prendre que des règlements nécessaires pour atteindre les buts qui lui sont fixés ; il doit respecter les normes de niveau supérieur 67 ( * ) . 5. Les collectivités locales : un pouvoir résiduel Le Conseil constitutionnel ayant posé la compétence législative pour les questions qui touchent à la libre administration des collectivités territoriales, les espaces dans lesquels la collectivité pourra utiliser son pouvoir réglementaire sont très limités . Les exemples suivants montrent toutefois qu'ils ont une importance pratique réelle : d'une part, la collectivité prend les mesures réglementaires utiles à son « auto-organisation » 68 ( * ) . Les règlements de portée « générale », c'est-à-dire destinés à l'ensemble de la population de la collectivité considérée, sont pris sur l'invitation expresse du législateur ( règlements locaux d'urbanisme, pouvoir financier local pour voter le taux des quatre grandes taxes dans les limites fixées par la loi, règlement départemental d'aide sociale ), pour régler des situations de fait ( police municipale ) ou pour créer des services publics . Le juge constitutionnel distingue bien l'exercice d'une attribution par une collectivité locale (pouvoir exécutif) du pouvoir de réglementer la matière considérée (pouvoir normatif) . Par exemple, si les collectivités locales peuvent, en vertu de la loi, être titulaires de l'exercice du pouvoir de préemption, la fixation des modalités de mise en oeuvre des principes posés par la loi relève de la compétence du pouvoir réglementaire national 69 ( * ) . La jurisprudence administrative reconnaît le pouvoir réglementaire local, non sans en souligner les limites. Le pouvoir réglementaire local n'est jamais exclusif du pouvoir réglementaire général du Premier ministre . Si la loi est insuffisamment précise, mais nécessite un décret d'application, le pouvoir réglementaire d'une collectivité locale est exclu, tant que ce décret n'aura pas été pris 70 ( * ) . En l'absence d'exercice du pouvoir réglementaire national, la collectivité locale ne se voit reconnaître un pouvoir réglementaire que si le décret n'était ni prévu par la loi, ni nécessaire 71 ( * ) . De même, la compétence du département pour organiser et gérer les services de la protection maternelle et infantile, prévue par la loi, n'est pas exclusive du pouvoir réglementaire du Premier ministre pour édicter les normes applicables à ces services 72 ( * ) . En d'autres termes, le pouvoir réglementaire local ne s'exerce que dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur 73 ( * ) . Une thèse existe qui privilégie une lecture extensive du champ d'application du pouvoir réglementaire local 74 ( * ) , au moyen d'une généralisation du pouvoir d'édicter des décisions individuelles (par exemple : en matière d'aides économiques et de subventions, la collectivité locale, compétente pour attribuer les aides individuelles, le serait aussi pour établir a priori les critères qu'elle utilisera pour les attribuer aux demandeurs). Cette conception est pour l'instant purement doctrinale. Elle n'est confortée par aucun élément du droit positif (jurisprudence comprise). Dans ce domaine, il existe sans doute un décalage entre le droit positif et la pratique. 6. L'unité du pouvoir réglementaire L'unité du pouvoir réglementaire général a été affirmée par le Conseil constitutionnel. En conséquence, le législateur ne peut modifier la ligne de partage entre matières législatives et matières réglementaires 75 ( * ) . Il n'est pas possible de se fonder sur la jurisprudence du Conseil d'Etat pour remettre en cause l'unité du pouvoir réglementaire général. En effet, le Conseil d'Etat ne peut censurer des dispositions de forme réglementaire intervenues en matière législative, car ce serait reconnaître l'inconstitutionnalité de la loi qui en a permis l'édiction, et le juge administratif n'est pas juge de la loi. 7. L'obligation d'exercer le pouvoir réglementaire La jurisprudence administrative sanctionne le refus d'édicter des règlements nécessaires à l'application d'une loi 76 ( * ) . Toutefois, il n'y a obligation que si l'absence des règlements d'application rend impossible l'application du texte de base 77 ( * ) . Le corollaire est l'obligation d'abroger les règlements illégaux. |
2° Le projet de loi initial
Le II de l'article L. 4424-2 proposé par le projet de loi initial tend à ouvrir la possibilité pour l'Assemblée de Corse de prendre des mesures d'adaptation de règlements pris pour l'application des lois .
Sur le fond, quatre conditions cumulatives encadreraient cette faculté :
- celle ci s'exercerait dans les matières où la collectivité territoriale de Corse est compétente ;
- l'adaptation ne pourrait remettre en cause les conditions essentielles d'application des lois organisant l'exercice d'une liberté publique ;
- ces mesures d'adaptations devraient être prises dans un but d'intérêt général ;
- et être justifiées par la situation spécifique de la Corse, appréciée au regard de l'objet de la réglementation considérée.
Quant à la procédure, ces adaptations seraient fixées par délibérations motivées de l'Assemblée de Corse, prises sur proposition du conseil exécutif.
Le caractère provisoire de ces adaptations est souligné, puisqu'en cas de modification de la réglementation ayant donné lieu à adaptation, la délibération cesserait de produire effet au plus tard six mois après l'entrée en vigueur du décret fixant la nouvelle réglementation.
3° L'avis du Conseil d'Etat du 8 février 2001
Le Conseil d'Etat a disjoint les dispositions figurant au II de l'article premier du projet de loi, dans la nouvelle rédaction proposée pour le II de l'article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales, qui organisent la faculté, pour la collectivité territoriale de Corse, de modifier les décrets pris pour l'application des dispositions législatives régissant les matières dans lesquelles elle exerce des compétences.
Selon le Conseil d'Etat, « les dispositions de l'article 21 de la Constitution en vertu desquelles le Premier ministre assure l'exécution des lois et, sous réserve des dispositions de l'article 13, exerce le pouvoir réglementaire, ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une collectivité territoriale dont, en vertu de l'article 72, la loi prévoit les conditions de la libre administration, le soin de définir les conditions d'application d'une loi, mais il ne peut le faire qu'à condition que cette habilitation porte sur des mesures dont elle définit précisément le champ d'application et les conditions de mise en oeuvre et ne porte pas atteinte à la compétence qui appartient au Premier ministre d'édicter des règles nationales applicables à l'ensemble du territoire ».
4° Le texte adopté par l'Assemblée nationale : reconnaître à la collectivité territoriale de Corse un pouvoir réglementaire propre et un pouvoir réglementaire d'adaptation des lois
L'Assemblée nationale a tout d'abord procédé à une affirmation de principe : « le pouvoir réglementaire de la collectivité territoriale de Corse s'exerce dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi . » (premier alinéa).
Puis l'Assemblée nationale a modifié les quatre conditions de fond cumulatives subordonnant l'exercice du pouvoir d'adaptation des règlements nationaux (deuxième alinéa). Ainsi, la collectivité territoriale de Corse pourra « demander à être habilitée par le législateur » :
- à fixer des règles adaptées aux spécificités de l'île ,
- dans le respect de l'article 21 de la Constitution , selon lequel le Premier ministre assure l'exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire,
- pour la mise en oeuvre des compétences qui sont dévolues à la collectivité territoriale de Corse en vertu de la partie législative du code général des collectivités territoriales,
- les adaptations sont exclues lorsque est en cause l'exercice d'une liberté individuelle ou d'un droit fondamental .
En revanche, l'Assemblée nationale a supprimé la mention selon laquelle la délibération cesserait de produire effet dans les six mois suivant l'entrée en vigueur d'une modification de la réglementation considérée.
Sur la procédure, l'Assemblée nationale a ajouté la possibilité d'une auto-saisine de l'Assemblée de Corse ; dans ce cas, le conseil exécutif remettrait un rapport à l'Assemblée de Corse avant que celle-ci ne rende sa délibération motivée.
Comme le V de l'article L. 4424-2 proposé par le projet de loi initial le prévoyait, l'Assemblée nationale a confirmé que la demande, qui prend la forme d'une délibération motivée de l'Assemblée de Corse, est transmise par le président du conseil exécutif au Premier ministre et au représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse.
III. PROPOSITIONS DE MODIFICATION OU D'ADAPTATION DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES
1° Le droit existant
Les deux derniers alinéas de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales, dont votre rapporteur a exposé le contenu dans le paragraphe I, permettent à l'Assemblée de Corse de présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires concernant l'organisation et le fonctionnement des collectivités territoriales en Corse ou le développement économique, social et culturel de l'île.
2° Une application peu satisfaisante
Votre rapporteur a recensé les délibérations de l'Assemblée de Corse prises au titre de l'article 26 de la loi du 13 mai 1991 (l'actuel article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales) tendant à la modification de dispositions législatives 78 ( * ) , et a demandé au Gouvernement pour chacune d'entre elles les suites qu'il y avait apportées :
- la délibération n° 92 /92 AC du 17 septembre 1992 tendait à modifier la loi n° 63-777 du 31 juillet 1963 relative à certaines modalités de grève dans les services publics ;
- la délibération n° 93/68 AC du 18 juin 1993 tendant à modifier la loi n° 84-512 du 29 juin 1984 relative à la pêche en eau douce . Le ministre de l'environnement a répondu le 9 septembre 1993 que les difficultés rencontrées n'étaient pas propres à la Corse et que les services étudiaient les solutions à y apporter ;
- la délibération n° 93/77 AC du 29 juin 1993 tendait à modifier les dispositions législatives concernant les différentes aides au logement ; le Gouvernement a répondu qu'il n'envisageait pas d'accorder cette dérogation ; les demandes de l'Assemblée de Corse sont ensuite devenues caduques en octobre 1995 du fait de l'instauration du « prêt à taux zéro » ;
- la délibération n° 93/122 AC du 19 novembre 1993 tendait à modifier les dispositions de la loi du 13 mai 1991 relatives à l'Agence de développement économique de la Corse ;
- la délibération n° 94/25 AC du 1er mars 1994 tendait à modifier la loi du 13 mai 1999 afin de transférer dans le patrimoine de la collectivité territoriale de Corse les biens immobiliers et mobiliers affectés au service public du transport ferroviaire ;
- la délibération n° 94-150 AC du 21 novembre 1994 tendait à inscrire en loi de finances que toute perte de ressources au titre de la taxe de consommation sur les alcools soit systématiquement compensée par la dotation générale de décentralisation ;
- la délibération n° 94/151 AC du 21 novembre 1994 tendait à modifier la loi du 13 mai 1991 afin que la dotation compensant le transfert des charges d'investissement de la collectivité territoriale de Corse évolue comme la dotation globale d'équipement ;
- la délibération n° 95/07 AC du 10 février 1995 tendait à l'exemption de la nouvelle taxe d'aménagement du territoire en faveur de la Corse (taxe due par les entreprises de transports public aérien). La loi de finances pour 1999 ayant abrogé les articles concernés du code général des impôts, le Gouvernement a fait savoir que « le souhait de l'Assemblée de Corse de limiter l'accroissement du coût du transport dû aux taxes a donc été pris en compte » ;
- la délibération n° 95-56 AC du 30 juin 1995 tendait à modifier les dispositions de la loi du 13 mai 1991 relatives aux transports et à la continuité territoriale ;
- la délibération n° 95/57 AC du 30 juin 1995 tendait à modifier des projets de loi en cours d'examen au Parlement afin de favoriser la politique de plaisance et de croisière en Corse ; aucune suite n'a été réservée à cette demande ;
- la délibération n° 95/120 AC du 20 novembre 1995 tendait à modifier l'article 50 de la loi du 13 mai 1991 concernant la carte scolaire ; le Gouvernement « n'a pas jugé utile de faire suite à cette demande » ;
- la délibération n° 96/16 AC du 1er mars 1996 tendait au dépôt d'un projet de loi relatif à la représentativité du syndicat des travailleurs corses. Auparavant la délibération n° 94/132 AC du 28 octobre 1994 tendait à la reconnaissance au plan territorial de la représentativité du même syndicat. Le Gouvernement a estimé que deux décrets du 7 février1997 79 ( * ) « font suite à cette demande » ;
- les délibérations n° 96/36 AC et n° 96/37 AC du 2 mai 1996 et n° 96/121 AC du 20 décembre 1996, tendaient à modifier le statut fiscal de la Corse concernant la taxe sur les transports. Une réunion de travail entre services de l'Etat et représentants de la collectivité territoriale de Corse s'est tenue le 7 février 1997 et une note a été adressée le 19 février 1997 au président du conseil exécutif.
Ainsi, sur les 16 délibérations recensées, seules sept ont reçu une réponse de la part du Gouvernement.
3° Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Le I de l'article L. 4424-2 proposé par le projet de loi initial reproduisait le droit existant , en ajoutant la transmission au préfet .
L'Assemblée nationale a scindé en deux les dispositions du projet de loi initial, afin de distinguer les propositions de modification des dispositions législatives et réglementaires, sans apporter de changement au fond.
4° La position de votre commission spéciale
Par coordination avec le regroupement en un seul paragraphe des dispositions relatives au pouvoir de proposition de la collectivité territoriale de Corse, opérée au I de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales proposé, votre commission des Lois vous soumet un amendement de suppression du III .
IV. ADAPTATION DES LOIS
1° Le projet de loi initial
Le III de l'article L. 4424-2 proposé par le projet de loi initial ouvre la possibilité pour l'Assemblée de Corse de prendre des mesures d'adaptation dérogeant au droit commun des dispositions législatives applicables .
Sur le fond, la condition pour ce faire est que l'Assemblée de Corse « estime » que les dispositions législatives en vigueur ou en cours d'élaboration présentent, pour les compétences de la collectivité territoriale, des « difficultés d'application liées aux spécificités de l'île ».
Dans ce cas, l'Assemblée de Corse demande au Gouvernement que lui soit conférée par la loi, qui en fixe les modalités, l'autorisation de prendre par délibération, dans un but d'intérêt général, à titre expérimental, des mesures d'adaptation de ces dispositions législatives.
Cette demande de l'Assemblée de Corse au Gouvernement, qui prend la forme d'une délibération motivée, résulte d'une proposition du conseil exécutif ou d'une initiative de l'Assemblée de Corse elle-même. dans ce dernier cas, le conseil exécutif établit un rapport.
Chaque année, le Gouvernement devra présenter au Parlement un rapport sur les mesures ainsi prises par l'Assemblée de Corse. Ce rapport retracera l'état de réalisation des objectifs fixés par les délibérations de l'Assemblée.
2° L'avis du Conseil d'Etat du 8 février 2001
Le Conseil d'Etat a disjoint ces dispositions du projet de loi.
Selon le Conseil d'Etat, « s'il est loisible au législateur d'adopter des dispositions particulières applicables à une catégorie de collectivité territoriale déterminée même si celle-ci ne comprend qu'une unité, il lui appartient de préciser lui-même, selon les procédures définies par la Constitution pour l'adoption de la loi, la nature, l'étendue et la portée des dérogations que ces dispositions apportent au droit commun ; il ne peut , en revanche, déléguer l'exercice de la compétence législative à quelque autorité que ce soit, en-dehors des cas prévus par la Constitution ».
A titre d'illustration, comme votre rapporteur vous l'exposera à l'article 12 du présent projet de loi, le Conseil d'Etat a disjoint les dispositions conférant à la collectivité territoriale de Corse compétence pour définir, par dérogation à l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, « des règles relatives à l'extension de l'urbanisation adaptées aux particularités géographiques locales » et pour déterminer les espaces où s'appliquerait ce régime dérogatoire au droit commun.
Selon le Conseil d'Etat, « en l'absence de précisions suffisantes sur la nature, l'étendue et la portée des dérogations ainsi apportées au régime législatif de droit commun, les dispositions susmentionnées équivalent à une délégation du pouvoir législatif à la collectivité territoriale de Corse, délégation qui est contraire à l'article 34 de la Constitution ».
3° Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a entièrement réécrit le dispositif proposé. Sur le fond, elle a repris la condition tenant au constat, par l'Assemblée de Corse, que des dispositions législatives en vigueur ou en cours d'élaboration présentent, pour l'exercice des compétences de la collectivité territoriale, des difficultés d'application liées aux spécificités de l'île.
Elle a ensuite prévu une formule d'habilitation et de validation par le législateur des expérimentations effectuées par l'Assemblée de Corse :
- l'Assemblée de Corse demande au Gouvernement que le législateur lui ouvre la possibilité de procéder à des expérimentations comportant le cas échéant des dérogations aux règles en vigueur ;
- ces expérimentations précèdent « l'adoption ultérieure par le Parlement de dispositions législatives appropriées » ;
- la loi fixerait la nature et la portée de ces expérimentations, ainsi que les cas, conditions et délai dans lesquels la collectivité territoriale pourrait faire application de ces dispositions ;
- la loi fixerait également les conditions et les procédures d' évaluation de cette expérimentation, ainsi que les modalités d'information du Parlement sur leur mise en oeuvre ;
- les mesures prises à titre expérimental par la collectivité territoriale de Corse cesseraient de produire leur effet au terme du délai fixé si le Parlement, au vu du rapport d'évaluation qui lui est fourni, n'a pas procédé à leur adoption .
Ce faisant, l'Assemblée nationale a supprimé le rapport du Gouvernement au Parlement.
Sur la procédure, l'Assemblée nationale a repris le projet de loi initial prévoyant une délibération motivée de l'Assemblée de Corse, prise à l'initiative du conseil exécutif, ou de l'Assemblée de Corse après rapport du conseil. Comme le prévoit le V du projet de loi initial, cette délibération serait transmise par le président du conseil exécutif au Premier ministre et au représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse.
V. CONSULTATION DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE SUR LES PROJETS DE TEXTES COMPORTANT DES DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES A LA CORSE
1° Le droit existant
Les deux premiers alinéas de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction actuelle, disposent que l'Assemblée de Corse est consultée sur les projets de loi ou de décret comportant des dispositions spécifiques à la Corse. L'Assemblée dispose d'un délai d'un mois pour rendre son avis. Ce délai est réduit à quinze jours en cas d'urgence sur demande du Premier ministre. Le délai expiré, l'avis est réputé avoir été donné.
Cette rédaction résulte de l'article 26 de la loi du 13 mai 1991 précitée et n'avait pas d'équivalent dans la loi du 2 mars 1982.
Des dispositions équivalentes existent pour les collectivités d'outre-mer :
- en application de l'article 74 de la Constitution, pour les territoires d'outre-mer :« les statuts des territoires d'outre-mer sont fixés par des lois organiques qui définissent, notamment, les compétences de leurs institutions propres, et modifiés, dans la même forme, après consultation de l'assemblée territoriale intéressée. Les autres modalités de leur organisation particulière sont définies et modifiées par la loi après consultation de l'assemblée territoriale intéressée » ;
- en application du décret du 26 avril 1960 relatif à l'adaptation du régime législatif, pour les départements d'outre-mer.
En revanche, un tel dispositif demeure sans équivalent en France métropolitaine . Sur ce fondement, l'Assemblée de Corse a été consultée sur l'avant-projet de loi 80 ( * ) .
2° Le projet de loi initial
Le V de l'article L. 4424-2 proposé par le projet de loi initial ne modifie le droit en vigueur qu'à la marge : le délai imparti à l'Assemblée de Corse pour rendre son avis serait réduit en cas d'urgence non plus à la demande du Premier ministre mais à la demande du représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse.
Le V précise que les avis adoptés par l'Assemblée de Corse sont adressés au président du conseil exécutif qui les transmet au Premier ministre et au représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse.
3° Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a ajouté que l'Assemblée de Corse serait consultée sur les propositions de loi comportant des dispositions spécifiques à la Corse. Dans ce cas, les avis relatifs aux propositions de loi sont transmis par le Premier ministre aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.
4° La position de votre commission spéciale
Bien que le Gouvernement, interrogé par votre rapporteur sur le fait que les avis concernant des propositions de loi transitent par le Premier ministre, a répondu « qu'il appartient au Gouvernement de procéder à l'information du législateur », votre commission spéciale rappelle que le Gouvernement n'a pas le monopole de cette information. Elle vous soumet donc un amendement tendant à prévoir que les avis de l'Assemblée de Corse sur les propositions de loi seront directement transmises aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat par le président du conseil exécutif de Corse. Bien entendu, le Premier ministre en sera aussi destinataire.
VI. PRÉSENTATION PAR LE PRÉFET DES SUITES ENVISAGÉES PAR LE GOUVERNEMENT
Le V de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales proposé par le projet de loi initial prévoyait que, par accord entre le président de l'Assemblée de Corse et le représentant de l'Etat, celui-ci serait entendu par l'Assemblée sur les suites que le Gouvernement entend réserver aux avis et demandes de la collectivité territoriale. Cette communication pourrait donner lieu un débat sans vote.
L'Assemblée nationale a apporté une simple précision à ce dispositif.
Votre commission spéciale remarque que la rédaction des paragraphes I, III et VI du présent article se contentent pour une large part de reproduire le droit existant, non sans présenter ces dispositions comme de nouvelles avancées... En l'occurrence, l'article L. 4422-27 du code général des collectivités territoriales permet déjà au préfet de Corse , en accord avec le président de l'Assemblée de Corse, d'être entendu par l'Assemblée . Cet article existe depuis la loi du 13 mai 1991.
Votre commission spéciale vous soumet un amendement de coordination avec les solutions précédemment retenues.
VII. CONTRÔLE DE LÉGALITÉ ET PUBLICATION AU JOURNAL OFFICIEL
1° Le projet de loi initial
Le II du présent article prévoyait l'insertion d'un nouvel article L. 4424-2-1 dans le code général des collectivités territoriales, dont l'objet serait double :
- soumettre au contrôle de légalité les délibérations adoptées par l'Assemblée de Corse en application de l'article L. 4424-2, portant mesures d'adaptation de dispositions législatives ou réglementaires 81 ( * ) ;
- prévoir la publication de ces délibérations au Journal officiel de la République française.
2° Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a supprimé la soumission au contrôle de légalité des délibérations de l'Assemblée de Corse portant mesure d'adaptation des dispositions législatives et réglementaires, au motif qu'il s'agit d'une précision inutile.
Par ailleurs, elle a étendu l'obligation de publication au Journal officiel de la République française à l'ensemble des propositions, demandes et avis adoptés par l'Assemblée de Corse en application des I à IV de l'article L. 4424-2 proposé.
3° La position de votre commission spéciale
Votre commission spéciale tient à souligner que la publication au Journal Officiel de la République française de délibérations d'une collectivité locale n'existe pas actuellement. Il s'agirait donc d'une innovation notable, au profit de la collectivité territoriale de Corse, justifiée par le pouvoir législatif et réglementaire qui lui sont accordés en vertu du présent projet de loi.
En Nouvelle Calédonie 82 ( * ) et en Polynésie française 83 ( * ) , les actes des assemblées territoriales sont publiés respectivement au Journal officiel de la Nouvelle Calédonie et au Journal officiel de la Polynésie française.
Votre commission spéciale vous soumet un amendement de coordination avec la solution précédemment retenue, afin de limiter la publication au Journal Officiel aux délibérations de l'Assemblée de Corse portant propositions de modifications législatives ou réglementaires.
C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION SPÉCIALE : L'ADAPTATION DES LOIS ET DES REGLEMENTS, NON CONFORME A LA CONSTITUTION, DOIT ÊTRE REJETEE
Les modifications apportées par l'Assemblée nationale au texte initial soulignent que le Gouvernement a soumis au Parlement un texte non conforme à la Constitution .
En dépit des efforts de clarification considérables effectués par l'Assemblée nationale, on ne peut que constater l'échec de celle-ci à produire un texte conforme à la Constitution.
I. LE REFUS DE LA DÉLÉGATION DU POUVOIR LÉGISLATIF À LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE, CONTRAIRE À LA CONSTITUTION
1° Le texte de l'Assemblée nationale est inacceptable
a) Un texte incompréhensible
Votre commission spéciale tient tout d'abord à souligner l'extrême complexité du texte transmis au Sénat. Puisqu' une explication de texte est indispensable , votre rapporteur a souhaité avoir l'interprétation du Gouvernement sur ses intentions et celles, qu'il a approuvées, de l'Assemblée nationale.
b) Une dévolution du pouvoir législatif sans le dire
Force est de constater que le Gouvernement , par un discours lénifiant, minimise les innovations institutionnelles proposées par le projet de loi, mais qu'au détour d'explications techniques, il reconnaît la véritable nature de celui-ci, à savoir la dévolution pure et simple du pouvoir législatif et du pouvoir réglementaire dans les mains d'une collectivité territoriale.
Interrogé par votre rapporteur sur la question de principe, le Gouvernement affirme que « le projet de loi n'ouvre aucune compétence législative à l'Assemblée de Corse . La collectivité territoriale de Corse n'aura de possibilités d'expérimenter des dérogations que si le Parlement y consent. La collectivité territoriale de Corse ne dispose d' aucun droit d'appréciation particulier qui serait, de près ou de loin, assimilable à un véritable pouvoir législatif. »
Mais, devant des questions plus techniques telles que :
- comment régler les droits acquis lorsque, une fois le délai dépassé et en l'absence de validation législative, les « mesures prises à titre expérimental par la collectivité territoriale de Corse » cesseront de produire leur effet ?
- ces mesures sont-elles réputées n'avoir jamais existé , s'agit-il d'un retrait ou d'une abrogation ?
Le Gouvernement répond : « Il s'agit d'une abrogation dont les effets sont comparables à ceux d'une modification législative . ».
Votre commission spéciale remarque que, sauf à jouer sur les mots, les mesures expérimentales de la collectivité territoriale de Corse seront bien des mesures législatives, puisque les effets de l'absence de loi ultérieure les confirmant sont assimilés à ceux d'une modification législative.
De plus, elle s'inquiète des évolutions annoncées à mots couverts par le Gouvernement : « L'objectif du texte n'est pas de donner valeur législative à des mesures prises par une collectivité locale. Il s'agit simplement de consolider les bases législatives servant de fondement aux mesures prises par la collectivité territoriale de Corse, et de lui permettre également, sans recours au législateur , de les modifier postérieurement à la consolidation du dispositif . »
c) Une procédure calquée sur celle des ordonnances de l'article 38 de la Constitution 84 ( * )
Votre commission spéciale souligne le parallèle existant entre l'article premier soumis à son examen, et l'article 38 de la Constitution, permettant au Gouvernement de légiférer par ordonnance.
En effet, la collectivité territoriale de Corse agirait sur habilitation du législateur, et ses délibérations seraient ensuite ratifiées par le Parlement, au moyen d'une loi de validation .
Interrogé par votre rapporteur sur la nature des expérimentations en matière législative, sur leur portée, leur valeur juridique et leur place dans la hiérarchie des normes , le Gouvernement a fait savoir que « Ces expérimentations prendront la forme d'actes de la collectivité territoriale de Corse, pris par les autorités compétentes, ces actes étant soumis au contrôle de légalité. La publication au Journal officiel est justifiée par l'existence d'un droit différent qu'il semble indispensable de porter à la connaissance des tiers . »
Votre commission spéciale estime quant à elle que l'article premier du présent projet de loi se comporte en tout points comme un article de la Constitution, en ce qu'il répartit le pouvoir normatif entre plusieurs autorités , et prévoit une procédure de dévolution du pouvoir législatif à la collectivité territoriale de Corse sur le modèle des ordonnances.
Or, sous la Vème République, le législateur n'a pas la compétence de sa compétence. Le Conseil constitutionnel le censurerait pour incompétence négative s'il n'allait pas au bout de la compétence que la Constitution, notamment son article 34, lui reconnaît.
A cet égard, on ne peut être surpris que le Premier ministre Lionel Jospin ait pu, lors de la réunion de Matignon du 6 avril 2000, demander aux élus de la collectivité territoriale de Corse : « en ce qui concerne l'éventualité d'une compétence législative, s'agirait-il d'une compétence exclusive, concurrente avec l'Etat ou subsidiaire ? ».
d) Des ambiguïtés rédactionnelles qui ouvrent la voie à des interprétations redoutables
Sur la rédaction des dispositions en cause, un paradoxe se fait jour : tantôt l'Assemblée nationale et le Gouvernement jugent utile de faire une référence expresse à la Constitution, tantôt, au contraire, ils excluent cette mention, au motif qu'elle serait juridiquement inutile.
Ainsi, interrogé par votre rapporteur sur les spécificités de l'île qui pourraient justifier l'adaptation de la loi, le Gouvernement a répondu : « le caractère insulaire, le retard de développement ou la protection des espaces naturels peuvent être autant d'éléments qui, selon les législations en cours d'examen, pourront mériter des dispositions propres à la Corse. Il ne paraît pas utile de préciser que ces dérogations devront être en rapport avec l'objet de la loi à adapter dans la mesure où cette précision se contente de reprendre les exigences que le Conseil constitutionnel marque pour apprécier le respect du principe d'égalité et de proportionnalité. ».
De même, la précision selon laquelle l'adaptation devait répondre à un but d'intérêt général ayant été supprimée, le Gouvernement fait savoir que « la précision relative à l'intérêt général était de faible valeur normative ou redondante par rapport aux exigences constitutionnelles ».
Pourtant, le pouvoir réglementaire d'application des lois qui serait reconnu à la collectivité territoriale de Corse devrait s'exercer « dans le respect de l'article 21 de la Constitution ».
2° L'absence de validation a priori par le Conseil constitutionnel : la décision du 28 juillet 1993 n'est pas transposable aux collectivités locales
a) Une décision implicite et sans rapport avec l'objet aujourd'hui examiné
La justification évoquée au dispositif imaginé résulte non d'une disposition expresse de la Constitution, mais de l'habile sélection d'une jurisprudence du Conseil constitutionnel qui n'a rien à voir avec les collectivités locales.
Les deux considérants de principe de la décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993 sont ainsi libellés :
« le législateur, dans le respect des principes de valeur constitutionnelle, (...) peut, pour la détermination des règles constitutives des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, prévoir, eu égard à l'objectif d'intérêt général auquel lui paraîtrait répondre le renforcement de l'autonomie des établissements, que puissent être opérés par ceux-ci des choix entre différentes règles qu'il aurait fixées . Il lui est aussi possible, une fois des règles constitutives définies, d'autoriser des dérogations pour des établissements dotés d'un statut particulier en fonction de leurs caractéristiques propres .
« Il est de même loisible au législateur de prévoir la possibilité d' expériences comportant des dérogations aux règles ci-dessus définies de nature à lui permettre d'adopter par la suite, au vu des résultats de celles-ci, des règles nouvelles appropriées à l'évolution des missions de la catégorie d'établissements en cause. Toutefois il lui incombe alors de définir précisément la nature et la portée de ces expérimentations, les cas dans lesquels celles-ci peuvent être entreprises, les conditions et les procédures selon lesquelles elles doivent faire l'objet d'une évaluation conduisant à leur maintien, à leur modification, à leur généralisation ou à leur abandon . »
Il convient tout d'abord de rappeler que cette décision concernait des établissements publics de l'Etat , en l'occurrence les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, et en aucun cas des collectivités territoriales. Votre commission spéciale estime qu' en l'état actuel du droit positif, une telle solution ne peut être interprétée comme s'appliquant aux collectivités locales.
De plus, l'objet même des dérogations ainsi autorisées en principe (et rejetées en l'espèce pour non-respect des conditions ci-dessus évoquées) est extrêmement limité , puisqu'elle ne pouvaient porter que sur l'organisation interne des universités et des instituts et écoles. Même dans cette rédaction prudente, le Conseil constitutionnel a censuré le dispositif, notamment sur le fondement de l'incompétence négative du législateur, qui n'a pas assorti de garanties légales les principes de caractère constitutionnel que constituent la liberté et l'indépendance des enseignants chercheurs.
b) La validité de cette décision, qui sert de fondement au raisonnement du Gouvernement, est contestée par l'Assemblée nationale elle-même
Tant le Gouvernement, pendant la démarche de Matignon et dans l'exposé des motifs du présent projet de loi, que l'Assemblée nationale, s'appuient sur les termes de cette décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993, qui autoriserait selon eux l'expérimentation législative par les collectivités locales. L'Assemblée nationale a en conséquence reproduit dans l'article premier les dispositions de cette décision.
Toutefois, une ambiguïté demeure dans le raisonnement du Gouvernement et de l'Assemblée nationale.
En effet, la commission des Lois de l'Assemblée nationale a rappelé que, « conformément aux motifs de la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 1993, plusieurs conditions sont requises pour que le législateur puisse habiliter la collectivité territoriale à procéder aux adaptations nécessitées par sa situation particulière : celles-ci doivent avoir lieu dans un but d'intérêt général et à titre expérimental, ce qui implique que la durée de l'autorisation soit limitée et que les adaptations entreprises dans ce cadre donnent lieu à une évaluation . »
Mais, dans le même temps, la commission a admis elle-même que « la transposition de la décision du Conseil constitutionnel relative aux établissements publics universitaires à la collectivité territoriale de Corse pourrait être de nature à soulever des difficultés en l'absence de révision constitutionnelle préalable 85 ( * ) . »
Elle avait fait le même constat dès janvier 2001 : « la transposition de cette jurisprudence aux collectivités locales en l'absence de révision constitutionnelle apparaît pour le moins hasardeuse, tant elle heurte de nombreux autres principes constitutionnels » 86 ( * ) .
Votre commission spéciale approuve sans réserve ces deux derniers constats de la commission des Lois de l'Assemblée nationale.
c) La méconnaissance du cadre déjà fixé par le Conseil constitutionnel concernant la collectivité territoriale de Corse
Votre commission spéciale tient à souligner que le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur la question de la dévolution d'un pouvoir de la collectivité territoriale de Corse en matière législative.
En effet, lors de l'examen de la loi du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse, il n'a validé l'organisation spécifique à caractère administratif de la collectivité territoriale de Corse que dans la mesure où « ni l'assemblée de Corse ni le conseil exécutif ne se voient attribuer des compétences ressortissant au domaine de la loi ».
3° L'absence de « précédents »
Le Gouvernement évoque par ailleurs l'existence de « précédents » en matière d'expérimentation locale pour justifier le dévolution d'un pouvoir législatif à titre expérimental à la collectivité territoriale de Corse.
D'une part, quelques lois ont prévu leur application pour une durée limitée : loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse et loi du 25 juillet 1994 sur la bioéthique par exemple.
D'autre part, plusieurs lois ont prévu des expérimentations.
Ainsi, la loi n° 88-1088 du 1 er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion prévoyait retour devant le législateur après cinq années. Tel fut le cas avec la loi du 29 juillet 1992. La loi de finances pour 1995 prévoyait aussi des expérimentations pour améliorer le RMI 87 ( * ) .
Par la loi n° 94-637 du 29 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, le Sénat, sur un amendement de sa commission des Affaires sociales, a institué des expérimentations en matière de dépendance dans douze départements, expérimentations 88 ( * ) qui débutèrent le 1er janvier 1995 . Cette expérimentation a préfiguré la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l'attente de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.
A la suite d'un rapport de notre collègue Hubert Haenel de 1994, un processus expérimental de décentralisation des services ferroviaires régionaux a été institué par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire 89 ( * ) , auquel ont participé sept régions. En conséquence, la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit, dès le 1er janvier 2002, le transfert aux régions de l'organisation et du financement des services régionaux de voyageurs et renvoie à un décret en Conseil d'Etat ses modalités de mise en oeuvre.
Votre commission spéciale souligne l'intérêt de ces expérimentations , qui permettent au législateur de se prononcer en connaissance des difficultés rencontrées par les collectivités locales dans l'exercice de leurs missions.
Toutefois, elle ne peut que constater que l'article premier du présent projet de loi ne se situe pas du tout sur le même plan. Dans les cas évoqués ci-dessus, il s'agissait d'expérimentations menées par le législateur lui-même, et non de la délégation par celui-ci, à une collectivité locale, du pouvoir de fixer les normes applicables.
Les collectivités locales se voyaient reconnaître la possibilité d'expérimenter une attribution que la loi leur conférait. Au contraire, l'article premier du projet de loi créerait une délégation de compétence , ce que le législateur ne peut faire 90 ( * ) .
Encore une fois, au sein du pouvoir exécutif, il convient de bien distinguer le pouvoir de faire (verser des aides sociales, financer le transport de voyageurs dans la région) du pouvoir de déterminer le droit applicable . Les expérimentations, dont le principe est très positif, ont permis de mieux cerner les besoins, de favoriser le partenariat entre les différents acteurs et de mieux mobiliser les moyens humains et financiers. Mais elles ne constituent pas des « précédents » utilement évocables dans le cas présent.
4° Bien distinguer pouvoir législatif et spécialité législative
Les départements d'Alsace-Moselle bénéficient d'un droit local spécial, tant dans les matières législatives que réglementaires. Toutefois, conformément à la Constitution, seuls le législateur et le pouvoir réglementaire national déterminent le droit nouveau applicable en Alsace-Moselle.
Ce n'est qu'en présence d'un droit local existant que le droit commun, en principe, s'incline. Mais il le fait de plus en plus rarement 91 ( * ) . Aussi bien, le législateur ne peut se lier lui-même. La loi du 17 octobre 1919, confirmant le maintien provisoire du droit local et renvoyant au Parlement le soin d'introduire le droit national, et les lois du 1 er juin 1924, n'ont pas empêché que le droit local alsacien-mosellan soit très résiduel aujourd'hui 92 ( * ) , d'autant plus qu'aucun droit local nouveau ne peut être créé.
L'exemple des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle ne saurait donc être utilement évoqué pour justifier la dévolution à la collectivité territoriale de Corse d'un pouvoir normatif. La vraie question réside non seulement dans l'existence d'un droit spécial, mais aussi et surtout dans l'autorité chargée de l'édicter.
5° Supprimer toute anticipation de la « deuxième phase » évoquée pour 2004.
Même s'il était adopté en l'état, le dispositif n'aurait pas le temps d'être opérationnel . En effet, la « phase 2004 » évoquée par l'exposé des motifs du projet de loi initial suppose l'évaluation préalable des expérimentations normatives par la collectivité territoriale de Corse.
Or, compte tenu du calendrier électoral, et surtout de ses conséquences sur le calendrier législatif, les « lois d'habilitation » ne pourraient pas être votées avant le second semestre 2002 (voire le début de l'année 2003, si l'article 51 du projet de loi relatif à son entrée en vigueur est maintenu dans le texte de l'Assemblée nationale). Quelle expérimentation pourrait être sérieusement entreprise, porter ses fruits et donner lieu à une évaluation entre octobre 2002 et mars 2004 ?
6° Un pouvoir législatif pour quoi faire ?
Aucune réponse concrète n'a été fournie à votre rapporteur à cette question simple (à l'exception de la loi « littoral »). Cette question ne peut être renvoyée à un examen ultérieur par le Parlement, lors du vote des futures lois d'habilitation. En effet, le texte soumis aujourd'hui au Sénat prévoit déjà des expérimentations législatives en matière d'urbanisme, comme votre rapporteur le montrera lors de l'examen de l'article 12 du projet de loi.
II LE TEXTE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE SUR LE POUVOIR RÉGLEMENTAIRE PROPRE DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE ET LE POUVOIR D'ADAPTATION DES RÈGLEMENTS NATIONAUX NE PEUT ÊTRE ACCEPTÉ EN L'ÉTAT
Votre commission spéciale relève là encore que les réponses du Gouvernement minimisent la portée réelle des pouvoirs nouveaux consentis à la collectivité territoriale de Corse.
a) Une procédure virtuelle ?
Interrogé par votre rapporteur, le Gouvernement a fait savoir que « le projet de loi se contente de fixer une règle de procédure applicable au fonctionnement de la collectivité territoriale. Le Gouvernement reste maître de choisir la suite qu'il entend réserver à cette demande. Il demeure libre de saisir le Parlement d'un projet de loi ou d'un amendement apportant une réponse à cette demande. Naturellement, une telle initiative peut découler d'une proposition de loi ».
S'agit-il de créer une nouvelle procédure, qui, connaissant le même sort que l'article 26 de la loi du 13 mai 1991, resterait virtuelle ?
b) L'absence d'évaluation préalable du champ d'application de cette mesure
Votre rapporteur ayant demandé que lui soit fournie la liste des compétences dans lesquelles la collectivité territoriale de Corse exercerait son pouvoir réglementaire « propre » , le Gouvernement a répondu que « le champ d'application est limité par les compétences énumérées dans le code général des collectivités territoriales, en matière économique culturelle et d'environnement ».
Quant au champ d'application de l'exercice du pouvoir d'adaptation des règlements nationaux , il a indiqué « qu' il n'existe pas de liste préconçue . On peut songer, en matière d'interventions économiques, au régime des aides directes et indirectes ainsi qu'aux mesures énumérées au présent projet de loi, en particulier en matière d'urbanisme ».
Votre commission spéciale déplore le manque de précision des réponses apportées par le Gouvernement.
c) Le renvoi aux « lois d'habilitation ultérieures »
A la question relative au contenu de la loi d'habilitation , le Gouvernement a répondu qu'« il appartiendra au cas par cas au législateur de se prononcer sur le partage qu'il entend réaliser entre le renvoi à des mesures d'application prises par le Gouvernement et des mesures d'application décentralisées, dans le respect des prérogatives du Premier ministre. Un tel partage existe déjà dans l'actuel statut de la collectivité territoriale de Corse avec la compétence confiée à cette dernière de fixer les règles relatives au interventions économiques ».
Votre commission spéciale ne peut que réaffirmer que le législateur n'est pas le constituant, et qu'il ne peut donc répartir le pouvoir normatif entre plusieurs autorités. L'argument relatif aux interventions économiques ne peut être retenu (cf. commentaire de l'article 17).
L'article premier ouvre une brèche dans l'article 21 de la Constitution, car le projet de loi ne précise pas si le pouvoir réglementaire du Premier ministre pourra s'exercer concurremment à celui de la collectivité territoriale de Corse, ou s'il s'agit d'un pouvoir exclusif .
En effet, l'expression : « dans le respect de l'article 21 de la Constitution », pour maladroite qu'elle soit, ne concerne que le deuxième alinéa du II de l'article premier (pouvoir d'application des lois) et non le premier alinéa (pouvoir réglementaire « propre » de la collectivité territoriale de Corse).
d) L'absence de réponses à d'autres questions juridiques soulevées par le dispositif
Votre rapporteur ayant demandé pourquoi la mention selon laquelle l'adaptation devait répondre à un but d'intérêt général avait été supprimée, le Gouvernement n'a donné aucune réponse .
Puis, sur la question de savoir pourquoi l'exigence selon laquelle la situation spécifique justifiant les adaptations réglementaires devrait être appréciée au regard de l'objet de la réglementation considérée avait été supprimée, le Gouvernement s'est contenté de répondre : « Parce qu'il ne pouvait en être autrement . ».
III. LA RECONNAISSANCE D'UN POUVOIR NORMATIF À UNE COLLECTIVITÉ LOCALE ET L'ADAPTATION DES RÈGLEMENTS NATIONAUX SONT DES IDÉES INTÉRESSANTES MAIS QUI NÉCESSITENT UNE RÉVISION PRÉALABLE DE LA CONSTITUTION ET DOIVENT ÊTRE ENVISAGÉES DANS UN CADRE GLOBAL
1° Un idée intéressante
Votre commission spéciale aborde la question du pouvoir normatif des collectivités locales avec un grand intérêt. Le Sénat a toujours été attentif à la nécessaire souplesse dans l'application des lois et des règlements au niveau local. Certaines règles ne justifient pas une application uniforme sur l'ensemble du territoire national.
Toutefois, les expérimentations locales doivent être mises en conformité tant avec le principe constitutionnel d'égalité devant la loi que la répartition du pouvoir normatif sous la Vème République. C'est pourquoi, une révision constitutionnelle préalable est nécessaire.
2° La nécessaire révision préalable de la Constitution devra s'inscrire dans un cadre plus général
La proposition de loi constitutionnelle tendant à introduire dans la Constitution un droit à l'expérimentation pour les collectivités locales, dite « proposition de loi Méhaignerie », dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale le 16 janvier 2001, propose de compléter l'article 72 de la Constitution dans ces termes : « A l'initiative des collectivités territoriales , leur organisation, leurs compétences ou leurs ressources peuvent faire l'objet d'une expérimentation dans des conditions définies par la loi, en vue d'une généralisation. Dans ce cadre, les collectivités territoriales peuvent être autorisées à adapter les lois et les règlements . Ces dispositions ne s'appliquent pas aux matières mentionnées aux troisième, quatrième, cinquième, dixième et treizième alinéas de l'article 34. Une loi organique détermine les conditions d'application des dispositions du présent alinéa ».
Cette proposition de loi a un objet constitutionnel. Comme le rapport de la commission des Lois de l'Assemblée nationale le soulignait lui-même : « La reconnaissance d'un droit à l'expérimentation pour les collectivités locales est donc, pour l'essentiel, incompatible avec le cadre constitutionnel actuel . »
De même, le rapport de M. Hugues Portelli au nom de l'Institut de la Décentralisation publié en juin 2001 conclut à la nécessité d'une révision constitutionnelle et propose plusieurs rédactions en ce sens. En particulier, il est proposé de modifier l'article 72 de la Constitution afin que « les collectivités territoriales exercent le pouvoir réglementaire dans les domaines de compétences que leur attribue la loi ».
Votre commission spéciale salue la qualité de ces travaux, qui démontrent l'intérêt que pourrait revêtir l'idée d'une révision constitutionnelle à ce stade de la décentralisation. Nous sommes sans doute arrivés au bout de ce que la Constitution permettait. Il n'est pas interdit d'envisager la suite dans un cadre constitutionnel rénové. A l'initiative du président Christian Poncelet, le Sénat a ainsi adopté une proposition de loi constitutionnelle en ce sens 93 ( * ) .
Votre commission spéciale estime que les avancées d'une éventuelle révision constitutionnelle devront s'inscrire dans un cadre plus général intéressant l'ensemble des collectivités locales.
4° La « loi déclinable »
Votre rapporteur vous soumet une idée de révision constitutionnelle : la reconnaissance des « lois déclinables ».
Partant du constat que la Constitution ne reconnaît que deux types de lois : les lois ordinaires et les lois organiques, il convient sans doute de prévoir une autre forme de loi, qui serait susceptible d' application différenciée sur le territoire national .
Dès le vote de la loi, le législateur prévoirait d'en confier l'application par voie réglementaire aux collectivités locales, afin qu'elles adaptent au mieux les prescriptions de la loi aux réalités locales. Tous les domaines ne seraient pas concernés.
Cette mesure serait de nature à régler la grande majorité des difficultés actuellement rencontrées par les collectivités locales sur le terrain juridique.
Pour toutes les raisons ci-dessus évoquées, votre commission spéciale vous soumet trois amendements tendant à supprimer les paragraphes II, III et IV du présent article.
Elle vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié .
Article 2
(art. L. 4423-1 du code général des
collectivités territoriales)
Déféré
préfectoral - recours suspensif
Cet article tend à renforcer les prérogatives du préfet en cas de déféré relatif à une délibération portant mesure d'adaptation de dispositions législatives ou réglementaires.
Il modifie en ce sens l'article L. 4423-1 du code général des collectivités territoriales, selon lequel les délibérations de l'assemblée de Corse et du conseil exécutif ainsi que les actes du président de l'Assemblée de Corse et du président du conseil exécutif sont soumis au contrôle de légalité dans les conditions de droit commun (articles L. 4142-1 et suivants).
Selon le projet de loi initial, en présence d'une délibération de l'Assemblée de Corse portant mesure d'adaptation de dispositions législatives ou réglementaires, le préfet pourra assortir son recours d'une demande de suspension .
Cette délibération cessera de produire effet jusqu'à ce que le tribunal administratif ait statué sur cette demande. Toutefois, si le tribunal administratif n'a pas statué dans ce délai de deux mois , la délibération redeviendra exécutoire.
Sur proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a modifié la rédaction de cet article par coordination avec la solution retenue à l'article premier, sans le modifier au fond.
Votre commission spéciale remarque que la demande de suspension prévue n'est pas conditionnée par l'existence d'un doute sérieux sur la légalité de l'acte attaqué. Le droit commun du référé-suspension 94 ( * ) le prévoit, mais les référés dans les domaines spéciaux, notamment en matière d'urbanisme et de libertés publiques, ne comportent pas cette condition.
La suppression des paragraphes II et IV de l'article L. 4424-2 95 ( * ) , prive de son objet le déféré préfectoral prévu au présent article.
En conséquence, par coordination avec la solution qu'elle vous a proposée à l'article premier, votre commission spéciale vous soumet un amendement de suppression de l'article 2.
Article 3
Refonte du chapitre du code
consacré à
l'organisation de la collectivité territoriale de Corse
Cet article tend à réorganiser le titre II du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales, relatif à la collectivité territoriale de Corse.
Sur proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements formels.
Votre commission spéciale tient à faire remarquer que la rédaction de l'ensemble du projet de loi est rendue plus difficilement compréhensible par cette renumérotation qui n'est placée ni en tête ni en fin du projet de loi .
A cela s'ajoute l'utilisation de solutions différentes selon les articles du projet de loi. Par exemple, l'article premier modifie l'actuel article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales. L'article 2 du projet de loi, qui fait référence à ces dispositions, utilise la future numérotation : L. 4422-16. Enfin, l'article 4 du texte adopté par l'Assemblée nationale renumérote l'actuel article L. 4424-12 en un article L. 4424-2.
Cette présentation du projet de loi rend plus difficile l'exercice du droit d'amendement par les parlementaires . Il leur faut en effet tenir compte tant des numéros d'articles existants que de la renumérotation opérée par le projet de loi.
La solution la plus satisfaisante aurait consisté à procéder à cette renumérotation au début du texte.
Votre commission spéciale vous soumet un amendement de réécriture complète de l'article 3, afin de le mettre en conformité avec l'ensemble des modifications qu'elle vous proposera aux différents articles de ce projet de loi, et de regrouper en un seul article toutes les modifications portant sur la codification . Ainsi, les articles suivants du projet de loi pourront se concentrer sur le fond des dispositions.
A l'occasion de cette réécriture, votre commission spéciale vous propose de remplacer les termes « compétences de la collectivité territoriale de Corse » par ceux, juridiquement exacts, d'« attributions ».
Elle vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié .
* 50 Rapport n° 190 (Sénat, 1981-1982) de M. Paul Girod au nom de la commission des Lois.
* 51 La loi n° 82-214 du 2 mars 1982 disposait quant à elle que l'Assemblée de Corse « règle par ses délibérations les affaires de la région de Corse. Elle vote le budget et arrête le compte administratif . »
* 52 Premier alinéa de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : « Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. » De même premier alinéa de l'article L. 3211-1 concernant le département et premier alinéa de l'article L. 4221-1 pour la région.
* 53 Décision n° 84-174 du 25 juillet 1984 relative aux compétences des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion.
* 54 En 1991, le Sénat avait introduit la possibilité pour l'Assemblée de Corse d'agir de sa propre initiative.
* 55 Décret n° 95-367 du 1 er avril 1995 modifiant le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat et des personnels des collectivités territoriales.
* 56 Du point de vue de leur objet, les décrets peuvent être individuels , lorsqu'ils intéressent une ou plusieurs personnes nominativement désignées, ou réglementaires , lorsqu'ils contiennent des dispositions générales s'adressant à l'ensemble de la population ou à des catégories indéterminées de celle-ci ; il en est de même lorsqu'ils précisent l'organisation d'un service. Les décrets réglementaires ne peuvent être pris que par le Premier ministre.
* 57 Du point de vue de leur forme, on distingue les décrets simples qui comportent généralement la signature du Premier ministre et, exceptionnellement, celle du Président de la République, avec le contreseing d'un ou plusieurs ministres ; ensuite, les décrets en conseil des ministres , qui sont signés par le Président de la République, après délibération du conseil des ministres et qui portent le contreseing de tous les ministres. C'est là l'exception majeure à cette indication générale que le pouvoir réglementaire est exercé par le Premier ministre. Enfin, on note l'existence de décrets en Conseil d'Etat , pris à l'invitation du législateur ou spontanément.
* 58 Décision n° 89-269 DC du 22 janvier 1990 sur la loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé. Conseil d'Etat 27 1966, Société de crédit commercial et immobilier.
* 59 Conseil d'Etat, 6 Octobre 1967, Duchêne. Conseil d'Etat, 10 Juillet 1996, Urssaf de la Haute Garonne.
* 60 Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 sur loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Le Conseil constitutionnel utilise les termes « d'autorité de l'Etat » dans cette décision.
* 61 Décision n° 96-378 DC du 23 juillet 1996 sur la loi de réglementation des télécommunications.
* 62 Décision n° 93-324 DC du 3 août 1993 sur la loi relative au statut de la Banque de France.
* 63 Décision n° 91-304 DC du 15 janvier 1992.
* 64 Conseil d'Etat, 7 Février 1936, Jamart : « Même dans les cas ou les ministres ne tiennent d'aucune disposition législative un pouvoir réglementaire, il leur appartient, comme à tout chef de service, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l'administration placée sous leur autorité . »
* 65 Conseil d'Etat, 4 février 1976, CFDT du centre psychothérapique de Thuir.
* 66 Conseil d'Etat, 10 juin 1988, Département de l'Orne : le décret n'ayant renvoyé à aucune disposition le soin de fixer les modalités d'élection d'une commission administrative, il appartient à l'organe du service d'incendie et de secours compétent de fixer lui-même les règles de cette élection et les modalités du scrutin.
Conseil d'Etat, 13 février 1985, Syndicat communautaire d'aménagement de l'agglomération nouvelle de Cergy Pontoise.
* 67 L'avis du Conseil d'Etat du 17 mai 1979 explicite les termes du code des postes et télécommunications qui disposent que le directeur général du Centre national de la cinématographie exerce le pouvoir réglementaire conféré à cet établissement public : « le directeur général du Centre peut user de son pouvoir réglementaire dans les matières de sa compétence pourvu que la réglementation qu'il édicte réponde à l'un des buts qui lui sont assignés. Il ne le peut toutefois qu'à la condition de respecter les dispositions législatives en vigueur. »
* 68 Fixation du nombre des adjoints au maire (article L. 2122-2 du code général des collectivités territoriales), règlement intérieur (article L. 2121-8, L. 3121-8, L. 4132-6)).
* 69 Décision de Conseil constitutionnel n° 90-274 DC « droit au logement ».
* 70 Conseil d'Etat, 20 mars 1992, préfet du Calvados : bien que la loi ait expressément prévu que l'assemblée délibérante des collectivités locales fixerait le régime indemnitaire de ses agents dans les limites de ceux dont bénéficient les agents de l'Etat, le Conseil a jugé que la loi n'était pas suffisamment précise pour être appliquée avant l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat.
* 71 Conseil d'Etat, 2 décembre 1994, Commune de Cuers : « les dispositions de la loi qui confèrent aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics compétence pour déterminer, dans le respect des critères fixés par la loi, les emplois auxquels peut être attachée l'attribution d'un logement de fonction sont applicables sans que l'édiction par les autorités de l'Etat d'un texte réglementaire, qu'elles ne prévoient d'ailleurs pas, soit nécessaire ».
* 72 Conseil d'Etat, 1 er avril 1996, Département de la Loire.
* 73 Conseil d'Etat, 5 octobre 1998, Commune de Longjumeau : « Les communes, en vertu de l'article R. 449-1 du code de la construction et de l'habitation, ont la faculté de définir, par voie de dispositions de portée générale, les orientations ou les règles sur la base desquelles elles entendent formuler ces propositions d'attributions de logements], à condition, toutefois, qu'aucune atteinte ne soit portée par ses dispositions à l'ensemble des prescriptions législatives et réglementaires en vigueur ».
* 74 Voir l'ouvrage : « Le pouvoir réglementaire des collectivités locales » de Bernard Faure, éditions LGDJ, 1998.
* 75 Décisions du Conseil constitutionnel n° 76-94 L du 2 décembre 1976 « Vote par procuration » et n° 80-115 DC du 1 er juillet 1980 sur la loi d'orientation agricole.
* 76 Conseil d'Etat, 27 novembre 1964, Veuve Renard
* 77 Conseil d'Etat, 30 décembre 1998, Portejoie
* 78 Les cinq délibérations de l'Assemblée de Corse portant propositions de modification de mesures réglementaires ont été exposées au I.
* 79 Décrets n° 97-110 du 7 février 1997 relatif à la composition de diverses instances consultatives en matière de travail et d`emploi dans la collectivité territoriale de Corse et décret n° 97-111 relatif à la composition du comité régional et des comités départementaux de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi dans la collectivité territoriale de Corse.
* 80 Délibération n° 2000/170 AC de l'Assemblée de Corse portant adoption de l'avis sur l'avant-projet de loi modifiant et complétant le statut de la collectivité territoriale de Corse.
* 81 L'article L. 4423-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction actuelle, dispose que les délibérations de l'Assemblée de Corse et du conseil exécutif ainsi que les aces du président de l'Assemblée de Corse et du président du conseil exécutif sont soumis au contrôle de légalité.
* 82 Articles 134 et 201 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle Calédonie.
* 83 Articles 39 et 93 de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.
* 84 « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre, par ordonnances, pendant un délai déterminé, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation.
A l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif ».
* 85 Rapport n° 2995 (AN, XI ème législature) de M. Bruno Le Roux au nom de la commission des Lois, page 183.
* 86 Rapport n° 2854 (AN, Xième législature) de M. Emile Blessig au nom de la commission des Lois, sur la proposition de loi constitutionnelle tendant à introduire dans la Constitution un droit à l'expérimentation pour les collectivités locales », page 10.
* 87 Article 74 : « Un protocole national fixe les modalités d'une évaluation des difficultés de fonctionnement du dispositif du revenu minimum d'insertion institué par la loi n° 88-1088 du 1 er décembre 1998. Cette évaluation doit permettre de formuler des propositions d'aménagement de ce dispositif susceptibles d'accroître la maîtrise de la dépense publique, de favoriser l'insertion des bénéficiaires et de mieux définir le rôle des acteurs du système de protection sociale. Ces propositions sont expérimentées localement par voie conventionnelle. Un comité national, dont la composition est fixée par décret, est consulté sur le contenu du protocole national et sur sa mise ne oeuvre. En outre, il assure le suivi des expérimentations locales. »
* 88 L'objet de ces expérimentations était de valider une procédure de reconnaissance de la dépendance fondée sur une grille nationale d'évaluation, à savoir la grille AGGIR, d'étudier les conditions de mise en place d'une nouvelle prestation destinées exclusivement aux personnes âgées dépendantes et d'organiser une coordination des aides à la dépendance. L'expérimentation était menée dans un cadre juridique inchangé .
* 89 Article 67 : « afin d'assurer la mise en oeuvre de la politique nationale d'aménagement et de développement du territoire, une loi définira, après une phase d'expérimentation qui débutera un an au plus après l'adoption de la présente loi, les modalités d'organisation et de financement des transports collectifs d'intérêt régional et les conditions dans lesquelles ces tâches seront attribuées aux régions, dans le respect de l'égalité des charges imposées au citoyen ainsi que l'égalité des aides apportées par l'Etat aux régions. Sous réserve de l'expérimentation, cette loi devra prendre en compte le développement coordonné de tous les modes de transports et assurer la concertation entre toutes les autorités organisatrices de transports ».
* 90 A ce titre, il existe un décalage entre l'acception juridique du terme « compétences » et son utilisation dans le langage commun. En toute rigueur, les lois de décentralisation n'ont pas reconnu aux collectivités territoriales des « compétences », mais leur ont dévolu de nouvelles attributions.
* 91 Par exemple : l'article 17 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.
* 92 Statut des cultes, jours fériés, urbanisme, législation sur les professions, la chasse, l'artisanat, le livre foncier...
* 93 Proposition de loi constitutionnelle relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières.
* 94 Loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives.
* 95 Renuméroté L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales par l'article 3 du présent projet de loi.