MOTION
présentée par
M. Francis Giraud
au nom de la commission des Affaires sociales
TENDANT À
OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE2
(
*
)
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat,
Considérant que la persistance d'un nombre élevé d'IVG révèle les carences des politiques menées depuis trente ans en faveur d'une éducation responsable à la sexualité et de l'information sur la contraception ; qu'il est aujourd'hui de la responsabilité du Gouvernement de définir une politique ambitieuse dans ces domaines, qui mobilise autant le corps enseignant que le corps médical et ouvre le dialogue au sein des familles ;
Considérant que notre pays ne s'est pas davantage donné les moyens d'appliquer correctement la loi Veil ; que les nombreux dysfonctionnements que connaissent les structures chargées d'accueillir les femmes et de pratiquer les IVG ne sont pas étrangers aux difficultés fréquemment rencontrées par les femmes pour accéder à l'IVG dans les délais légaux ; que si ces moyens en personnels formés et disponibles, en structures proches et accessibles, avaient pu être dégagés ou pouvaient l'être aujourd'hui, le présent projet de loi perdrait sa raison d'être dans ses dispositions essentielles ;
Considérant que le présent projet de loi, qui se limite à allonger de dix à douze semaines le délai légal pour bénéficier d'une IVG, constitue, dans ce contexte, une fuite en avant ; que l'allongement du délai légal n'apporte pas de véritable réponse à la situation des quelque 5.000 femmes qui, chaque année, sont contraintes de se rendre à l'étranger pour obtenir une IVG dans des pays où le terme légal est plus éloigné ;
Considérant, en effet, que seule la moitié des femmes concernées, 2.000 à 3.000 selon les estimations les plus fiables, serait susceptible de bénéficier de ces deux semaines supplémentaires ; que l'autre moitié dépasse de toute façon le délai de douze semaines de grossesse ; que le projet de loi reste muet sur le sort réservé à ces femmes ;
Considérant, en outre, que l'allongement du délai comporte un certain nombre de risques qui sont loin d'être négligeables ; que l'intervention devient ainsi plus difficile tant d'un point de vue technique que psychologique entre la dixième et la douzième semaine de grossesse ; que deux semaines supplémentaires changent la nature de l'acte médical ; qu'elles impliquent un effort considérable de formation et la mise en place de moyens techniques garantissant la sécurité des interventions ;
Considérant dès lors que l'allongement du délai risque de dégrader encore le fonctionnement quotidien du service public ; qu'il est probable que l'accès à l'IVG restera toujours aussi difficile pour certaines femmes ; qu'il est à craindre que ces difficultés soient encore accrues ;
Considérant, en outre, que, si l'on ne peut pas parler d'eugénisme, le risque existe de pratiques individuelles de sélection du foetus au vu des éléments du diagnostic prénatal ;
Considérant, en définitive, que l'allongement du délai légal revient à déplacer les frontières de l'échec ;
Considérant qu'en première lecture, le Sénat a profondément modifié le projet de loi tel que présenté par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale ;
Considérant que, donnant la priorité à l'impératif de santé publique, il a fait le choix de s'opposer à l'allongement du délai légal et de formuler parallèlement un certain nombre de propositions de nature à apporter une solution effective aux difficultés rencontrées ;
Considérant que, tout en proposant de maintenir le délai légal de l'IVG à dix semaines de grossesse, il a ainsi souhaité apporter une réponse à la détresse des femmes qui dépassent le délai légal en permettant la prise en charge des situations les plus douloureuses dans le cadre de l'interruption médicale de grossesse ;
Considérant qu'en examinant le dispositif du projet de loi, le Sénat a souhaité certes en limiter les dangers mais que, loin de rejeter l'ensemble du texte, il en a amélioré sensiblement la teneur sur de nombreux points et amplifié la portée ;
Considérant qu'en première lecture, il a ainsi adopté sans modification huit articles et qu'il en a amendé douze ;
Considérant qu'il a notamment rétabli le contenu du dossier-guide, tel qu'il était prévu par la loi Veil, dont les éléments n'ont pas pour vocation de dissuader la femme de recourir à l'IVG mais simplement de s'assurer qu'elle prend sa décision en toute connaissance de cause et en disposant de l'information la plus complète possible ;
Considérant qu'il a souhaité maintenir, pour les mêmes raisons, le caractère obligatoire de l'entretien social préalable à l'IVG ;
Considérant en outre, que, s'agissant de la difficile question de l'accès des mineures à l'IVG, il a souhaité que cette possibilité soit entourée de garanties ; qu'il a en conséquence prévu que l'adulte référent ne se limiterait pas à accompagner la mineure, mais l'assisterait ; qu'il a de surcroît précisé que cette personne serait soit un membre majeur de la famille de la mineure, soit une personne qualifiée, c'est-à-dire compétente et formée ;
Considérant qu'il a porté de trois à cinq le nombre minimum des séances annuelles d'éducation à la sexualité et d'information sur la contraception dans les collèges et lycées, et étendu ces séances aux écoles primaires ; qu'il a prévu que des réunions associant les parents d'élèves seraient organisées pour définir des actions menées conjointement ; qu'il a également créé un Conseil supérieur de l'éducation sexuelle ;
Considérant qu'il a souhaité réaffirmer la nécessité d'un suivi médical de la contraception hormonale ; qu'il a considéré que l'obligation de prescription permettait un bilan et un suivi médical de la femme et un dépistage précoce de certaines pathologies ;
Considérant qu'il a également souhaité encadrer la pratique de la stérilisation à visée contraceptive afin de protéger la santé des personnes et d'éviter que des excès ne puissent être commis ;
Considérant qu'il a prévu, s'agissant de la stérilisation des majeurs sous tutelle, que celle-ci ne pourrait être pratiquée qu'à la demande des parents et que si la personne concernée était apte à exprimer sa volonté, son consentement devait être systématiquement recherché ;
Considérant que le Sénat a tenu également à enrichir et à compléter le projet de loi ;
Considérant qu'il a ainsi solennellement rappelé que la réduction du nombre des IVG était une priorité de santé publique et que le Gouvernement mettrait en oeuvre, à cette fin, les moyens nécessaires à la conduite d'une véritable politique d'éducation à la sexualité et d'information sur la contraception ;
Considérant qu'il a de même introduit des dispositions importantes protégeant la femme enceinte contre toute forme de pression destinée à la contraindre à une interruption de grossesse, prévoyant qu'une information et une éducation à la sexualité seraient dispensées dans toutes les structures accueillant des personnes handicapées, et précisant que nul n'est fondé à demander une indemnisation du seul fait de sa naissance ;
Considérant que l'Assemblée nationale en nouvelle lecture a non seulement rétabli l'intégralité des dispositions contestées par la Haute Assemblée mais qu'elle a écarté l'essentiel des améliorations et corrections apportées par le Sénat, de même que la quasi-totalité des articles additionnels dont il avait souhaité enrichir le projet de loi ;
Considérant que l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a ainsi entendu signifier qu'elle avait dit son dernier mot dès sa première lecture ;
Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
TABLEAU COMPARATIF
* 2 En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, cette motion est soumise au Sénat avant la discussion des articles.