N° 284
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 avril 2001 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires
étrangères, de la défense et des forces
armées
(1) sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole portant
amendement à la convention européenne sur la
télévision
transfrontière
,
Par M. Guy PENNE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Xavier de Villepin,
président
; Serge Vinçon, Guy Penne,
André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer,
Mme Danielle Bidard-Reydet,
vice-présidents
; MM. Michel
Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Auban, Pierre Biarnès,
secrétaires
; Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean
Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette
Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia,
Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco,
Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel,
Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le
Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Jean-Yves Mano, René
Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette
Michaux-Chevry, MM. René Monory, Paul d'Ornano, Michel Pelchat,
Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat,
Gérard Roujas, André Rouvière, Raymond Soucaret.
Voir le numéro :
Sénat : 100 (2000-2001)
Traités et conventions. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le paysage audiovisuel européen a connu de profonds bouleversements entre 1989 et 2000, touchant en particulier le domaine de la radiodiffusion.
De nouvelles techniques de transmission, impliquant l'augmentation continue des réseaux satellitaires, que ce soit par câble, voie terrestre, en mode analogique ou numérique, ont entraîné l'extension des zones de diffusion sur l'ensemble du continent européen.
A ces modifications, il convient d'ajouter la diversification croissante de l'offre de programmes intervenue ces dix dernières années. Alors qu'en 1989 les principaux acteurs du paysage audiovisuel européen demeuraient avant tout les radiodiffuseurs de service public, ceux-ci se sont vus concurrencés, durant la dernière décennie, par un nombre sans cesse croissant de sociétés privées, offrant aussi bien des programmes généralistes que thématiques, en accès libre ou conditionnel.
La fin des années 90 fut également marquée par le rapprochement de grands groupes du secteur audiovisuel, opérant auparavant dans des domaines relativement différents : opérateurs audiovisuels, opérateurs de télécommunications, fournisseurs d'accès à Internet. Un tel phénomène s'est traduit par la consolidation du secteur audiovisuel européen appelé à un essor sans précédent.
Cette évolution a justifié la mise en oeuvre d'un cadre réglementaire au niveau européen, requis par l'ampleur de ces phénomènes technologiques, qui dépassent les limites nationales et risquent, en l'absence de normes efficaces et reconnues, de constituer une atteinte à la souveraineté des Etats sur le territoire desquels ils s'exercent.
Afin de concilier l'exigence de sécurité juridique avec le développement technologique, le Conseil de l'Europe a élaboré, le 5 mars 1989, un instrument juridique qui précisait les principes essentiels devant régir la radiodiffusion transfrontière. Cette convention servit également de base à l'élaboration de la directive européenne " télévision sans frontières " du 3 octobre 1989 qui a entraîné, dans les législations internes aux pays membres de la Communauté européenne, certains aménagements.
Cependant, la mise en oeuvre de ce dispositif s'est déroulée dans un contexte marqué par d'importants changements politiques en Europe centrale et orientale, qui se traduisirent notamment par l'élargissement de la composition du Conseil de l'Europe depuis 1989 et, en conséquence, le développement, au niveau paneuropéen, du cadre juridique établi par la convention.
Il est ainsi nécessaire que le dispositif normatif existant accompagne, afin de mieux les encadrer, les innovations technologiques qui marquent l'évolution de la radiodiffusion transfrontière. Alors qu'une nouvelle directive -élaborée en 1997 et récemment transposée dans notre droit interne en août dernier 1 ( * ) - semble avoir, provisoirement du moins, répondu à cette nécessité, la convention du 5 mars 1989 fait aujourd'hui l'objet d'un protocole additionnel afin d'adapter, à l'échelle européenne, la législation en vigueur avec les récents bouleversements survenus dans les domaines regroupés sous l'appellation de " télévision transfrontière ".
*
* *
I. CONCILIER SÉCURITÉ JURIDIQUE ET INNOVATION TECHNOLOGIQUE
A. LE RÉEL ESSOR DU MARCHÉ EUROPÉEN DE L'AUDIOVISUEL
1. La multiplication et la diversification de l'offre
L'industrie audiovisuelle, et plus particulièrement le secteur de la télévision, a connu un développement constant durant la dernière décennie.
Les prestataires de service télévisuel ont ainsi développé leur offre, bénéficiant d'un contexte technologique favorable, caractérisé par l'augmentation quantitative et l'amélioration qualitative des infrastructures de transmission et de réception. Le nombre de chaînes disposant d'une couverture nationale et émettant par voie terrestre sur l'ensemble de l'Union européenne est estimé, au début de l'année 2000, à plus de 585.
Cependant, en raison du développement concomitant de la diffusion par satellite, le marché de l'audiovisuel européen est désormais transfrontalier. Ainsi, cinquante chaînes diffusent en priorité leurs programmes vers d'autres marchés que ceux de leur pays d'établissement, surtout lorsque ceux-ci appartiennent à une même communauté linguistique.
Dans cette évolution s'inscrivent en outre les constants progrès de la technologie numérique, que ce soit par voie satellitaire ou terrestre. Aussi, le Royaume-Uni, depuis 1998, ainsi que l'Espagne et la Suède, depuis 1999, disposent désormais de services numériques de télévision terrestre.
Les années 90 ont également connu l'émergence de chaînes thématiques émettant, soit par satellites ou réseaux cablés, soit par radiodiffusion numérique terrestre. Représentant globalement près de 3,5 millions d'heures de programmes par an, ces chaînes sont le plus souvent proposées dans le cadre de bouquets diffusés par les opérateurs à péage.
Enfin, l'augmentation des possibilités de transmission par satellite ou câble, ainsi que le développement de la technologie numérique terrestre, devraient bénéficier, dans les prochaines années, aux chaînes locales.
2. Un marché en constante valorisation
Le marché européen de l'audiovisuel demeure porteur avec, pour les seuls pays membres de l'Union européenne, plus de 152 millions de téléviseurs et près du quart des foyers disposant d'une connexion par câble. Ces derniers constituent également la cible principale des opérateurs, en raison de leur accès immédiat à toute une gamme de services, combinant la télévision interactive, le réseau internet et la téléphonie locale.
Le financement des organismes de radiodiffusion télévisuelle de l'Union européenne reste assuré principalement par les recettes publicitaires qui ont atteint, pour l'année 1999, un montant de l'ordre de 23,2 milliards d'euros de recettes. En outre, ces dernières années ont été marquées par la nette augmentation du nombre des abonnements aux chaînes payantes, produisant, en 1998, 7,3 milliards d'euros de recettes et connaissant, depuis lors, une croissance annuelle de plus de 10 %.
Les redevances payées par les téléspectateurs assurent encore une grande part du financement des organismes de radiodiffusion télévisuelle du service public, en Allemagne et en France. Cependant, les recettes commerciales des organismes publics de radiodiffusion télévisuelle assurent jusqu'au tiers des recettes chez nos partenaires belge, danois, espagnol, italien et suédois.
Par ailleurs, les principaux opérateurs audiovisuels européens ont mis en oeuvre une politique d'alliance afin, notamment, de rapprocher les fournisseurs de contenu avec les distributeurs de services audiovisuels.
Ainsi les alliances des groupes Pearson et CLT-UFA, Kirch avec Mediaset et BskyB, Sat-1 et Prosieben ou encore la fusion entre Vivendi et Seagram illustrent le choix de la concentration opérée par les grands opérateurs privés afin de bénéficier au mieux de ce marché en constante valorisation.
* 1 Loi n° 2000-719 du 1 er août 2000.